M. Christian Cambon attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la valorisation du contrat d'apprentissage.
Les chiffres publiés par la direction statistique du ministère du travail mettent en évidence une baisse de 18 % du nombre d'inscriptions en apprentissage, de janvier à juillet 2013, par rapport à l'année 2012.
Or le contrat d'apprentissage qui valorise la formation professionnelle et encourage les jeunes à apprendre un métier est l'un des vecteurs de réussite pour lutter contre le chômage chez les 18-25 ans. En France, 24 % des jeunes étaient en recherche d'emploi alors qu'ils étaient 8,1 %, en novembre 2012, en Allemagne.
À ce chiffre, le plus bas d'Europe, peut être ajouté celui du nombre d'apprentis dans les deux pays. Ils sont 400 000 en France contre 1,5 million outre-Rhin où la formation professionnelle initiale s'appuie sur l'apprentissage.
Le Gouvernement superpose les initiatives en faveur des jeunes pour lutter contre le chômage. Après la mise en place des emplois d'avenir qui coûte cher (2,3 milliards en 2013 et plus de 3 milliards en 2014), le contrat de génération qui ne rencontre pas de succès, les emplois francs dont l'objectif modeste est de signer 10 000 contrats d'ici à trois ans, la « garantie jeunes », très éloignée de l'emploi, offrant une allocation de 450 euros pour s'insérer dans la vie professionnelle, le contrat d'apprentissage doit être encouragé et valorisé.
Contrairement aux autres initiatives, celui-ci permet d'obtenir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre professionnel reconnu. Face à la crise, les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises sont prudentes en matière d'embauche car elles ne voient pas de signe de reprise économique.
Il lui demande quels moyens il souhaite mettre en place pour rassurer les PME et les très petites entreprises pour les aider à embaucher des contrats d'apprentissages et valoriser, ainsi, le travail et le savoir-faire des jeunes.
M. Christian Cambon. Ma question s'adresse effectivement à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mais elle concerne également M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. En effet !
M. Christian Cambon. Dans la lutte contre le chômage des jeunes, une mauvaise nouvelle vient malheureusement une nouvelle fois assombrir le bilan de l'action du Gouvernement.
Les chiffres publiés par le ministère du travail viennent de faire état d'une baisse de 8 % du nombre d'inscriptions en apprentissage, et ce en l'espace d'une seule année.
Alors que 24 % des jeunes étaient en recherche d'emploi l'an dernier, contre 8 % seulement en Allemagne, la France ne parvient toujours pas à attirer plus de jeunes vers cette filière d'excellence, ce véritable passeport pour l'emploi, qui permet à plus de 70 % des apprentis, voire 100 % dans certaines filières, d'entrer dans la vie professionnelle avec non seulement une formation mais aussi un diplôme.
Comment en est-on arrivé là ? Le Gouvernement semble s'entêter à négliger l'objectif courageux fixé par le Président de la République au mois juillet dernier : atteindre les 500 000 jeunes formés en alternance d'ici à 2017.
Les entreprises, notamment les PME, se plaignent de difficultés de recrutement. Près de 400 000 emplois restent non pourvus, faute d'une formation adéquate. Pourtant, on multiplie les mesures inadéquates qui coûtent des sommes astronomiques sans répondre aux besoins exprimés.
Les emplois d'avenir, qui coûtent bien cher aux contribuables - 2,3 milliards d'euros en 2013 et 3 milliards d'euros en 2014 - font, certes, baisser les statistiques du chômage, mais ils n'apportent que peu de qualification et pas de diplôme. S'adressant aux services publics, aux collectivités et aux associations, ils ne risquent pas de favoriser la croissance portée par les entreprises !
Les contrats de génération, quant à eux, patinent, faute de prise en compte des contraintes des entreprises et du vrai coût financier d'un tel dispositif pour une entreprise petite ou moyenne.
Les emplois francs ont un objectif bien modeste : seulement 10 000 contrats en trois ans.
