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Marie-Hélène Des Esgaulx
Question orale sans débat N° 978 au Ministère de la ville


Gestation pour autrui

Question soumise le 25 décembre 2014

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'arrêt rendu par le Conseil d'État, le 12 décembre 2014, qui a rejeté le recours de l'association « Juristes pour l'enfance » et validé la circulaire dite « Taubira » du 25 janvier 2013 visant à faciliter la délivrance de certificats de nationalité pour les enfants nés de gestation pour autrui (GPA) à l'étranger.

Par cet arrêt, le Conseil d'État valide de facto les conséquences d'une pratique interdite en France.

Alors qu'à l'audience, le rapporteur public a rappelé le contexte d'une interdiction très claire de la GPA, qualifiant le commerce de la GPA de sordide et cauchemardesque, le Conseil d'État a considéré, s'appuyant sur l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 26 juin 2014, que la France ne peut plus priver un enfant de sa nationalité française, sous peine de porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée.

Or, selon le 1° de l'article 21-12 du code civil, la nationalité est acquise pour les enfants nés de GPA à l'étranger de manière automatique, au bout de cinq ans de résidence sur le territoire français.

Par conséquent, il n'y pas de nécessité, ni pratique, ni juridique, à créer des règles en ce domaine.

Il est, en revanche, porté une grave atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, qui devrait pourtant guider l'ensemble des réflexions et décisions.

Enfin, une convention de GPA ne peut pas être distinguée de ses effets, puisque la naissance de l'enfant constitue l'objet même et exclusif de cette convention. En validant ses effets, c'est la convention de la GPA en elle-même que l'on valide.

L'interdiction française de recourir à cette pratique ne devient alors qu'une pure pétition de principe, alors que cette interdiction est sanctionnée d'une peine d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 €, selon l'article 227-12 du code pénal.

C'est pourquoi, alors qu'il s'est élevé publiquement, à plusieurs reprises, contre la pratique de la GPA, avec ses propos recueillis dans le journal « La Croix » du 2 octobre 2014 indiquant que « la GPA est une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes », elle lui demande s'il entend intervenir concrètement, et comment, contre cette pratique.

Réponse émise le 18 février 2015

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.Monsieur le président, par cette question, je voulais attirer l'attention de M. le Premier ministre sur l'arrêt rendu par le Conseil d'État, le 12 décembre 2014, qui a rejeté le recours de l'association « Juristes pour l'enfance » et validé la circulaire dite« Taubira » du 25 janvier 2013 visant à faciliter la délivrance de certificats de nationalité pour les enfants nés à l'étranger de gestation pour autrui, GPA.

Par cet arrêt, le Conseil d'État valide de factoles conséquences d'une pratique interdite en France. Alors que le rapporteur public a rappelé à l'audience le contexte d'une interdiction très claire de la GPA, qualifiant le commerce de la GPA de « sordide et cauchemardesque », le Conseil d'État a considéré, s'appuyant sur l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 26 juin 2014, que la France ne peut plus priver un enfant de sa nationalité française, sous peine de porter une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée.

Or, selon le 1° de l'article 21-12 du code civil, la nationalité est acquise pour les enfants nés de GPA à l'étranger de manière automatique, au bout de cinq ans de résidence sur le territoire français.

Par conséquent, il n'y a pas de nécessité- ni pratique ni juridique - à créer des règles en ce domaine. Il est en revanche porté une grave atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, qui devrait pourtant guider l'ensemble des réflexions et décisions.

Enfin, une convention de GPA ne peut pas être distinguée de ses effets, puisque la naissance de l'enfant constitue l'objet même et exclusif de cette convention.

En validant ses effets, c'est la convention de la GPA en elle-même que l'on valide. L'interdiction française de recourir à cette pratique ne devient alors qu'une pure pétition de principe, alors que cette interdiction est sanctionnée d'une peine d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros, selon l'article 227-12 du code pénal.

Je rappelle que le Premier ministre s'est élevé publiquement, à plusieurs reprises, contre la pratique de la GPA. Dans ses propos recueillis par le journal La Croixdu 2 octobre 2014, il indique que « la GPA est une pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes ».

