M. Christian Favier attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie sur les conditions de mise en œuvre du plan crèches se fixant pour objectif la création annuelle de 20 000 nouveaux lieux d'accueil.
Il souhaite lui faire part de son inquiétude sur les retards pris dans sa réalisation du fait des difficultés rencontrées par de nombreuses collectivités territoriales, qui sont dans l'impossibilité de mobiliser les financements nécessaires à la réalisation et à la gestion de nouvelles structures d'accueil de la petite enfance, du fait des restrictions budgétaires qu'elles subissent et qui vont s'accélérer.
De plus, dans une récente étude produite sur les financements de ces structures d'accueil, il apparaît que les taux de participation de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), pour une place en mode collectif, ont très sensiblement reculé au cours de la période 2002 à 2013, passant de 36,8 % à 25,6 %. Ce désengagement des allocations familiales, doublé des conditions financières faites aux collectivités territoriales, risque de compromettre gravement le développement, tant attendu par les familles, des modes de garde nécessaires à la démographie de notre pays et si utiles pour un développement harmonieux des foyers accueillant de jeunes enfants.
Alors que le Gouvernement réaffirme faire de la création de nouvelles places en crèches une priorité de la convention d'objectifs et de gestion signée avec la CNAF en 2013, il craint que cette volonté ne soit contredite par un désengagement financier sur le terrain. Il se demande si cette diminution de près d'un tiers de l'intervention de la CNAF constatée au cours de ces dernières années n'est pas de nature à décourager les partenariats, notamment avec les collectivités territoriales, principales actrices en ce domaine avec les CAF.
Aussi, il lui demande quels sont les moyens dont elle disposera pour remédier à cette situation et à ce risque, pour améliorer le taux de participation de la CNAF pour le financement de nouvelles places en crèches afin de faciliter le maintien ou le retour à l'emploi des parents de jeunes enfants.
M. Christian Favier. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention et dire mon inquiétude sur les conditions de mise en œuvre du plan crèches 2013-2017, qui se fixe pour objectif la création, en moyenne annuelle, de 20 000 nouvelles places d'accueil collectif.
Le Haut Conseil de la famille, le HCF, a fait part des mêmes inquiétudes. Dans sa note de conjoncture du mois d'octobre, il constate que, en 2013, seule la moitié des places prévues aura été créée. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation, mais la plus importante tient aux difficultés rencontrées par de nombreuses collectivités territoriales, qui sont aujourd'hui dans l'impossibilité de mobiliser les financements nécessaires à la construction et à la gestion de nouvelles crèches, du fait des restrictions budgétaires drastiques qu'elles subissent et qui vont malheureusement s'accélérer.
Après le gel puis la forte diminution des dotations d'État, des études récentes font apparaître le risque que ces collectivités baissent leurs investissements de près de 25 %.
Il faut savoir également que, toujours d'après le Haut Conseil de la famille, le coût de construction des crèches a presque doublé en dix ans sans que le montant des aides ait suivi cette progression. Pis même, une étude récente sur le financement des structures d'accueil montre que le taux de participation de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, a reculé au cours de la même période, passant de 36,8 % à 25,6 %.
Ce désengagement des allocations familiales doublé des réductions de dotation imposées aux collectivités territoriales risque donc de compromettre gravement le développement des places en crèche, pourtant indispensables.
Alors que le Gouvernement réaffirme faire de la création de nouvelles places en crèche une priorité de la convention d'objectifs et de gestion signée avec la CNAF, je crains que cette volonté ne soit contredite par les faits et par un désengagement financier sur le terrain.
Aussi je vous demande, madame la secrétaire d'État, si cette diminution de près d'un tiers de l'intervention de la CNAF n'est pas de nature à décourager encore plus les collectivités territoriales, principales actrices en ce domaine, d'autant que ces dernières sont frappées par ailleurs d'une forte baisse de leurs ressources, pour aujourd'hui mais aussi, malheureusement, pour demain.
Dans ces conditions, madame la secrétaire d'État, de quels moyens allez-vous vous doter pour remédier à cette situation et pour faire face à ce risque de relative stagnation du nombre de places en crèche alors que les besoins n'ont jamais été aussi forts ? Quelles mesures nouvelles le Gouvernement compte-t-il prendre pour soutenir les collectivités qui investiront dans la création de nouvelles places en crèche, tant attendues par les parents de jeunes enfants ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes.Monsieur le sénateur Favier, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme la secrétaire d'État, Laurence Rossignol.
Dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion pour la période 2013-2017, le Gouvernement a fixé à la Caisse nationale des allocations familiales un objectif sans précédent : la création de 100 000 solutions en accueil collectif et 100 000 solutions en accueil individuel.
Il s'agit d'une contribution déterminante à l'atteinte de l'objectif global de 275 000 places d'accueil supplémentaires pour les enfants de zéro à trois ans d'ici à 2017, objectif qui mobilise également l'éducation nationale à hauteur de 75 000 places de préscolarisation.
Cet objectif conduira à augmenter de 20 % le nombre de places d'accueil disponibles en seulement cinq ans. À titre de comparaison, à peine 100 000 solutions d'accueil pour les enfants de zéro à trois ans ont été créées sous le gouvernement de François Fillon : pour 158 000 nouvelles solutions d'accueil en crèche ou auprès d'assistants maternels, la précédente majorité avait supprimé 58 000 places en maternelle. Les ambitions ne sont donc en rien comparables.
