Mme Marie-Françoise Perol-Dumont souhaite interroger Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur les incidences négatives d'une application très stricte de certaines dispositions de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR, en milieu rural.
Autant on peut comprendre que, dans les secteurs où existe une forte pression foncière, une maîtrise rigoureuse des espaces constructibles s'impose, autant cette application semble hors de propos dans certains secteurs extrêmement ruraux où il existe très peu de pression foncière.
À titre d'exemple, elle cite le cas emblématique d'un agriculteur de son département dont la famille est installée depuis plus d'un siècle sur le site. Une demande a été déposée auprès de la direction départementale des territoires (DDT), afin de permettre à la fille de cet agriculteur de construire sur une parcelle contiguë à leur ensemble agricole (habitation et bâtiments agricoles existants). La DDT invoque, dans son refus, le motif de « partie non urbanisée ». Elle demande comment expliquer à une famille qui a toujours vécu sur ce lieu, dont elle est actuellement propriétaire, que la nouvelle génération doive aller vivre ailleurs. Il n'y a sur ce secteur aucune pression en termes de terres agricoles ; ce dossier n'a aucune visée spéculative ; le refus est donc d'autant plus incompréhensible qu'à moins de cent mètres de là dans le département voisin, les services de l'État font preuve, semble-t-il, de beaucoup plus de souplesse.
Aussi lui demande-t-elle quelle solution elle envisage pour faire évoluer le dispositif.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le secrétaire d'État, de nombreux maires, mais aussi des particuliers de mon département m'ont alertée sur les conséquences dommageables d'une application extrêmement rigide de la loi ALUR concernant les demandes de permis de construire.
Si l'on peut comprendre la nécessité d'une préservation stricte des terres non urbanisées dans certains territoires, une telle position est plus difficilement compréhensible dans des secteurs ruraux à faible densité de population, où il n'existe pas de réelle pression foncière.
Ainsi, dans certaines communes, une seule demande de permis de construire - c'est malheureux - est déposée chaque année. Évidemment, tout refus est perçu comme un préjudice important par les élus locaux, et est incompréhensible pour les demandeurs qui se voient opposer ce refus.
À cet égard, un couple d'agriculteurs m'a saisie d'une situation particulièrement emblématique : un de leurs enfants souhaitait faire construire sur une parcelle contiguë à l'habitation familiale et aux bâtiments agricoles, propriété de la famille depuis plus d'un siècle ; il s'est vu refuser l'autorisation par la direction départementale du territoire, au motif de « parties non urbanisées ». Je pourrais, monsieur le secrétaire d'État, vous citer nombre d'exemples de ce type.
Cette attitude est d'autant plus incompréhensible qu'à quelques kilomètres, dans un autre département, l'application de la loi ALUR semble beaucoup moins contraignante en termes de constructions nouvelles.
Aussi aimerais-je savoir quelles mesures pourraient être prises afin que, dans l'application de la loi, les secteurs les plus ruraux, qui sont en déprise démographique, donc très en deçà des ratios moyens de consommation d'espace, ne subissent pas une « double peine ».
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la sénatrice, vous appelez l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, qui s'excuse de ne pouvoir répondre en personne à cette question sur les possibilités de construire dans les communes rurales.
Cette question concerne un cas très particulier- sauf incompréhension de notre part -puisqu'il s'agit de construire en dehors des parties actuellement urbanisées, dans des communes ne disposant pas de document d'urbanisme.
Dans ce cas, ce n'est pas la loi ALUR qui est en cause, mais l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, applicable aux communes sans document d'urbanisme. Cet article date des lois de décentralisation et prévoit qu'en dehors des parties actuellement urbanisées de ces communes, certains types de constructions sont autorisés. Ce dispositif permet de contrôler le développement d'un habitat diffus, consommateur d'espaces et très coûteux en termes d'équipements et de réseaux.
Puisque le dossier sur lequel vous m'interrogez se trouve hors document d'urbanisme, les autorisations de construire sont instruites par l'État. D'où la nécessité pour les DDT d'assurer la légalité des autorisations. Les parties actuellement urbanisées sont donc appréciées par les DDT, qui s'appuient sur une jurisprudence abondante, très précise et contraignante.
Dans le cas que vous évoquez, il est donc probable que l'habitation en cause ne figure pas sur la liste des constructions autorisées en dehors des parties actuellement urbanisées.
Pour traiter ces situations, la collectivité locale n'a probablement comme seule solution que d'élaborer une carte communale ou un plan local d'urbanisme, un PLU. Ces documents d'urbanisme permettent en effet aux communes ou aux intercommunalités de définir les orientations d'aménagement souhaitées pour leur territoire, en déterminant avec finesse un projet urbain et des droits à construire.
La DDT de la Haute-Vienne est à la disposition des élus pour les aider à élaborer des documents d'urbanisme, dans toute situation, ou à réfléchir en amont du dépôt des dossiers afin de les orienter vers les parties actuellement urbanisées.
Vous le voyez, si le Gouvernement se préoccupe de la préservation des espaces naturels et agricoles et du contrôle de l'habitat diffus dans ces zones, cela ne signifie pas qu'il ne se soucie pas de la construction de logements en milieu rural.
Nous favorisons aussi la construction et la rénovation dans les centres-bourgs, afin de répondre aux besoins en logement des populations locales ou nouvelles, mais aussi parce que cela est essentiel pour soutenir l'attractivité et l'amélioration du cadre de vie des communes rurales.
Ainsi, nous avons lancé un appel à projets pour la revitalisation des centres-bourgs, au terme duquel nous avons sélectionné cinquante-quatre communes ; ma collègue Sylvia Pinel étudie en ce moment la possibilité d'étendre ce dispositif. Nous avons également élargi le bénéfice du prêt à taux zéro à l'achat de logements anciens, sous condition de travaux de rénovation, dans 6 000 communes rurales.
Ces actions, complétées par les cinquante mesures nouvelles annoncées le 13 mars dernier à l'issue du comité interministériel aux ruralités, prouvent l'engagement du Gouvernement en faveur du développement et de l'attractivité de nos territoires ruraux.
En ce qui concerne les règles d'urbanisme, je vous le répète, madame la sénatrice, l'établissement par les communes de documents d'urbanisme appropriés permettrait de résoudre les problèmes analogues à celui que vous avez exposé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de votre réponse, mais je regrette d'avoir à vous dire qu'elle ne me satisfait pas. En effet, à deux kilomètres de la commune où se trouve la propriété dont j'ai parlé, dans des communes de même type qui disposent ou non d'un document d'urbanisme, les services de la direction départementale des territoires font des applications différentes de la loi.
Je constate que les refus dont j'ai décrit un exemple, et qui sont à mon sens excessifs, sont perçus par les élus ruraux comme un coup de poignard porté à la ruralité, ce qui n'est pas l'esprit de la loi. Dès lors, je demande au Gouvernement d'examiner très précisément et avec la plus grande attention les situations dont je parle, et de veiller à l'application uniforme de la loi au sein d'une même région.
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