Enfin, et c'est presque le pire, la « garantie jeune », très éloignée de l'emploi, offre une allocation de 450 euros pour s'insérer dans l'emploi, alors que c'est de formation technique et pratique que les jeunes ont besoin !
En matière d'apprentissage, ce sont plutôt des signes négatifs que le Gouvernement adresse aux jeunes et aux entreprises ayant fait le choix et l'effort de tendre la main à ces derniers pour les insérer dans une formation qualifiante.
En 2014, vous avez décidé une baisse de 20 % du budget de l'apprentissage, en supprimant dans les sociétés de plus de dix salariés la prime à l'embauche de 1 000 euros et en réduisant le crédit d'impôt lié à la présence d'apprentis. Croyez-moi, cette mesure va être durement ressentie ! Et la prime des employeurs qui ont recruté un apprenti en 2013 va diminuer encore sur les deux années à venir.
De surcroît, on déstabilise les efforts que les régions avaient consentis en faveur de l'apprentissage pour les inciter à financer, avec le produit de la taxe, ces fameux contrats d'avenir qui, eux, ne débouchent sur aucune qualification.
Certes, vous vous appuyez sur les vingt régions que vous dirigez, mais vous contraignez ces partenaires essentiels de l'apprentissage à diminuer leurs efforts de financement, privant les centres de formation et les entreprises partenaires de moyens essentiels à leur développement.
Clou de cette politique, le Gouvernement n'a même pas voulu lancer la campagne nationale de promotion de l'apprentissage, pourtant absolument nécessaire pour l'information des jeunes et des familles.
Monsieur le ministre, au moment où le Président de la République, reconnaissant près de deux ans d'erreurs successives et d'échecs en matière de lutte contre le chômage, oriente désormais ses efforts vers les entreprises, au moment où vous-même tenez courageusement un discours très fort en la matière, pouvez-vous nous éclairer sur les conséquences que cette nouvelle priorité aura sur l'apprentissage ?
Cette filière de formation d'excellence, qui permet en Allemagne à 5 millions de jeunes de s'insérer durablement dans la vie professionnelle, va-t-elle enfin devenir en France aussi une priorité nationale et un facteur de croissance pour l'emploi ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de mon collègue Michel Sapin, qui m'a prié de bien vouloir vous transmettre sa réponse à votre interrogation, d'ailleurs légitime !
Quoi que l'on puisse dire, le Gouvernement est très attaché au développement de l'apprentissage, qui a d'ailleurs abondamment démontré son efficacité en termes de qualification et d'insertion professionnelle des jeunes. C'est pourquoi l'objectif de porter le nombre d'apprentis à 500 000 en 2017, inscrit dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, que Louis Gallois avait inspiré dans son rapport, est central pour l'ensemble du Gouvernement.
Le bilan de l'année 2013 est maintenant connu. Permettez-moi de les reprendre dans le détail.
Le nombre de contrats enregistrés sur l'ensemble de l'année est en effet en recul, de 8,1 %. Ce chiffre doit être lui-même relativisé du fait de la modification du mode d'enregistrement des contrats intervenue en 2012, qui a rendu la procédure plus rapide. De ce fait, des contrats qui auraient été enregistrés au mois de janvier dans le système précédent l'ont été à la fin de l'année 2012. Il faudra donc vérifier avec la correction en glissement si le résultat n'est pas en fait meilleur.
En outre, l'apprentissage étant fortement « calé » sur le calendrier scolaire, la période la plus significative est celle de la campagne 2013-2014, qui court de juin à décembre. Or, sur cette période, la baisse enregistrée est limitée à 4,5 %. Et la baisse du « stock » d'apprentis en fin d'année a été estimée à hauteur de 2,5 % seulement.
Je ne pense donc pas que les propos catastrophistes sur un prétendu écroulement de l'apprentissage soient de mise.
