M. Christian Cambon appelle l'attention de Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires sur le gigantesque projet d'urbanisme que conduit la ville d'Ivry-sur-Seine dans le Val-de-Marne.
Depuis 2011, date de sa création, une zone d'aménagement concerté (ZAC) de près de 145 hectares vise à faire disparaître, par voie d'expropriation, un nombre tout à fait considérable de logements actuellement occupés. Ce projet, appelé « Ivry-Confluences », représente un tiers de la ville. Selon les premiers éléments recueillis, 500 familles, des entreprises, des commerces de proximité, soit plus de 1 500 personnes sont concernées par cette opération qui démolira 95 hectares.
Au cours de la procédure, le commissaire enquêteur a notamment insisté sur la nécessité d'envisager le relogement et l'indemnisation équitable des habitants concernés. Or, à ce jour, malgré un semblant de concertation, la population concernée par cette opération est laissée dans l'incertitude et n'a reçu aucun élément précis d'information sur ce projet entraînant beaucoup d'inquiétude et de désarroi. La procédure va bientôt conduire à la signature des arrêtés de cessibilité au bénéfice de la SADEV 94.
Il l'interroge donc sur l'opportunité d'une pareille destruction massive de bâtiments, au moment où la crise du logement frappe tant de familles. Il lui demande, en outre, quelles mesures de protection des intérêts des habitants le Gouvernement compte prendre pour faire respecter les droits des habitants concernés par cette opération.
M. Christian Cambon. Madame la ministre, chers collègues de la Bretagne, je vais vous ramener en région parisienne, en évoquant une opération d'urbanisme tout à fait impressionnante qui se déroule actuellement dans la ville d'Ivry. En effet, le tiers de la commune - près de 145 hectares - est concernée par cette affaire et de très nombreuses personnes, dont je me fais ici l'interprète, souhaitent vous faire part de leur inquiétude et de leur désarroi.
Il s'agit d'une zone d'aménagement concerté, ou ZAC, lancée par la ville d'Ivry ; elle a démarré en 2011 avec les procédures habituelles. Dans un premier temps, avant de construire plus de 6 000 logements, cette ZAC visait à faire disparaitre par voie d'expropriation un nombre tout à fait considérable de logements qui sont actuellement occupés.
Ce projet, appelé « Ivry Confluences », représente, je l'ai dit, un tiers de la ville et concerne d'ores et déjà plus de 400 familles - c'est-à-dire 1 500 personnes au total -, des entreprises et des commerces de proximité.
Au cours de la procédure, le commissaire enquêteur, lorsqu'il s'est penché sur ce dossier, a notamment insisté sur la nécessité d'envisager le relogement et l'indemnisation équitable des habitants concernés, ce qui est somme toute assez logique.
Or, à ce jour, malgré un semblant de concertation, la population concernée par cette opération est laissée dans l'incertitude. Elle n'a reçu aucun élément précis sur ce projet, ce qui entraîne, vous le comprendrez, beaucoup d'inquiétude et de désarroi au moment même où la procédure va bientôt conduire à la signature des arrêtés de cessibilité au bénéfice de la SADEV 94, organisme aménageur choisi par la ville.
L'objet de ma question, madame la ministre, n'est bien évidemment pas de remettre en cause l'opportunité de cette opération d'urbanisme, car cette responsabilité relève des élus municipaux et des organismes aménageurs associés. Toutefois, on peut s'interroger sur le gigantisme d'une telle opération, laquelle va entraîner la disparition de nombreuses habitations à un moment où la crise du logement pose de véritables problèmes.
En revanche, je souhaite évoquer l'information des personnes intéressées et les conditions d'indemnisation des propriétaires de pavillons, d'appartements, de commerces et d'entreprises concernés.
Les informations que j'ai recueillies montrent que la mairie et, surtout, l'organisme aménageur ne font manifestement pas les efforts nécessaires pour informer la population de manière précise sur leurs intentions, sur le calendrier et sur les conditions d'indemnisation des expulsions : les futurs expropriés ne sont pas tous prévenus en même temps, le tracé précis de la zone concernée est constamment modifié...
La conséquence, c'est que les intéressés ne savent pas tous ce qui va leur arriver. Quant aux quelques personnes qui ont reçu des propositions, elles contestent bien évidemment le montant des indemnités d'expropriation.
Les habitants d'Ivry se sont rassemblés en collectif contre ce programme de rénovation urbaine. Certains d'entre eux sont présents dans les tribunes ce matin : ils ont tenu à venir vous entendre, madame la ministre, pour vous montrer leur désarroi.
Le collectif « Ivry sans toi(t) » nous signalait encore récemment que des propriétaires modestes - j'insiste sur ce point - ont dû céder leur appartement sur la base de 2 000 euros le mètre carré, alors que le prix moyen dans cette commune, comme dans les communes limitrophes, oscille entre 4 000 et 5 000 euros le mètre carré !