Ma question est simple et mérite une réponse claire : le Premier ministre entend-il intervenir concrètement- et comment - contre cette pratique ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Myriam El Khomri,secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la politique de la ville. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme la garde des sceaux.

Vous interrogez le Gouvernement sur la manière dont il entend intervenir pour lutter contre la gestation pour autrui. Vous estimez, en particulier, que la décision du Conseil d'État du 12 décembre 2014, aux termes de laquelle cette haute juridiction a validé la circulaire du 25 janvier 2013 visant à permettre la délivrance de certificats de nationalité française pour les enfants nés de gestation pour autrui à l'étranger, revient finalement à valider la GPA elle-même puisqu'on en reconnaîtrait ainsi ses effets en France.

On ne doit pas se méprendre sur la portée de la décision du Conseil d'État : cette décision ne porte pas atteinte au principe de prohibition de la gestation pour autrui en France qui, je le rappelle, est affirmé à l'article 16-7 du code civil.

Le Conseil d'État, en rejetant le recours formé contre la circulaire du 25 janvier 2013, confirme uniquement la possibilité de délivrer un certificat attestant de leur nationalité française aux enfants concernés, nés à l'étranger d'un Français et qui disposent d'un acte d'état civil étranger « probant »justifiant d'un lien de filiation avec ce parent français.

Or, contrairement à ce que vous indiquez, madame le sénateur, l'article 21-12 du code civil ne permet pas d'admettre de manière automatique l'acquisition de la nationalité française pour les enfants nés à l'étranger de GPA, en raison de leur recueil par un Français depuis au moins cinq ans.

La décision du Conseil d'État témoigne de la recherche d'un juste équilibre entre le principe d'ordre public de prohibition de la gestation pour autrui, qui demeure et auquel le gouvernement français est très attaché, et la nécessaire protection qu'il convient de garantir à l'enfant au nom de son intérêt supérieur, au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, et de son droit à mener une vie familiale normale, au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Elle confirme tout simplement, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, aux termes de ses arrêts du 26 juin 2014 ayant condamné la France, la nécessité impérieuse de distinguer le sort des enfants de celui de leurs parents ayant eu recours à un contrat illicite et de leur garantir ainsi, sur le territoire national, le droit au respect de leur identité, dont la nationalité française constitue un aspect essentiel.

J'ajoute que la décision du Conseil d'État ne remet nullement en cause la politique pénale que le Gouvernement entend faire respecter contre toutes les atteintes à l'ordre public. En particulier, la garde des sceaux veille à ce que l'action publique soit particulièrement diligente s'agissant de la lutte contre toute forme de trafic d'enfants s'apparentant à l'exploitation d'autrui et de la poursuite des intermédiaires proposant des activités interdites en France.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.Pour ma part, je pense que le Conseil d'État, en validant la circulaire Taubira, a consacré une nouvelle avancée de la GPA en France. Les droits des femmes et des enfants s'en trouvent plus que jamais menacés.

Je le redis, les enfants nés par GPA à l'étranger n'avaient pas besoin de cette circulaire pour avoir une nationalité : nés à l'étranger, ils ont la nationalité de leur pays d'origine. De plus, en vertu à l'article 21-12 du code civil, ils peuvent acquérir la nationalité française au bout de cinq ans de résidence sur le territoire français.

La position du Gouvernement n'est pas claire.

Vous avez évoqué, madame la secrétaire d'État, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les arrêts du 26 juin 2014 de la Cour européenne des droits de l'homme, dont le Gouvernement n'a pas fait appel. Or tous les spécialistes s'accordent à dire que cette décision de ne pas faire appel desdits arrêts était motivée par la volonté de permettre la validation de la circulaire Taubira. La Cour européenne des droits de l'homme, en effet, est clairement sortie de son champ de compétence en se prononçant sur des affaires de GPA, alors même que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle est chargée de faire respecter, ne comporte aucun engagement des États en la matière. Il fallait donc faire appel de ces arrêts !

Là, réside toute l'ambiguïté du Gouvernement sur ce dossier.

Je déplore que, lentement mais sûrement, grâce à la tactique des « petits pas », la GPA s'installe en France. La circulaire Taubira n'a été prise que pour réaliser une avancée vers sa légalisation !

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