M. Roger Madec attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il rappelle que, selon certaines sources, les Français gaspilleraient chaque année entre 1,2 à 6 millions de tonnes de nourriture, soit 20 à 90 kg par personne.
Il précise que le Parlement européen, conscient des enjeux économiques, sociaux, nutritionnels, sanitaires et environnementaux que ce gaspillage implique, s'est lancé dans une bataille « anti-gaspi », déclarant notamment l'année 2014 « année européenne de la lutte contre le gaspillage alimentaire ». En France, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a inscrit la lutte contre le gaspillage alimentaire comme l'un des grands enjeux prioritaires de la politique publique de l'alimentation.
C'est dans ce cadre que tous les acteurs de la chaîne alimentaire doivent par conséquent être mobilisés. Selon des estimations, une grande surface produit à elle seule 197 tonnes de déchets par an. Il apparait, dès lors, nécessaire de mettre les professionnels de la grande distribution à contribution. Disposant d'une logistique et d'un stock importants, les grandes surfaces peuvent pratiquer plus facilement que des particuliers le don alimentaire. Néanmoins, cette démarche ne repose que sur la seule volonté des exploitants. Un caractère plus systématique devrait donc être donné à cette démarche en modifiant la législation en vigueur.
C'est ce qu'a par exemple entrepris le Parlement wallon, adoptant en février 2014 un décret visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. Une clause expresse a en effet été introduite dans le permis d'environnement (équivalent belge de notre permis d'exploitation commerciale) astreignant les grandes surfaces de distribution alimentaire de plus de 1 000 m2 à proposer leurs invendus consommables à une association caritative avant qu'ils ne partent vers une filière de valorisation ou d'élimination des déchets. Il semblerait donc judicieux de s'inspirer de cette initiative belge, tout en l'adaptant à notre pays.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) préconise, en outre, dans un avis adopté le 28 janvier 2014, de supprimer la date limite d'utilisation optimale (DLUO) sur les produits alimentaires pour ne conserver que la date limite de consommation (DLC). Dans cet avis, l'institution s'alarme de l'ampleur du gaspillage à tous les stades de la chaîne alimentaire en France, qui devient de moins en moins supportable alors qu'en parallèle 3,5 millions de Français bénéficient de l'aide alimentaire. Le CESE estime qu'une amélioration de l'étiquetage des denrées alimentaires, en particulier sur les dates de péremption, serait un levier efficace contre le gaspillage.
Il lui demande si le Gouvernement envisage de reprendre ces initiatives.
La lutte contre le gaspillage alimentaire représente un véritable enjeu social, environnemental et économique auquel le Gouvernement est particulièrement sensible. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 inscrit d'ailleurs la lutte contre le gaspillage alimentaire comme l'un des grands enjeux prioritaires de la politique publique de l'alimentation. Cette évolution législative est un signal fort et s'inscrit dans la continuité du travail engagé par le Gouvernement depuis plus de deux ans sur le sujet, qui s'est traduit par le lancement du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire en juin 2013. Chaque partie prenante de la chaîne alimentaire s'engage à mettre en place à son niveau un certain nombre d'actions de sensibilisation des consommateurs et des professionnels, ainsi que des actions concrètes de prévention du gaspillage alimentaire. Le ministre en charge de l'agriculture a présidé la deuxième réunion du comité de pilotage, le 16 octobre dernier, à l'occasion de la journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire. Elle a permis de démontrer que tous les maillons de la filière alimentaire (production agricole, marchés de gros, industries agroalimentaires, artisans, grande distribution, restauration collective, restauration commerciale, collectivités locales) étaient impliqués et motivés pour travailler ensemble et diffuser les initiatives de plus en plus nombreuses sur le terrain. Un des sujets les plus régulièrement abordé, même s'il ne constitue qu'une partie du problème, est la question de la récupération des invendus des grandes surfaces, ou des repas non consommés dans la restauration hors foyer. Une proposition de loi a ainsi récemment été déposée afin d'astreindre tous les magasins de détail, d'une surface supérieure à 1 000 m2, à céder leurs invendus alimentaires, encore consommables, à des associations caritatives. Lors du débat parlementaire, le Gouvernement a rappelé que, si l'objectif de réduction du gaspillage alimentaire est tout à fait partagé, le moyen proposé, consistant à rendre contraignants et obligatoires les dons aux associations, risque d'avoir un effet contraire à l'objectif poursuivi. Cette obligation de donner pourrait se transformer en obligation de récupérer pour les associations, qui n'ont pas toujours les moyens logistiques nécessaires. La dynamique actuellement impulsée, qui repose sur le volontariat de tous les acteurs impliqués, risquerait d'être rompue par des mesures juridiquement contraignantes. De plus, il existe déjà de nombreux accords entre les associations et la grande distribution, ainsi qu'un dispositif incitatif, avec la défiscalisation des dons. Aussi, des obligations ou contraintes ne correspondant pas à la réalité de la situation sur le terrain pourraient être contre-productives ou inefficaces, et risqueraient de mettre en péril des liens construits de longue date et basés sur la confiance. Le Gouvernement souhaite donc poursuivre et approfondir les dispositifs volontaires déjà mis en place, tout en confirmant son intention d'amplifier son action, sur la base d'une approche incitative et partenariale, dans le cadre du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Afin de faciliter ces initiatives et les partenariats, le cadre réglementaire de sécurité sanitaire dans le cas des dons à des associations œuvrant dans le domaine de l'aide alimentaire aux personnes les plus démunies a été clarifié (arrêté du 24 septembre 2014 et note d'information publiée le 16 octobre au bulletin officiel du ministère de l'agriculture). S'agissant de la recommandation du conseil économique, social et environnemental (CESE) en faveur de la suppression de la date limite d'utilisation optimale (DLUO) sur les produits alimentaires pour ne conserver que la date limite de consommation (DLC) il est important d'intégrer la dimension européenne du sujet. Le cadre juridique en matière d'étiquetage des denrées alimentaires est en effet harmonisé via le règlement (UE) n° 1169/2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires, d'application depuis décembre 2014. Ainsi, la suppression des DLUO ne peut pas être envisagée par un État membre isolément, les DLUO, remplacées depuis décembre 2014 par la date de durabilité minimum (DDM), étant définies et régies au niveau européen. Afin de lever l'ambiguïté pour le consommateur, le règlement n° 1169/2011 remplace désormais systématiquement la mention « date limite d'utilisation optimale (DLUO) » par la mention « à consommer de préférence avant » Il s'agit d'ores et déjà d'une clarification utile à la compréhension du consommateur. Afin de disposer d'éléments pour avancer sur le sujet, le Gouvernement a saisi l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) afin de clarifier la définition d'une denrée microbiologiquement très périssable, ceci pour pouvoir distinguer les denrées nécessitant une DLC (et devant impérativement être conservées sous température dirigée), des autres denrées. Afin de poursuivre le travail engagé sur ces sujets et sur tous les aspects du gaspillage alimentaire, le Premier ministre a confié à M. Guillaume Garot, ancien ministre, député de la Mayenne, une mission parlementaire ayant pour objectif d'identifier les freins qui persistent tout au long de la chaîne alimentaire et de proposer des adaptations du cadre législatif et réglementaire, afin de généraliser les initiatives volontaires pertinentes mises en place dans le cadre de ce pacte. Celui-ci devrait remettre son rapport au printemps 2015.
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