M. Yannick Botrel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la fiscalité applicable à la méthanisation agricole.
La loi prévoit, depuis le début de 2015, une exonération de sept années de taxe foncière sur les propriétés bâties et de contribution foncière des entreprises pour les équipements agricoles dédiés à la méthanisation. Par cette disposition, le législateur a souhaité favoriser le déploiement d'unités de méthanisation agricole. Le vote de ce dispositif n'a d'ailleurs pas suscité de débat particulier.
La méthanisation permet une diversification des sources d'énergie, tout en ouvrant des compléments de revenu aux agriculteurs. Elle permet également le développement d'une filière industrielle de construction de méthaniseurs en France. Ces deux exonérations sont ouvertes aux unités de méthanisation agricole achevées après le 1er janvier 2015.
Cependant, le législateur a omis le fait que 98 unités étaient déjà en service, de sorte que nous sommes aujourd'hui dans une situation extrêmement paradoxale. Alors même que nous encourageons les agriculteurs à suivre cette voie du développement de la méthanisation agricole, aucune réponse n'a été apporté aux précurseurs qui ont pris les plus grands risques et qui ont « essuyé les plâtres ». Si les choses devaient demeurer en l'état, cela aboutirait, d'une certaine manière, à une rupture d'égalité entre les producteurs.
Il y a donc lieu de réfléchir à un dispositif qui permettrait de dépasser cette difficulté. Plusieurs parlementaires, toutes tendances politiques confondues, se sont intéressés à cette question après avoir fait le même constat. Il est possible de faire en sorte que les 98 exploitations existant avant le 1er janvier 2015 soient éligibles à ces exonérations à partir de cette date, comme toutes les autres. Bien entendu, ces exonérations ne durant que sept années, le dispositif prévoira de ne l'appliquer que pour la durée restant à courir jusqu'au septième « anniversaire » de l'unité concernée.
Répondant à une question orale du député Paul Molac (Journal officiel Débats Assemblée nationale séance du 27 janvier 2015), le Gouvernement a fait connaître sa position sur un élargissement de ces exonérations et il apparaît que l'avis du ministère en charge des finances est très réservé. En effet, cela génèrerait un effet d'aubaine, pour reprendre les mots de la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, portant la voix des ministères concernés. Pour sa part, il s'oppose nettement à une telle analyse car, techniquement, un effet d'aubaine correspond à un dispositif générant une dépense conséquente qui ne peut être prévue à l'avance. Or, il s'agit ici de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) de 98 unités d'exploitation : la dépense fiscale engendrée n'est donc pas conséquente, d'une part, et peut parfaitement être prévue, d'autre part. Cet argument semble donc devoir être écarté.
Pourtant, c'est avec le même argument qu'un amendement similaire a été rejeté par le Gouvernement et par le Parlement, à l'occasion de l'examen de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 puis de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014. Un troisième amendement sur le projet de loi n° 16 (2014-2015) portant transition énergétique pour la croissance verte a également été rejeté, avec un avis négatif de la ministre de d'écologie, du développement durable et de l'énergie. Il ne comprend pas ces positions dans la mesure où, en définitive, il ne s'agit que de rétablir l'équité entre agriculteurs-méthaniseurs.
C'est pourquoi il l'interroge - comme concerné au premier chef - sur sa position en la matière et sur les dispositifs qu'il envisage, éventuellement, de mettre en œuvre pour dépasser cette inégalité.
M. Yannick Botrel. La loi prévoit, depuis le 1erjanvier 2015, une exonération de sept années de taxe foncière sur les propriétés bâties, ou TFPB, et de contribution foncière des entreprises, ou CFE, pour les équipements agricoles dédiés à des activités de méthanisation.
Par cette disposition, le législateur a souhaité favoriser le déploiement, promu par le ministre de l'agriculture, d'unités de méthanisation agricole dans notre pays. Le vote de ce dispositif par le Parlement n'a d'ailleurs pas suscité de débat particulier, car la représentation nationale partage cet objectif de manière très transversale.
La méthanisation représente une piste intéressante en matière de diversification de nos sources d'énergie. Elle offre des compléments de revenu non négligeables à nos agriculteurs et permet le développement d'une filière industrielle de construction de méthaniseurs en France, dans un secteur de production de matériels jusqu'alors essentiellement occupé par l'Italie et l'Allemagne.
Les deux exonérations précédemment citées concernent les unités de méthanisation agricole achevées après le 1erjanvier 2015, l'objectif du Gouvernement étant avant tout d'apporter une incitation.
Cependant, en tant que législateur, nous avons complètement omis le fait que 98 unités étaient déjà en service avant cette date, de sorte que nous nous trouvons, aujourd'hui, dans une situation paradoxale. Si les choses devaient demeurer en l'état, il y aurait, d'une certaine manière, rupture d'égalité entre les producteurs, selon que leur unité ait été achevée avant ou après le 1erjanvier 2015.
Cela me semblerait profondément inéquitable, et il convient de réfléchir à un dispositif permettant de surmonter cette difficulté.
