Mme Claire-Lise Campion attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la question des donations déguisées de parcelles agricoles. Elle rappelle que, le 5 février 2013, elle portait à sa connaissance les vives inquiétudes de nombreux élus du département de l'Essonne, nées de la prolifération des donations déguisées de parcelles agricoles.
En effet, dès le mois de décembre 2012, la communauté de commune de l'Arpajonnais et une partie des municipalités qui la composent l'ont alertée par le vote de motions de soutien à la commune d'Ollainville, sur des pratiques illégales au regard de la cession de six parcelles situées en zone agricole. Ces parcelles ont été cédées sous le régime de la donation à des familles dont les intentions d'installation n'entrent pas dans le champ des activités agricoles.
Or, le fait de procéder par donation permet de soustraire le bien en question au droit de préemption des collectivités territoriales et des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Cette règle peut se comprendre lorsqu'il s'agit de transmettre un patrimoine à son ayant droit mais elle perd tout sens lorsqu'un propriétaire, désireux de maximiser ses profits, se joue de la loi sous couvert d'un élan philanthropique pour, finalement, toucher des rémunérations occultes liées à ladite donation.
Dans le cas qu'elle dénonce, la commune d'Ollainville est persuadée que la donation visait à soustraire intentionnellement les six parcelles à son droit de préemption. Elle a donc déposé une plainte auprès du procureur de la République.
Ce phénomène n'est pas nouveau, comme en témoigne la publication, depuis 2008, de plusieurs questions écrites sur le sujet. Ce n'est pas non plus un phénomène isolé, puisqu'il dépasse le cadre géographique du département de l'Essonne.
Une réponse du ministère à la question n° 01172, publiée au Journal Officiel du 25 octobre 2012 (p. 2374), indiquait que « la prochaine loi d'avenir de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » sera l'occasion d'aborder dans toutes ses dimensions la question du foncier. Cette loi d'avenir, dont le report au début de l'année 2014 a été annoncé, donnera l'occasion de mettre à bas ces pratiques, en comblant les lacunes du droit français.
C'est pourquoi, elle insiste sur l'importance de ce dossier. Aussi, lui demande-t-elle d'indiquer l'état d'avancement de ses réflexions, ainsi que les mesures envisagées pour mettre un terme à la prolifération de ces donations déguisées qui participe à l'effacement des surfaces agricoles, si précieuses pour les territoires.
Mme Claire-Lise Campion. Ma question porte sur les donations déguisées de parcelles agricoles. Le 5 février 2013, je portais à la connaissance du ministre de l'agriculture les vives inquiétudes de nombreux élus du département de l'Essonne, nées de la prolifération des donations déguisées de parcelles agricoles.
En effet, dès le mois de décembre 2012, la communauté de commune de l'Arpajonnais et une partie des municipalités qui la composent m'ont alertée sur des soupçons de pratiques illégales concernant la cession de six parcelles situées en zone agricole sur le territoire de la commune d'Ollainville. Ces parcelles ont été cédées sous le régime de la donation à des personnes dont les intentions d'installation n'entrent pas dans le champ des activités agricoles. Depuis, d'autres communes de l'Essonne sont également concernées par de telles pratiques.
Vous le savez, monsieur le ministre, le fait de recourir à la donation permet de soustraire le bien en question au droit de préemption des collectivités territoriales et des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER. Cette règle peut se comprendre lorsqu'il s'agit de transmettre un patrimoine à un héritier, mais elle perd tout sens lorsqu'un propriétaire, désireux de maximiser d'éventuels profits, se joue de la loi sous couvert d'un élan « philanthropique » pour, finalement, toucher des rémunérations occultes liées à ladite donation.
Dans le cas dénoncé, la commune d'Ollainville est persuadée que la donation visait à soustraire intentionnellement les six parcelles à son droit de préemption. Elle a donc déposé une plainte auprès du procureur de la République.
Ce phénomène n'est pas nouveau, comme en témoigne la publication, depuis 2008, de plusieurs questions écrites sur le sujet. Il n'est pas non plus isolé, puisqu'il dépasse le cadre géographique du département de l'Essonne.
