M. Yannick Botrel appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le devenir des biocarburants EMHA (Ester méthylique d'huile animale), d'origine animale.
Depuis plusieurs mois, un débat a en effet lieu, tant au Parlement qu'au sein des services de l'État, quant à la proportion de biocarburants produits à partir de matières premières d'origine animale qu'il est possible d'utiliser.
Pour autant, ce débat, extrêmement technique, se déroule sans que des informations scientifiques véritablement précises permettent d'éclairer le choix de la représentation nationale.
Ainsi, il l'interroge sur les éléments techniques en sa possession, sur la possibilité de les communiquer et sur les visées du Gouvernement en ce qui concerne la réglementation liée à cette question.
La directive 2009/28/CE (Directive EnR) relative aux énergies renouvelables prévoit que la part énergétique renouvelable, exprimée en énergie (MJ), des biocarburants issus de déchets, de résidus, de matières cellulosiques d'origine non alimentaire et de matières ligno-cellulosiques peut être comptabilisée pour le double de sa valeur réelle pour le calcul de la part d'énergie renouvelable dans les transports. L'objectif de ce double comptage est d'encourager l'utilisation de biocarburants apportant des effets bénéfiques supplémentaires, notamment la diversification des matières premières résultant de la fabrication de biocarburants à partir de déchets, de résidus, de matières cellulosiques non alimentaires, de matières ligno-cellulosiques et d'algues. L'utilisation de ces matières permet en effet d'obtenir une réduction des émissions de gaz à effet de serre sensiblement plus importante. De plus, ce dispositif permet d'encourager le développement de filières de récupération et de valorisation ainsi que celui des biocarburants dits avancés, qui présentent des enjeux industriels importants à plus long terme. Cette disposition européenne est traduite en droit français par l'article 266 quindecies du code des douanes. L'arrêté du 21 mars 2014 (texte qui sera prochainement actualisé) fixe d'une part la liste des matières premières permettant de produire des biocarburants éligibles au double comptage et décrit, d'autre part, la procédure administrative pour les unités de production qui souhaitent bénéficier de ce dispositif de double comptage. Pour limiter les risques de fraudes et préserver les unités de production industrielle existantes, cet arrêté fixe une limite au bénéfice de ce double comptage. À ce jour, les produits éligibles au dispositif du double comptage sont : les huiles végétales usagées, les graisses animales (de catégories C1 et C2), les matières cellulosiques d'origine non-alimentaire, les matières ligno-cellulosiques ainsi que les marcs de raisin et les lies de vin. Le plafonnement du dispositif du double comptage répond à un amendement parlementaire ainsi qu'à une décision du Premier ministre en date du 19 juillet 2011. Les plafonds fixés, tiennent compte du potentiel de production à partir des ressources françaises en graisses animales et huiles usagées ainsi qu'aux marcs de raisin et lies de vin. Pour l'année en cours, les limites, en énergie, sont fixées à : 0,35 % pour les biocarburants incorporés aux gazoles routier et non routier ; 0,25 % pour les biocarburants incorporés aux essences ou au supérthanol E85. Actuellement, les objectifs de ce plafonnement sont d'une part de limiter les effets de distorsion de marché, ainsi que les importations massives de déchets qui ont pu être observées suite à la mise en œuvre du double comptage et, d'autre part, assurer un équilibre avec les biocarburants dits de première génération qui ont fait l'objet d'investissements industriels importants. Les graisses animales sont classées en trois catégories. Elles sont définies aux articles 8, 9 et 10 du règlement n° 1069/2009 du Parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 établissant les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine. Ces catégories sont résumées ci-après : C1 : partie d'animaux ou sous-produits provenant principalement de la filière de l'équarrissage (cadavres d'animaux suspectés de contamination, ou éliminés dans le cadre d'une mesure d'éradication d'une maladie, ...) ou bien d'animaux autres que la filière d'élevage (sauvages ou familiers par exemple) ; C2 : parties d'animaux ou sous-produit déclarés impropres à la consommation humaine en raison de la présence de corps étrangers ou contenant des résidus de substances ou de contaminant dépassant des seuils autorisés ; C3 : parties d'animaux propres à la consommation humaine. Les biocarburants élaborés à partir des graisses de catégorie C3, ne sont pas éligibles au double comptage. Ces biocarburants peuvent être pris en compte pour leur valeur énergétique réelle jusqu'à 7,7 % en énergie dans le cadre de la minoration de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) prévue à l'article 266 quindecies du code des douanes. Le volume total de graisses fondues de catégorie C1 et C2 produites en France, représentent un gisement d'environ 93 000 tonnes. En 2013, 44 500 t de ces produits ont été utilisées pour la combustion (essentiellement dans les usines de transformation) et le reste (soit environ 48 500 t) a été transformé en biocarburant. Pour l'année 2014, la part de cette ressource destinée aux biocarburants a considérablement augmenté puisque environ 80 000 t ont été transformées en biocarburants. En France deux sites industriels produisent du biocarburant à partir de graisses animales : Nord-Ester et Estener. Nord-Ester a produit environ 23 000 t de biodiesel à partir de graisses C3 (non double compté) et Estener environ 55 000 t à partir de graisse C1 et C2 (soit en-deçà de sa capacité de production d'environ 75 000 t). Au niveau du marché français des biocarburants, la quantité d'Ester méthylique d'huile animale (EMHA) ayant bénéficié du double comptage mise à la consommation en 2014 a été d'environ 86 000 t. On constate, qu'environ 36 % du marché des EMHA mis à la consommation ont été importés, et que 40 % du gisement français de graisses C1, C2 est exploité par des industriels étrangers.
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