Au demeurant, tout le monde a besoin de l'apprentissage : le Gouvernement, les entreprises, les jeunes. Il n'y a pas de raison de susciter des réticences à l'égard de cette solution.
Pour nous, les petites entreprises, dans lesquelles se trouvent plus de la moitié des apprentis, doivent être rassurées et soutenues.
C'est à cette fin que l'architecture des aides aux employeurs d'apprentis a été modifiée en loi de finances pour l'année en cours. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances, réalisé au printemps 2013 pour analyser les économies à proposer, a en effet mis en évidence que ces aides étaient mal ciblées.
C'est pourquoi l'indemnité compensatrice forfaitaire versée sans discernement aux employeurs d'apprentis a été remplacée par une aide ciblée sur les entreprises de moins de onze salariés. (Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme acquiesce.) Ma collègue Sylvia Pinel a raison d'acquiescer, car il s'agit de son secteur : l'artisanat. C'est là où les besoins de formation sont considérables, et les emplois non pourvus ! Et le petit-fils de boucher charcutier de Saône-et-Loire que je suis en sait quelque chose : il manque 3 000 bouchers en France ! Nous les cherchons ? Ils sont là, dans ces petites entreprises, et c'est donc là qu'il faut investir !
M. Christian Cambon. Oui !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Dans le même temps, le crédit d'impôt apprentissage est recentré sur les premiers niveaux de qualification, c'est-à-dire les niveaux V à III, qui sont dominants dans les petites entreprises, mais qui connaissent depuis plusieurs années une baisse du nombre d'apprentis.
Enfin, la réforme de la taxe d'apprentissage en cours de débat au Parlement prévoit qu'une partie plus importante de cette taxe soit fléchée vers l'apprentissage lui-même, notamment par un renforcement des moyens des régions.
Voilà la mobilisation du Gouvernement, monsieur le sénateur. On peut se tromper et avoir besoin de votre éclairage... C'est une cause nationale. Unissons nos efforts et nous réussirons !
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos déclarations. Je préfère votre engagement personnel aux arguties statistiques du ministre du travail sur les chiffres du chômage !
Simplement, ayant moi-même dirigé pendant vingt-huit ans une PME avant de siéger dans cet hémicycle, je sais que tous les chefs d'entreprise, de plus ou de moins de dix salariés, ont besoin d'encouragements, d'aide et de soutien.
Être maître d'apprentissage, prendre l'engagement de former un jeune et d'y consacrer du temps, cela représente une charge très importante, qui peut parfois faire reculer un chef d'entreprise.
Or nous voulons atteindre l'objectif des 500 000 jeunes en apprentissage, au demeurant modeste par comparaison avec les 5 millions de jeunes concernés en Allemagne.
Monsieur le ministre, nous sommes nombreux à être sensibles à votre discours de mobilisation sur le redressement industriel.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Je vous remercie de ces propos, qui me font très plaisir et qui, je l'espère, figureront bien au Journal officiel.
M. Christian Cambon. Je confirme simplement ce que j'ai déjà eu l'occasion de vous indiquer, monsieur le ministre. Il est vrai que le fait d'être ensemble dans cette Haute Assemblée permet parfois de se dire quelques vérités.
D'ailleurs, vous entendez vous-même des chefs d'entreprise demander des jeunes formés. Alors qu'il y a plus de 3,5 millions de chômeurs dans notre pays, 300 000 à 400 000 emplois ne trouvent pas preneur. Je pense que c'est un vrai scandale national !
L'apprentissage ne peut pas répondre à tous les besoins et à toutes les demandes, mais je pense que c'est une bonne formule qui mérite que tous ensemble nous nous mobilisions, comme vous nous y invitez. Je retiens votre appel, monsieur le ministre, mais je compte sur vous pour plaider, au sein du Gouvernement, une cause que vous défendez fort bien par ailleurs, ce dont je vous remercie
M. le président. Nul doute que cette question sera abordée cet après-midi, avec la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
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