Madame la ministre, peut-on, en 2014, conduire des opérations selon cette méthode ? Nous sommes ici un certain nombre d'élus, de maires qui ont bien l'habitude de ce genre de choses. S'il est tout à fait possible, et même souhaitable, de conduire des opérations d'urbanisme, il faut le faire dans le respect des habitants. En l'espèce, les règles en matière tant d'information que d'indemnisation ne sont manifestement pas appliquées.
Quelles mesures le Gouvernement peut-il prendre pour que les autorités départementales de l'État veillent au respect de la procédure afin que ces femmes et ces hommes, qui expriment depuis longtemps leurs difficultés et leur désarroi, puissent à la fois connaître le véritable but - les limites - de cette opération et se voir appliquer les meilleures conditions d'indemnisation auxquelles ils ont naturellement droit ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Monsieur le sénateur Christian Cambon, la zone d'aménagement concerté d'Ivry Confluences dont vous parlez, située au sein du périmètre de l'opération d'intérêt national Orly-Rungis-Seine Amont, revêt un enjeu très fort de développement dans le Val-de-Marne, à travers la restructuration d'un quartier de 145 hectares, essentiellement composé de friches industrielles figées depuis des décennies, pour répondre à un très important besoin en logements dans le secteur.
L'enjeu est de développer dans ce quartier géographiquement contraint, entre fleuve et voies ferrées, un projet mixte et équilibré.
Je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur, sur l'opportunité d'une telle opération. La construction de plus de 5 000 logements dans cette ZAC répond à un besoin fortement exprimé par le Gouvernement dans une ville qui jouxte Paris et dont les atouts de desserte sont réels.
Une attention particulière est portée au programme résidentiel, qui prévoit une part substantielle de logements sociaux, ainsi qu'au phasage de sa réalisation, afin de ne pas compromettre les objectifs de mixité sociale définis dans le programme local de l'habitat, ou PLH.
Monsieur le sénateur, pour répondre aux craintes que vous exprimez quant à l'information et au relogement des populations qui habitaient ce secteur, je tiens à vous préciser que l'ensemble des aspects programmation et relogement ont fait l'objet d'efforts particuliers de concertation et de communication de la part tant de la ville que de l'aménageur.
En outre, concernant le relogement ou la relocalisation des populations existantes, la ville d'Ivry-sur-Seine et l'aménageur ont mis en place une maîtrise d'ouvrage urbaine et sociale pour le relogement des propriétaires occupants et des locataires.
Plus précisément, cette action s'est traduite par le réinvestissement de quatorze propriétaires-occupants dans des opérations neuves construites sur la ZAC ; huit dossiers sont en cours d'instruction. De plus, le relogement de vingt-deux locataires chez les bailleurs sociaux présents sur ce territoire a déjà été assuré.
Il convient aussi de noter que les expropriations dans la ZAC sont phasées afin de permettre aux personnes faisant l'objet d'un relogement de bénéficier en partie des programmes en cours de construction.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, je confirme que l'intérêt des populations et des entreprises locales est bien pris en compte et que le Gouvernement est particulièrement attentif à la situation des habitants et aux préoccupations légitimes de ces derniers. Nous continuerons à suivre particulièrement ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Madame la ministre, je note un point positif dans votre réponse, puisque vous réaffirmez l'intérêt du Gouvernement et soulignez l'attention qu'il va porter au déroulement de cette opération.
Néanmoins, je ne peux que rappeler à nouveau la réalité vécue sur le terrain : les gens ne disposent pas du niveau d'information que vos services vous ont rapporté.
Ce que je souhaite, c'est que l'État, par l'intermédiaire du préfet, rappelle à l'organisme aménageur les règles très précises en matière d'information.
Par ailleurs, vous n'avez pas abordé le problème de l'indemnisation en matière immobilière. Il est absolument impossible, pour ne pas dire scandaleux, que l'on propose une indemnisation de 2 000 euros le mètre carré quand les prix sont parfois de deux à trois fois supérieurs. Là aussi, le Gouvernement, qui met en avant des préoccupations sociales tout à fait légitimes, doit faire en sorte que ces mêmes préoccupations prennent corps sur le terrain. Les personnes concernées sont non pas des opposants, contrairement à ce que certains prétendent, mais simplement des gens modestes, qui veulent faire valoir leur intérêt et protéger le patrimoine que constituent ces petites propriétés
Je compte donc sur vous, madame la ministre. Croyez-moi, nous serons très vigilants. Nous continuerons à observer cette opération avec attention et à être aux côtés des populations, qui ne se sentent pas toujours comprises.
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