M. Christian Cambon attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le sort de la communauté yézidie.
Cette communauté subit la barbarie de Daesh : femmes et enfants sont vendus et réduits en esclavage, forcés de se convertir, de se marier et subissent des violences physiques et sexuelles. Comme l'exemple même de l'inhumanité de Daesh, 150 femmes, dont certaines enceintes, ont été exécutées pour avoir refusé d'épouser des djihadistes. Plus de 4 000 femmes sont en ce moment esclaves de ces hommes.
Selon le droit international, les crimes contre l'humanité comprennent les crimes de persécution d'un groupe religieux, d'emprisonnement illégal, d'esclavage sexuel ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable, quand elle est commise de manière systématique ou généralisée comme étant une politique délibérée de la part d'un groupe organisé. Il est aujourd'hui avéré que la communauté yézidie a été et reste victime de ces exactions - pour la raison simple que les djihadistes la considèrent comme hérétique.
La France, membre de la coalition internationale contre Daesh, qui est impliquée militairement en Irak, a le devoir de protéger cette minorité persécutée par Daesh.
Il lui demande de lancer une procédure internationale de crime contre l'humanité à l'encontre de Daesh. Il est temps de combattre l'État islamique non seulement avec des armes mais aussi avec des valeurs.
M. Christian Cambon. Monsieur le secrétaire d'État, depuis de nombreux mois déjà, les membres de Daesh sèment la terreur, notamment en Irak et en Syrie.
La France a beaucoup œuvré pour la protection des communautés chrétiennes, qui étaient et sont toujours persécutées dans cette région. Les événements qui ont eu lieu voilà quarante-huit heures le démontrent amplement.
Aujourd'hui, je souhaiterais attirer votre attention sur une communauté bien moins connue, qui n'est ni chrétienne ni musulmane, mais qui subit de plein fouet l'extrême barbarie des djihadistes de Daesh. Lors de leur offensive menée dans le nord-ouest de l'Irak le 3 août 2014, les combattants de Daesh se sont attaqués aux Yézidis, massacrant les hommes, capturant les femmes et les enfants.
En ce moment même, plus de 5 000 femmes et enfants yézidis sont aux mains des djihadistes en tant qu'esclaves, vendus sur des marchés aux terroristes. Ces femmes sont victimes de viols, de travail forcé, de mariages forcés et de conversions aux rites musulmans contre leur gré. Hélas, certaines ne voient pas d'autres solutions que de mettre fin à leurs jours. Cent cinquante femmes, y compris des femmes enceintes, ont d'ores et déjà été exécutées parce qu'elles avaient refusé de se marier à des combattants du groupe terroriste.
Les récits des rescapées sont effroyables. De surcroît, beaucoup de ces malheureuses sont mineures. Les combattants de Daesh utilisent le viol comme une arme lors d'attaques qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
Les Nations unies ont encore rappelé récemment que l'État islamique, ou plutôt Daesh, se sert des enfants yézidis, y compris d'enfants handicapés, pour en faire des combattants et des kamikazes. Ces enfants sont transformés en véritables boucliers humains pour protéger les installations des bombardements, mais ils subissent aussi des sévices sexuels et d'autres tortures.
La stratégie d'endiguement de la coalition internationale a entraîné un retranchement des forces de Daesh auprès des populations locales, qui sont de plus en plus susceptibles d'être utilisées en tant que bouclier humain.
On le sait, plus de 500 000 yézidis et membres d'autres minorités religieuses ont fui face aux attaques menées par Daesh dans le nord de l'Irak depuis le mois de juin, la plupart se réfugiant dans la région autonome du Kurdistan irakien, avec une problématique humanitaire à la clef. La situation s'aggrave, l'hiver n'arrange pas les choses et la libération de Mossoul ne semble pas encore à l'ordre du jour afin de permettre à ces réfugiés de rentrer chez eux.
Dans l'ère de l'ultra-communication, un événement qui fait la une de l'actualité un jour tombe aux oubliettes le lendemain. Pourtant, les souffrances perdurent et le problème n'a toujours pas de solution. Avant-hier encore, vingt et un chrétiens coptes ont été assassinés dans des conditions effroyables par les soldats de Daesh. Les minorités religieuses sont, une nouvelle fois, les premières victimes de l'extrémisme islamiste.
