M. Christian Favier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les conditions de répartition territoriale des mineurs isolés étrangers (MIE) par la cellule nationale dans le cadre de la circulaire ministérielle du 31 mai 2013, suite au protocole signé avec l'association des départements de France.
En effet, dans le cadre de cette circulaire, le département du Val-de-Marne s'est vu assigner l'objectif d'accueillir 89 enfants par an au titre de la répartition territoriale. Cependant, suite aux décisions judiciaires, il s'avère que 106 MIE ont été confiés depuis janvier 2014 à l'aide sociale à l'enfance par les juges pour enfants en supplément des mineurs confiés par le parquet.
Or, la cellule nationale de répartition ne tient compte, pour évaluer le nombre de MIE accueillis dans le Val-de-Marne, que des décisions du parquet. Au total, ce sont plus de 190 MIE qui ont été confiés à l'ASE du Val-de-Marne au lieu des 89 prévus dans le cadre de la répartition nationale. Le département du Val-de-Marne a ainsi été contraint, dans un contexte financier déjà particulièrement tendu, de consacrer 7 millions d'euros supplémentaires à l'accueil de ces jeunes.
Alors que la quasi-totalité des départements accueillant des MIE se situent en deçà de leur objectif fixé par la cellule nationale, la position de celle-ci de ne tenir compte que des décisions du parquet est injuste et incompréhensible.
Aussi, il lui demande d'intervenir pour que la cellule nationale tienne compte de l'ensemble des MIE confiés aux départements, que ce soit par le biais d'une décision du parquet ou d'une décision des juges pour enfants, dans son décompte du nombre de jeunes confiés aux conseils généraux.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, ma question s'adresse effectivement à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, et vise à attirer son attention, une nouvelle fois, sur les conditions de répartition territoriale des mineurs isolés étrangers, les MIE, par la cellule nationale mise en place en application de la circulaire ministérielle du 31 mai 2013, à la suite du protocole signé avec l'Assemblée des départements de France. Dans le cadre de ce dispositif de répartition territoriale, il a été décidé que le département du Val-de-Marne accueillerait au maximum 89 enfants étrangers isolés par an.
Cependant, en dehors et en plus de cet objectif défini par la cellule nationale, il se trouve que les juges pour enfants ont confié 106 jeunes étrangers isolés à l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, du Val-de-Marne depuis le 1erjanvier 2014.
Or ces jeunes confiés par les juges pour enfants ne sont pas comptabilisés par la cellule nationale dans le dispositif de répartition territoriale, qui ne prend en compte que les mineurs confiés à l'ASE par le parquet dans le cadre du dispositif national.
Ainsi, la cellule nationale de répartition ne tient pas compte, pour évaluer le nombre de mineurs isolés étrangers pouvant être accueillis dans le Val-de-Marne, des décisions des juges pour enfants. Dans ces conditions, ce sont donc près de 200 mineurs étrangers qui sont aujourd'hui pris en charge par l'ASE du Val-de-Marne au lieu des 89 prévus dans le cadre de la répartition nationale.
De ce fait, le conseil général du Val-de-Marne est contraint, dans un contexte financier déjà particulièrement tendu, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'État, de consacrer cette année, tenez-vous bien, 7 millions d'euros supplémentaires à l'accueil de ces jeunes. C'est évidemment totalement insupportable.
Cette situation, à laquelle doit faire face ce département, est d'autant plus problématique que la quasi-totalité des autres départements, accueillant eux aussi des mineurs étrangers isolés dans le cadre de ce dispositif national, n'atteindront pas leur objectif d'accueil fixé par la cellule nationale.
Les chiffres explosent donc dans le Val-de-Marne, et la position de la cellule nationale consistant à tenir compte uniquement des décisions du parquet semble particulièrement injuste et incompréhensible.
C'est pourquoi je demande à Mme la garde des sceaux si, pour remédier à une telle situation, elle compte faire en sorte que, dorénavant, le dispositif national de répartition des mineurs isolés étrangers prenne bien en compte l'ensemble des enfants pris en charge par les départements, y compris ceux qui leur sont confiés par des décisions des juges pour enfants, pour la réalisation des objectifs d'accueil qui leur ont été attribués.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Christiane Taubira, qui m'a chargé de vous apporter la réponse suivante.
Monsieur Favier, votre question porte sur les modalités de répartition territoriale des mineurs isolés étrangers, les MIE, par la cellule nationale d'appui et d'orientation dans le cadre de la circulaire du 31 mai 2013, laquelle faisait suite au protocole signé par l'Assemblée des départements de France. Comme vous le soulignez, en application de cette circulaire, le département du Val-de-Marne s'est vu assigner l'objectif initial d'accueillir 89 enfants sur 12 mois au titre de la répartition territoriale, sur la base d'une clef de répartition se situant à 2,22 %.