Une réponse du ministère a été publiée au Journal officiel du 25 octobre 2012, indiquant que la discussion de « la prochaine loi d'avenir de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt [..] sera[it] l'occasion d'aborder dans toutes ses dimensions la question du foncier ». Cette loi d'avenir, dont nous avons appris récemment qu'elle serait soumise au Parlement au début de l'année 2014, nous donnera l'occasion de mettre fin à ces pratiques, en comblant les lacunes de notre droit.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'insiste encore aujourd'hui sur l'importance de ce dossier, tout en étant persuadée que le Gouvernement lui accordera une grande attention. Pourriez-vous m'indiquer l'état d'avancement des réflexions du ministre de l'agriculture, ainsi que les mesures envisagées pour mettre un terme à ces donations déguisées qui contribuent à l'effacement de surfaces agricoles, si précieuses pour nos territoires, en Île-de-France ou dans d'autres régions ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Madame la sénatrice, je comprends bien le sens de votre question, qui soulève de réels problèmes.
Quel est l'état actuel de la législation ? Les droits de préemption ne peuvent être exercés que sur des biens faisant l'objet d'une aliénation à titre onéreux, c'est-à-dire d'une vente. Les aliénations à titre gratuit - donations et legs - sont exclues du champ du droit de préemption, sauf en cas de fraude. Tel serait le cas d'une donation déguisée conclue dans le seul but de faire échec à l'exercice de ce droit.
Pour lutter contre cette pratique, deux actions peuvent être engagées devant le juge civil : l'action en déclaration de simulation et l'action en nullité. Par ailleurs, il convient de rappeler que la donation déguisée peut être contestée par l'administration fiscale.
Pour les transmissions qui interviennent dans le cadre familial, le code rural exempte du droit de préemption les cessions de biens à caractère agricole ou rural consenties à titre onéreux entre parents ou alliés ou à des cohéritiers ou à leurs conjoints survivants jusqu'au quatrième degré inclus. Il est vrai que cela complexifie un peu les choses.
Sont également concernés les échanges, dations en paiement, apports en société ou ventes en viager.
Vous proposez, madame la sénatrice, de rechercher s'il est possible d'améliorer l'information viales SAFER.
Nous avons expertisé une amélioration de l'information des SAFER à l'égard des transmissions par aliénation à titre gratuit portant sur des parcelles ou des biens à vocation agricole. Cela soulève des difficultés techniques réelles et importantes. En effet, elles portent souvent sur la totalité du patrimoine des cédants en incluant pour partie seulement les biens agricoles. Informer, comme vous le proposez, les SAFER sur l'ensemble des aliénations à titre gratuit conduirait ces mêmes SAFER à recevoir un volume très important de données, documents, fichiers, ce qui pèserait de manière significative sur les structures de gestion foncière.
Donc, il n'est pas prévu, à ce stade, de donner suite à votre proposition dans le cadre du futur projet de loi d'avenir pour l'agriculture, qui nous donnera l'occasion de traiter d'autres difficultés relatives aux SAFER.
La question que vous posez est parfaitement pertinente et appelle évidemment des réponses. La proposition que je vous fais ce matin, c'est de continuer à travailler avec vous sur cette question pour essayer de trouver une solution équilibrée, efficace, qui ne représente pas une charge trop importante pour les opérateurs fonciers et qui, de ce fait, pourrait être examinée dans le cadre des discussions sur la loi d'avenir pour l'agriculture. Telle est la proposition de démarche commune que je vous fais ce matin, madame la sénatrice.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Vous avez à nouveau déroulé tous les outils juridiques à notre disposition, pointant ainsi un manque réel.
Je vous remercie surtout pour votre proposition de travail commun, à laquelle je réponds de manière tout à fait positive. Il est en effet nécessaire de trouver des solutions à ce problème tangible, qui, outre qu'il existe depuis un certain temps, dépasse largement le cadre de mon département et celui de la région francilienne.
Je vous ai entendu sur l'inadéquation de la discussion parlementaire sur la loi d'avenir agricole pour trouver une solution. Je suis tout à fait à disposition et prête au travail que vous nous proposez. Je ne manquerai pas d'y donner suite.
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