M. Christian Cambon appelle l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le maintien des emplois de médecins de l'éducation nationale.
Ces médecins scolaires sont de moins en moins nombreux et les départs en retraite ne sont pas toujours remplacés. En dix ans, la profession a perdu 50 % de ses effectifs dans le Val-de-Marne. En 2016, toutes les communes de la moitié Est de ce département n'auront plus de médecin scolaire.
Les postes sont pourtant ouverts mais la profession, fatigante et mal payée, peine à attirer les professionnels. Ainsi, un médecin scolaire peut-il avoir la charge de 11 000 élèves, répartis sur 45 établissements, et peut gagner 500 à 1 000 euros de moins par mois que ses confrères des centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) embauchés par les départements.
Or, leur rôle est capital pour dépister les troubles du langage, de la vision, ou de l'ouïe des enfants. Pour obtenir l'équivalent d'une visite chez un pédiatre, un ophtalmologiste et un otorhinolaryngologiste (ORL), les délais d'attente dépassent, généralement, les neuf mois dans le secteur privé, également fortement touché par cette pénurie.
Il lui demande quelles mesures elle souhaite mettre en place pour lutter contre ce désert médical dans les établissements scolaires.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les menaces qui pèsent sur la médecine scolaire. L'éducation nationale connaît, en effet, des difficultés analogues aux déserts médicaux. L'importance de cette pénurie de médecins scolaires fait même redouter une mise en péril de cette médecine fondée en 1945.
Les médecins scolaires sont de moins en moins nombreux et les départs à la retraite ne sont pas toujours remplacés. Ce mal frappe la plupart des départements. Dans le mien, le Val-de-Marne, la profession a perdu en dix ans quelque 50 % de ses effectifs. En 2016, la moitié des communes de la moitié de ce département n'auront plus de médecin scolaire.
Lorsqu'il y en a, il faut en réalité gérer la pénurie. Ainsi, les communes de Limeil-Brévannes et Sucy-en-Brie doivent se partager un seul médecin scolaire, qui aura la charge de 11 000 élèves répartis sur 45 établissements. On se demande comment l'exercice de la médecine est possible face à de tels chiffres.
Ces médecins seront rémunérés entre 500 et 1 000 euros de moins par mois que leurs confrères des centres de protection maternelle et infantile ou des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, lesquels sont embauchés par les départements.
Quelles sont les causes de cette pénurie ? Ce sont la suppression progressive des contrats de médecins non titulaires par les rectorats, qui mènent une politique absurde dans ce domaine, l'absence de recrutement par l'éducation nationale et le manque d'attractivité de ces postes, très mal rémunérés et qui peinent à attirer les professionnels. Cette insuffisante attractivité de la carrière proposée au sein du ministère de l'éducation avait d'ailleurs déjà été relevée par l'Assemblée nationale dans un rapport de 2011.
Les répercussions de cette politique pour le moins étonnante sont évidemment très graves. L'absence de médecins scolaires peut avoir des répercussions inquiétantes sur le parcours scolaire des élèves, car leur rôle est capital pour dépister les troubles du langage, de la vision ou de l'ouïe des enfants.
Pour obtenir l'équivalent d'une visite chez un pédiatre, un ophtalmologiste et un oto-rhino-laryngologiste, les délais d'attente dépassent en général neuf mois dans le secteur privé, lequel est également fortement touché par une pénurie de praticiens. Et je ne parle pas du coût de ces visites pour les parents...
Certains parents peuvent être découragés par ces délais d'attente. Or le dépistage d'un trouble de la vue important, décelé dès le plus jeune âge à l'école, permet à l'enfant de suivre un parcours scolaire favorable. On évite ainsi de le mettre en difficulté.
L'éducation et la santé sont intimement liées, et plus encore aujourd'hui en termes d'égalité des chances. Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous éclairer sur la politique menée par le Gouvernement en ce domaine et sur les mesures que vous comptez prendre pour lutter contre ce désert médical dans les établissements scolaires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, la médecine scolaire est un élément essentiel de la réussite éducative de tous les élèves et un vecteur de lutte contre les inégalités. Le Gouvernement a donc voulu remédier au plus vite à la situation que vous décrivez.
Nous avons ainsi mis un terme à la forte et constante diminution des moyens enregistrée entre 2007 et 2012 dans ce secteur.
Depuis 2012, ce sont 66 nouveaux postes qui ont été pourvus par la voie du concours annuel de recrutement des médecins scolaires. De plus, des mesures salariales de revalorisation indiciaire ont été prises pour rendre cette profession essentielle plus attractive.
Nous avons également procédé à une importante campagne de titularisation, afin de résorber l'emploi précaire, tout en renforçant les effectifs de médecins scolaires. Près d'une centaine d'agents a été recrutée par cette voie depuis l'année 2012, ce qui représente 10 % des effectifs actuels de ce corps.
Néanmoins, conscients de la persistance de difficultés de recrutement, nous poursuivons les efforts pour renforcer l'attractivité de ce métier indispensable à l'école. À cette fin, un dialogue a été engagé dès la rentrée de 2015 avec les différentes organisations syndicales, afin d'envisager les mesures qui permettraient d'améliorer la situation du corps des médecins de l'éducation nationale.
En outre, nous entendons développer l'accueil en stage des étudiants en médecine, pour mieux leur faire connaître le cadre de cette fonction, ainsi que ses conditions particulières d'exercice.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, avec toutes les actions d'ores et déjà engagées, l'éducation nationale est pleinement mobilisée pour revaloriser la fonction des médecins scolaires, qui sont indispensables à notre école, ainsi qu'à tous nos enfants.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. J'entends vos déclarations d'intention, madame la ministre, et je les juge positives.
Cela dit, les échos que nous entendons sur le terrain ne confirment absolument pas vos propos. Ce n'est pas en recrutant 66 médecins supplémentaires que nous résoudrons ce problème. Les chiffres que j'ai cités parlent d'eux-mêmes !
Je n'ose croire que tout cela soit le prélude à un transfert de charges vers les collectivités. Quoi qu'il en soit, je vous mets en garde contre la distorsion qui existe entre le discours du Gouvernement sur l'égalité des chances et la réalité, qui touche surtout les plus faibles. Les parents qui en ont les moyens auront toujours la possibilité, bien sûr, d'emmener leurs enfants chez des spécialistes. Malheureusement, de très nombreux enfants ne bénéficient pas du contrôle de la médecine scolaire.
Je vous engage donc, madame la ministre, à faire part à votre collègue de l'éducation nationale, que nous voyons rarement lors des séances de questions orales, des préoccupations du Parlement dans ce domaine.
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