Le 9 octobre 2014, le Haut Conseil de la famille a adopté un avis et une note faisant le point sur le développement de l'accueil des jeunes enfants. Le HCF souligne que la tendance constatée permettrait d'atteindre 51 % de l'objectif en 2013. Il précise que la conjoncture a pesé sur les réalisations.
En effet, l'année 2013 constitue la première année de la convention d'objectifs et de gestion, dont la signature a été tardive, en juillet. Or, la sous-exécution des crédits finançant l'investissement des projets de crèches est habituellement la première année d'une convention d'objectifs et de gestion. Parmi les autres facteurs conjoncturels cités par le HCF figurent le contexte économique dégradé, qui aurait induit une plus faible demande d'accueil par les parents, ainsi que les élections municipales du printemps 2014, qui auraient freiné les projets.
Malgré ce contexte très défavorable, ce sont près de 11 000 places de crèche nouvelles qui ont été proposées aux familles en 2013, auxquelles s'ajoutent les 14 000 places déjà ouvertes en 2012. En deux ans, les efforts du Gouvernement ont porté leurs fruits et ont permis d'offrir des solutions supplémentaires aux familles. Au total, ce sont 384 000 places dans 11 400 établissements d'accueil du jeune enfant, qui sont proposées aux enfants de moins de trois ans.
Mais ce n'est pas tout : 313 000 assistants maternels agréés accueillent en 2013 plus de 960 000 enfants, dont 620 000 sont âgés de moins de trois ans. Enfin, à la rentrée scolaire 2013, plus de 97 000 enfants de moins de trois ans ont été scolarisés en maternelle.
Néanmoins, le Haut Conseil met également en avant des difficultés d'ordre structurel pour expliquer les moindres créations de places d'accueil collectif depuis 2013. Pour autant, je ne peux pas vous laisser dire que ces difficultés sont liées à un désengagement de la Caisse nationale d'allocations familiales. C'est faux : la subvention d'investissement des caisses d'allocations familiales est passée de 6 600 euros en moyenne par place en 2000 à près de 9 000 euros en 2013 ; elle a donc augmenté de 32 %.
En revanche - et c'est le constat du HCF -, « les coûts de construction des établissements d'accueil du jeune enfant ont presque doublé » sur la même période, passant de 18 000 euros à 34 000 euros. Dès lors, le taux de cofinancement par les CAF a effectivement diminué.
Face à ce constat, le Gouvernement a immédiatement décidé d'agir pour conforter le plan crèches, pour rassurer les collectivités territoriales et les familles.
Cette accélération du plan crèches repose, d'une part, sur une aide exceptionnelle de 2 000 euros supplémentaires pour chaque nouvelle place de crèche dont la création sera décidée en 2015 et, d'autre part, sur un travail de simplification par l'allégement des normes qui encadrent la construction de places de crèches.
À cela s'ajoute un plan global de développement des places auprès des assistants maternels, fondé sur le renforcement de l'accompagnement des assistants maternels par les relais d'assistants maternels, l'augmentation de la prime à l'installation des assistants maternels, l'expérimentation du versement, en tiers payant, du complément de libre choix du mode de garde pour les familles modestes.
Vous le constatez, la détermination du Gouvernement à tenir ces objectifs ambitieux est intacte.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui confirme mes propos sur le faible nombre de places créées en 2013. À cet égard, vous avez en effet confirmé que l'objectif n'avait été atteint qu'à 50 %. Pour notre part, nous ne pouvons nous contenter de déclarations d'affichage ou de bonnes intentions. Si un changement significatif n'est pas obtenu dans l'amélioration de l'offre d'accueil pour la petite enfance, et dans des conditions financièrement acceptables pour les familles et donc pour le plus grand nombre, c'est aussi l'accès à l'emploi de nombreux parents qui risque d'être remis en cause, et tout particulièrement - je sais que vous êtes sensible à cette question - des femmes, qui sont souvent les premières victimes de l'absence de mode d'accueil.
Personnellement, j'attends d'un gouvernement de gauche des décisions courageuses en la matière. Or, quand on a pu trouver 20 milliards d'euros dans le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi sans aucune contrepartie en matière d'emploi, on devrait être capable, me semble-t-il, de dégager des moyens plus importants permettant la réussite de ce plan crèches !
Madame la secrétaire d'État, vous avez effectivement évoqué une aide supplémentaire de 2 000 euros par place. Je rappellerai simplement que le coût d'une place est de 35 000 euros à sa création et de 15 000 euros par an pour son fonctionnement.
Par conséquent, en dépit des efforts du Gouvernement, certes appréciables, les maires et les collectivités territoriales sont très loin de disposer des moyens nécessaires pour faire face à cette demande. En outre, il est faux de dire, comme vous l'avez affirmé, madame la secrétaire d'État, que les résultats en 2013 étaient liés au nombre de demandes des familles en diminution. C'est complètement faux ! Au contraire, les demandes de place en crèche, notamment dans un département comme le Val-de-Marne - j'en sais quelque chose ! -sont aujourd'hui de cinq à dix fois supérieures au nombre de places proposées, y compris dans les départements qui font beaucoup d'efforts en la matière.
Par conséquent, nous attendons que ce plan crèches soit réellement mené au bon niveau. Or ce n'est pas encore le cas pour le moment...
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