Le comité de suivi national du 18 septembre 2014 a validé la prolongation de l'exercice jusqu'au 31 décembre 2014 afin de mettre en corrélation l'exercice annuel 2015 et la période calendaire de 12 mois correspondant à la seconde année de l'application de la circulaire du 31 mai 2013. L'effectif cible est alors passé, pour le Val-de-Marne, à 141 jeunes évalués MIE sur 19 mois.
La cellule nationale d'appui et d'orientation enregistre toute présence de MIE sur un département dès lors qu'elle est soit sollicitée par un parquet pour une orientation, soit informée par un magistrat ou par le service du conseil général. Lorsqu'un département atteint l'effectif cible fixé, le chef de projet de la mission MIE informe par écrit le responsable de l'aide sociale à l'enfance que toute nouvelle prise en charge de MIE sera orientée vers un autre département, et qu'aucun mineur ne sera plus orienté vers le département initialement prévu.
À ce jour, le département du Val-de-Marne prend en charge 194 jeunes évalués MIE, selon les informations transmises à la cellule nationale. L'effectif cible étant dépassé, la cellule réoriente donc vers d'autres départements tout mineur isolé étranger pour lequel elle est sollicitée par le biais du parquet. Ainsi, 234 mineurs arrivés sur le Val-de-Marne ont déjà été réorientés.
À ce stade, en application de la circulaire de mai 2013, la cellule nationale d'appui et d'orientation procède à des réorientations pour les seules situations de jeunes évalués mineurs isolés étrangers dont elle est saisie par les parquets. Elle n'intervient donc pas pour les situations des MIE confiés aux services du conseil général après saisine directe du juge des enfants par le mineur. Néanmoins, ces situations sont prises en compte pour déterminer le nombre de mineurs accueillis par le département.
La ministre de la justice mesure les efforts réalisés par votre département. Ainsi, pour mieux appréhender la situation du Val-de-Marne, et pour améliorer les modalités et procédures en cours, la mission MIE assiste, ce mardi 4 novembre, au comité de pilotage du dispositif MIE du Val-de-Marne.
Dans l'attente de nouvelles orientations, le ministère de la justice doit faire fonctionner le dispositif conformément au protocole, dans le respect des critères de répartition qu'il pose, et la cellule nationale MIE veille à rééquilibrer la charge des départements, y compris en prenant en compte les situations particulières qui peuvent lui être signalées, pourvu qu'elles ne remettent pas en cause le principe de solidarité qui donne sens à ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de ces éléments de réponse. Vous reconnaissez que le département du Val-de-Marne se trouve très au-delà de l'objectif cible fixé par la circulaire, puisque vous parlez du chiffre de 194 MIE accueillis au lieu de 140 normalement prévus, soit 54 MIE en plus. Se pose ainsi toujours le problème des mineurs confiés directement aux départements par les juges pour enfants, qui viennent s'ajouter à ces chiffres.
Dans ce domaine comme dans d'autres, il y va de la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements et à faire respecter les dispositifs qu'il met en place en les dotant des moyens adéquats.
À cet égard, je voudrais surtout insister sur le fait que le Fonds national de financement de la protection de l'enfance, qui avait été créé par la loi de mars 2007, n'a jamais été abondé au niveau prévu de 150 millions d'euros, alors qu'une partie de ce fonds pourrait être dédiée à la prise en charge des mineurs isolés étrangers.
Aussi, à la veille d'une réunion importante que doit tenir, le 12 novembre prochain, la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, Mme Rossignol, avec l'ensemble des présidents de conseil général, je voudrais de nouveau insister sur quelques points très concrets qui doivent être réaffirmés à ce sujet.
Tout d'abord, il faut que la cellule nationale répartisse bien la totalité des décisions judiciaires, y compris celles qui sont prises par les juges pour enfants. Ensuite, le Fonds national de financement de la protection de l'enfance doit être abondé à la hauteur prévue, et il doit être créé, à l'intérieur de ce fonds, un fonds d'intervention pour les mineurs isolés étrangers. Dominique Baudis, à l'époque Défenseur des droits, avait fait cette proposition, reprise depuis par l'Assemblée des départements de France, l'ADF.
Faute de décision urgente prise par le Gouvernement en la matière, je suis au regret de vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que je me verrai contraint, en tant que président du conseil général du Val-de-Marne, de refuser un certain nombre de prises en charge supplémentaires, comme l'avait fait d'ailleurs, en son temps, notre collègue Claude Bartolone pour le département de la Seine-Saint-Denis, lorsqu'il en présidait le conseil général.
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