M. Pierre Camani. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Le projet de loi relatif au droit des étrangers en France sera examiné par la Haute Assemblée la semaine prochaine. Il prévoit d'améliorer l'accueil et l'intégration des étrangers régulièrement admis au séjour, de faciliter la venue de talents en France et, enfin, d'agir plus efficacement contre l'immigration irrégulière, notamment en renforçant l'action contre les filières.
La politique d'immigration doit être menée en assurant un juste équilibre entre, d'une part, la lutte implacable contre l'immigration illégale et, d'autre part, le bon accueil et l'intégration des étrangers ayant vocation à demeurer en France, comme l'indiquait Matthias Fekl dans son rapport sur la sécurisation des parcours des ressortissants étrangers en France.
Mes chers collègues, nous pouvons tous ici nous accorder sur ces propositions. Pourtant, ce n'est pas le choix qui a été fait par certains, qui, en contradiction avec les principes qui régissent le Sénat, ont cru bon de transmettre à la presse le rapport sénatorial sur ce texte, avant même son adoption en commission.
Je regrette et condamne l'instrumentalisation du travail parlementaire au profit de manœuvres politiciennes. Agir de la sorte, sur un sujet aussi grave, aussi sérieux que la question des étrangers, dans cette maison censée être la gardienne de la raison et de la modération, pose question.
Ce rapport dresse, d'après ce qu'en dit la presse, le constat d'une situation dégradée, qui alimente les fantasmes concernant les étrangers. Le but est, bien sûr, de mettre en cause la politique migratoire menée depuis 2012, laquelle a pourtant montré son efficacité, le Gouvernement ayant notamment anticipé une réforme du droit d'asile.
Ce rapport, mes chers collègues, contient des chiffres erronés, sur lesquels, monsieur le ministre, vous vous êtes exprimé à de nombreuses reprises.
Je vous demande donc de nous préciser l'action républicaine de l'État en matière d'accueil des étrangers et de lutte contre l'immigration irrégulière, afin que les approximations relayées par la presse puissent être corrigées dans la perspective du débat qui s'annonce, et qui, je l'espère, sera serein.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je partage tout à fait votre sentiment : sur la question de l'immigration, trop d'instincts sont convoqués, trop de fantasmes sont entretenus, trop de contre-vérités sont proférées dans le débat public, trop de chiffres sont frelatés et trop de divisions traversent le pays. Les drames humanitaires, les tragédies qui font l'actualité devraient pourtant nous permettre de dépasser nos différences et de nous rassembler.
La politique du Gouvernement consiste d'abord à réserver un accueil digne à tous ceux qui, persécutés dans leur pays, torturés, emprisonnés, doivent être accueillis en France, conformément à la tradition française. Pour cela, nous avons réformé l'asile. Nous aurons créé 18 500 places supplémentaires dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, à la fin du quinquennat. Nous avons mis en œuvre un plan au mois de juin afin d'augmenter nos capacités d'hébergement d'urgence - 11 500 places ont été créées. Nous avons créé des postes à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'OFII, ainsi qu'à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, afin de réduire de vingt-quatre à neuf mois la durée de traitement des dossiers des demandeurs d'asile.
Le Gouvernement a ensuite la volonté qu'il y ait une politique européenne. Je n'y reviens pas, car j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet la semaine dernière. Je rappelle simplement que nous avons contribué à inspirer cette politique : contrôle extérieur des frontières de l'Union européenne, convention de retour avec les pays de provenance, mise en place d'un mécanisme solidaire dans le cadre d'une harmonisation européenne de la politique de l'asile.
Enfin, il faut faire preuve de fermeté en assurant la soutenabilité de l'accueil de ceux qui doivent être accueillis. Et il faut, pour cela, mener des actions concrètes.
Nous luttons contre les filières de l'immigration irrégulière. Depuis le début de l'année, nous avons ainsi démantelé 190 filières, représentant 3 300 personnes, soit une augmentation depuis 2012 de 25 % du nombre des filières démantelées. En outre, nous renforçons les effectifs des forces de police pour atteindre ce but.
Nous reconduisons ceux qui doivent être reconduits parce qu'ils sont déboutés du droit d'asile ou en situation irrégulière. Depuis 2012, nous avons augmenté de près de 13 % le nombre de ceux qui sont reconduits de façon forcée. À cet égard, nos statistiques ont le mérite de ne pas intégrer ceux qu'on raccompagne en Roumanie ou en Bulgarie, ou encore ceux qui font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français « flash », parce que nous nous soucions, nous, de donner de vrais chiffres.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
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