M. François Pillet. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de citer les mots exacts prononcés par le Président de la République voilà moins de cinq mois, lors de ses vœux aux Corréziens : « Les départements gardent [...] leur utilité pour assurer la cohésion sociale et la solidarité territoriale. Et je ne suis donc pas favorable à leur suppression pure et simple comme certains le réclament. Car des territoires ruraux perdraient en qualité de vie, sans d'ailleurs générer d'économies supplémentaires, si l'on y supprimait le département ». Voilà un diagnostic qui me paraît largement partagé…
Dans ce contexte, comment comprendre le projet de réforme territoriale, dont les dispositions n'ont cessé d'être contredites par les membres de votre gouvernement et décriées par bon nombre des membres de votre majorité ?
Dans nos territoires, pour une grande majorité d'élus et pour nos concitoyens, toutes sensibilités confondues, cette réforme semble relever de l'opportunisme politique plutôt que de la satisfaction de l'intérêt général.
Il est question de reporter les élections départementales et régionales, après avoir modifié le mode de scrutin départemental pour influer a priori sur son résultat. Comment voulez-vous que nos concitoyens n'analysent pas cette volonté comme la traduction de la peur manifeste d'un énième revers annoncé pour votre majorité ?
Vous affirmez que ce projet de réforme territoriale vise à réduire le millefeuille administratif ; mais il n'en sera rien dans les faits, puisque les mesures prévues se limitent, à notre connaissance, à supprimer la clause générale de compétence, fraîchement rétablie, alors que vous l'aviez massivement combattue en 2010.
Pour illustrer la transformation du département en coquille vide, je prendrai le seul exemple des routes anciennement nationales qui ont été départementalisées. Que vont-elles devenir ? Vont-elles être régionalisées ? Que vont surtout devenir les agents territoriaux chargés de la gestion de ces infrastructures ?
Enfin, après nous être interrogés sur la cohérence de votre proposition, la suppression du département nous conduit nécessairement à vous questionner sur l'avenir des représentants des collectivités territoriales que nous sommes et, par là même, sur celui de notre institution.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Vallini,secrétaire d'État. Conseiller général depuis vingt-deux ans, je sais combien les conseils généraux ont été utiles depuis les grandes lois de décentralisation.
Je sais combien chaque président de conseil général, qu'il soit de droite ou de gauche, a pris à cœur les missions qui lui ont été confiées par les lois Mauroy-Deferre et combien chaque conseiller général, dans son canton, est investi par sa mission, qu'il accomplit avec beaucoup de dévouement et souvent même avec passion. Il existe un attachement très fort entre le conseiller général, son territoire et la population qui y réside. Je sais tout cela ; je le vis moi-même, je le répète, depuis vingt-deux ans.
Mais depuis les lois de décentralisation, la situation a changé. La montée en puissance des intercommunalités, comme je le disais tout à l'heure à M. Mézard, a remis en cause la pertinence de l'échelon départemental.
Aujourd'hui, les communes sont regroupées. Elles vont l'être encore davantage demain. Le texte que nous vous présenterons cet été prévoit de faire grandir les intercommunalités. Ces dernières passent déjà des conventions entre elles pour exercer certaines compétences à la place du département. Chez moi, en Isère, des communautés d'agglomération et de communes ont contourné le conseil général pour signer des conventions, nouer des partenariats dans les domaines des transports, du développement économique, de la gestion du foncier, du logement...
En matière de solidarité sociale, le conseil général garde toute sa pertinence. C'est ce qu'a rappelé le Président de la République à Tulle.
Lorsque la loi instaurant les grandes régions, plus puissantes, et visant les intercommunalités, plus grandes encore, aura été adoptée, nous disposerons de quatre ans pour étudier la manière de transmettre les compétences sociales des conseils généraux aux régions, aux intercommunalités, voire même à l'État, comme le proposent certains s'agissant de la gestion du revenu de solidarité active et des caisses d'allocation familiales.
Le débat est ouvert. Au cours de ces quatre ans, mesdames, messieurs les sénateurs, nous réfléchirons ensemble à la meilleure façon d'assurer cette transition d'ici à l'an 2020.
Je tenais à vous rassurer sur ce point. Les conseils généraux jouent un rôle très utile en matière sociale et il n'est pas question de remettre en cause les politiques sociales, qu'il s'agisse de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, de la prestation compensatoire du handicap, la PCH, du RSA ou, a fortiori, de la protection de l'enfance en danger. Sur ces questions, les conseils généraux font un travail remarquable.
Nous aurons le temps de voir à qui confier ces compétences majeures pour la cohésion sociale de notre pays.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour la réplique.
M. François Pillet. Monsieur le secrétaire d'État, je n'abuserai pas de la minute dont je dispose pour vous poser une nouvelle question.
(Sourires.)
Je voudrais tout de même attirer votre attention sur le fait qu'une telle réforme touche à la vie démocratique de notre pays telle qu'elle fonctionne de manière ancestrale.
Nous ne ferons pas cette réforme-là uniquement entre élus : nos concitoyens doivent y adhérer. En tant que sénateur du Cher, département rural, j'ai le sentiment- certes bien peu scientifique - que, après les diminutions des dotations, les dépenses supplémentaires résultant en particulier de la réforme des rythmes scolaires, cette nouvelle réforme est mal partie pour susciter l'adhésion de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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