Monsieur le secrétaire d'État, un bilan de ces atrocités est-il en cours, afin de permettre aux pays occidentaux de poursuivre le cas échéant devant la Cour pénale internationale les auteurs de ces crimes de guerre et crimes comme l'humanité ? La France est-elle prête à s'associer à une démarche commune pour déposer une plainte à La Haye du fait des crimes contre les minorités religieuses commis par Daesh ? Certes, Daesh n'est pas un État, mais se revendique comme tel et doit donc assumer les conséquences de ses actions. Il est temps de combattre l'État islamique, non seulement avec les armes, mais aussi avec nos idées et nos valeurs.
Enfin, pourriez-vous nous dresser le bilan des actions humanitaires mises en place par la France ou l'Europe pour venir en aide à ces populations démunies, qu'il s'agisse de l'aide aux réfugiés ou de ce que l'on peut faire pour sauver ces populations, singulièrement ces femmes et ces enfants, de ce sort absolument dramatique ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Matthias Fekl,secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Monsieur Cambon, vous avez rappelé avec force l'horreur de l'actualité et les persécutions de nombreuses populations, parmi lesquelles les chrétiens d'Orient, victimes d'actes de persécution, de violence et de meurtres que la France condamne avec la plus grande fermeté, et contre lesquels elle agit.
Vous l'avez aussi rappelé, la France est aux avant-postes de la mobilisation internationale en Irak. Le ministre des affaires étrangères, M. Fabius, est allé à Erbil dès le 10 août dernier pour superviser les premières livraisons d'aide humanitaire. Le Président de la République s'est également rendu le 12 septembre 2014 à Bagdad et à Erbil.
La situation dramatique de la population irakienne, notamment de ses minorités, parmi lesquelles les Yézidis, est au cœur de nos préoccupations. Ces minorités sont parmi les premières cibles des terroristes de Daesh.
Cette barbarie ne fait que renforcer notre détermination à lutter contre Daesh sur tous les fronts : en cassant son expansion territoriale, grâce à l'action militaire de la coalition ; en luttant contre les réseaux de financement et les filières de combattants étrangers ; en apportant une aide aux populations civiles- la France a pour cela débloqué en 2014 une aide humanitaire d'urgence de plus de 5 millions d'euros, et incite ses partenaires à aller dans le même sens - ; en soutenant aussi une solution politique en Irak et en Syrie ; en favorisant enfin l'accueil des réfugiés irakiens qui le demandent- à l'heure actuelle, près de 1 000 personnes ont été accueillies sur le territoire français.
Notre position constante est que seule une solution politique permettra de lutter contre la menace terroriste de Daesh et de restaurer durablement un État de droit.
En ce qui concerne votre question sur la possibilité de lancer une procédure à l'encontre de Daesh pour crime contre l'humanité, une session spéciale du Conseil des droits de l'homme des Nations unies a permis de mobiliser la communauté internationale face aux crimes commis en Irak, constitutifs de crimes contre l'humanité.
Sur l'initiative de la France et de l'Irak, une résolution a établi une mission chargée d'enquêter sur ces crimes. Elle rendra son rapport en mars. C'est un premier pas très important pour établir les faits et collecter les preuves, dans un souci de justice.
Il appartient bien sûr, en premier lieu, aux autorités irakiennes de juger les auteurs des crimes commis sur leur territoire. Il est essentiel pour cela que l'Irak puisse mettre en place un système judiciaire équitable et indépendant.
La saisine de la Cour pénale internationale, quant à elle, reste difficile puisque l'Irak n'a pas ratifié le statut de Rome.
Mais les États parties à la Cour pénale internationale pourraient connaître, le cas échéant, des crimes commis par leurs propres ressortissants.
Vous l'aurez compris, monsieur le sénateur, notre mobilisation est totale et notre engagement constant. La France est attachée à la lutte contre l'impunité. Tous les auteurs de violations constitutives de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité doivent être poursuivis et condamnés.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de l'extrême précision de votre réponse, qui vous a permis de rappeler les différentes initiatives qui ont été prises, sur le plan tant national qu'international. Celle du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, en particulier, me semble très importante.
Peut-être y a-t-il un déficit d'action au niveau de l'Europe ? Il pourrait être rappelé, lors des réunions des ministres des affaires étrangères, que l'Europe a une vocation tout à fait particulière à se mobiliser.
En tout cas, je vous remercie d'avoir rappelé ces initiatives, car il ne faudrait pas que la multiplication des horreurs commises dans cette région fasse oublier le drame que vivent actuellement les populations.
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