La règle de non-rétroactivité de la loi fiscale s'applique. Cela étant, il est possible de faire en sorte que les 98 unités créées avant le 1erjanvier 2015 soient éligibles à ces exonérations à partir de cette date, comme toutes les autres. Bien entendu, les exonérations ne valant que pour sept années, le dispositif s'appliquerait pour la seule durée restant à courir jusqu'au septième« anniversaire », si je puis dire, de l'unité concernée.
Voilà quelques semaines, à la suite d'une question orale du député Paul Molac, le Gouvernement a fait connaître la position de Bercy sur un élargissement du champ de ces exonérations. Il apparaît que l'avis du ministère est très réservé, celui-ci estimant qu'une telle mesure engendrerait un « effet d'aubaine ».
Je m'oppose nettement à cette analyse. Techniquement, un effet d'aubaine est constaté lorsqu'un dispositif crée une dépense importante qui ne peut être prévue à l'avance. Or nous parlons ici de la TFPB et de la CFE de 98 unités d'exploitation : la dépense fiscale engendrée n'est donc pas importante et elle peut parfaitement être prévue.
D'ailleurs, je ne comprends pas la position du Gouvernement, dans la mesure où, en définitive, il ne s'agit que de rétablir l'équité entre agriculteurs-méthaniseurs. Elle est d'autant plus surprenante que le Premier ministre lui-même a indiqué, voilà quelques semaines, que « certains [agriculteurs] ont pris le parti de développer la méthanisation agricole. Nous devons soutenir les agriculteurs qui savent innover. »
J'aurais donc souhaité connaître la position de M. Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui est concerné au premier chef par le sujet. Quels dispositifs envisage-t-il de proposer, sachant que la situation actuelle est discriminante, une inégalité ayant été instaurée entre agriculteurs-méthaniseurs ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert,secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Bien évidemment, le Gouvernement encourage la valorisation des effluents d'élevage et déchets agricoles par la méthanisation. À cet effet, a été présenté en mars 2013 un plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote, avec pour objectifs une meilleure gestion de l'azote et le développement de la méthanisation agricole.
Dans cette perspective, il convient de mettre en place une fiscalité incitative. En effet, cette activité nécessite la construction de nombreux immeubles - locaux techniques, digesteurs, cuves, locaux de stockage, etc. -, constituant autant d'investissements lourds qui, dès son démarrage, représentent une charge importante au regard de sa rentabilité.
Une première exonération de taxe foncière sur délibération des collectivités a donc été décidée en loi de finances rectificative pour 2013.
Surtout, par l'article 60 de la loi de finances pour 2015, le Gouvernement a souhaité renforcer l'incitation en faveur de la méthanisation, en créant un dispositif de plein droit pour toutes les installations nouvelles, celles dont l'achèvement est postérieur au 1erjanvier 2015. Pour les autres, l'exonération optionnelle de taxe foncière sur les propriétés bâties demeure applicable.
Les unités pionnières de méthanisation agricole participent, il est vrai, à la dynamique positive de développement de la méthanisation agricole. En effet, elles jouent un rôle de référence pour les financeurs et les porteurs de nouveaux projets. En outre, les pionniers sont souvent engagés dans l'accompagnement de ces derniers. Toutefois, s'agissant d'un dispositif incitatif, il est apparu logique et juridiquement adéquat qu'il s'applique à des investissements non encore réalisés, et non à un stock.
Pour autant, la question de l'égalité de traitement des différents opérateurs est importante. D'ailleurs, elle ne se résume pas à sa dimension fiscale, mais porte aussi sur le tarif de rachat pratiqué par EDF et la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, l'instauration de cette dernière étant principalement motivée par la volonté de financer les énergies renouvelables.
Par conséquent, le Gouvernement entend bien s'inscrire dans le dialogue. Je suis prêt à recevoir les représentants des syndicats professionnels, que j'ai rencontrés à l'occasion du salon de l'agriculture. Ma porte est ouverte pour étudier cette question de l'existence d'une différence de traitement entre producteurs de méthane agricole.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Les agriculteurs concernés avaient cherché à ouvrir le débat avant le 1erjanvier 2015, en prenant un certain nombre d'initiatives et de contacts, y compris, d'ailleurs, au niveau du ministère des finances. Une réunion avait été organisée, à laquelle le ministère de l'agriculture et celui de l'environnement avaient également participé.
J'estime, avec d'autres, que la situation actuelle crée une discrimination au détriment des agriculteurs s'étant lancés les premiers dans cette voie de la méthanisation, techniquement compliquée et coûteuse.
J'ai bien entendu votre conclusion, monsieur le secrétaire d'État, qui me semble nuancer les propos tenus jusqu'à présent par le Gouvernement. Vous donnez en effet à entendre que le débat pourrait ne pas être complètement clos.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de prendre une mesure rétroactive, mais il convient au moins de faire en sorte que, pour la période restant à courir, l'ensemble des unités de méthanisation soient traitées de manière identique.
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