M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le bilan de mise en œuvre du « pacte santé territoire », engagé par le Gouvernement en décembre 2012.
Décliné en trois axes « Changer la formation et faciliter l'installation des jeunes médecins », « Transformer les conditions d'exercice des professionnels de santé » et « Investir dans les territoires isolés », ce pacte se traduit par douze engagements qui devaient être remplis dès 2015, pour certains d'entre eux, et au plus tard en 2017, pour les autres.
Les solutions proposées sont limitées dans leur portée. Elles s'inscrivent, en effet, dans le prolongement des mesures dites incitatives mises en place depuis de nombreuses années par les gouvernements successifs, avec un succès plus que limité et un coût déjà épinglé à plusieurs reprises par la Cour des comptes.
La désertification médicale à laquelle sont confrontés les territoires ruraux et périurbains appelle une mobilisation réelle des pouvoirs publics. Elle pose, en effet, un problème évident d'aménagement du territoire mais aussi de santé publique.
Aussi lui demande-t-il de dresser le bilan de la mise en œuvre des douze engagements du pacte, notamment en Haute Normandie, et d'indiquer les mesures complémentaires que le Gouvernement entend proposer pour répondre aux difficultés croissantes que rencontrent de nombreux patients pour avoir accès aux soins dans des délais raisonnables.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues :« Les territoires se vident de leurs médecins. Pourtant, avec 281 087 médecins inscrits au tableau de l'ordre en 2014, la France n'a jamais compté autant de médecins ». Ce n'est pas moi qui le dis, mais le Conseil national de l'ordre des médecins, dans le dernier Atlas de la démographie médicalepublié au mois de juin dernier.
Le département de l'Eure, dont je suis élu, est, hélas ! cruellement confronté à cette réalité puisque, avec seulement 167 médecins pour 100 000 habitants, il connaît, cette année encore, la plus faible densité médicale de France, suivi de près par l'Ain, la Mayenne et l'Orne. Dans le même temps, Paris compte plus de 670 médecins pour 100 000 habitants, et le Rhône plus de 400.
Cette situation n'est pas nouvelle, mais elle s'aggrave. Elle est connue de longue date et je la dénonce, depuis mon élection en 2008, auprès des gouvernements successifs de droite comme de gauche, dont l'inertie et le manque de courage conduisent à l'aggravation du phénomène.
La désertification médicale crée des inégalités inacceptables, entre les territoires comme entre les citoyens. La seule réponse apportée par le Gouvernement à ce problème est le pacte territoire-santé, engagé en 2012, qui contient douze engagements, dont certains devaient être remplis dès 2015, les autres au plus tard en 2017.
Ce pacte avait fait l'objet d'un bilan établi en février 2014 par la ministre des affaires sociales et de la santé, qui avait publié, engagement par engagement, l'état d'avancement des objectifs que le Gouvernement s'était fixés. Depuis cette date, plus aucun bilan n'a été dressé.
En janvier 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé déclarait pourtant devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui s'était saisie de cette question : « C'est aujourd'hui qu'il faut obtenir des résultats ». Plus de deux années ont passé et, comme les habitants des territoires ruraux et périurbains privés d'accès aux soins, nous ne voyons rien venir.
Nous aimerions, madame la secrétaire d'État que vous dressiez le bilan des engagements pris par le Gouvernement dans ce pacte et que vous nous indiquiez, surtout, les mesures complémentaires que le Gouvernement entend enfin mettre en œuvre pour faire face à la pénurie de médecins dans un grand nombre de territoires.
(Mme Nathalie Goulet applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.Monsieur le président, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a lancé, à la fin de 2012, le pacte territoire-santé, auquel vous faites référence. Composé de douze engagements, ce pacte repose sur le pragmatisme et mobilise tous les leviers, de la formation des étudiants aux conditions d'exercice. Il exclut toutefois la mise en œuvre de mesures coercitives, telle est bien toute la difficulté de ce sujet.
Le bilan de ce pacte, après deux ans d'application, confirme bien qu'une nouvelle dynamique est lancée.
Le contrat d'engagement de service public, ou CESP, s'adresse aux jeunes en formation. Il leur permet de bénéficier d'une bourse en contrepartie d'une installation en zone fragile, pour une durée équivalant à celle de l'aide. Au total, 1 278 jeunes se sont engagés dans le dispositif depuis sa création et plus de 400 contrats ont été signés pour la seule campagne 2014-2015 !
Les contrats de praticiens territoriaux de médecine générale, ou PTMG, permettent de sécuriser l'installation des jeunes médecins au cours de leurs deux premières années d'exercice. Ils ont déjà permis l'installation de 411 professionnels.
Par ailleurs, les projets d'exercice coordonné sont en plein essor : il existait 174 maisons de santé pluriprofessionnelles, il devrait y en avoir plus de 800 en fonctionnement à la fin de 2015 !
Le département de l'Eure n'échappe pas à cette dynamique puisque, sous l'impulsion de l'agence régionale de santé de Haute-Normandie, de nombreuses initiatives ont été soutenues par les élus et les professionnels de santé.
À ce jour, dix contrats de praticiens territoriaux de médecine générale ont été signés dans l'Eure et quatre nouveaux le seront d'ici à la fin de l'année.
Concernant l'exercice regroupé, une dynamique forte apparaît également. En 2012, il existait dans l'Eure deux maisons de santé pluriprofessionnelles. Depuis, six nouvelles structures de ce type ont ouvert leurs portes et huit nouveaux projets sont actuellement suivis par l'ARS.
Enfin, en Haute-Normandie, trente-sept contrats d'engagements de service public, concernant très majoritairement la médecine générale, ont été signés à la fin de 2014. Un médecin généraliste issu de ce dispositif s'est, dès à présent, installé dans une zone en difficulté du département de l'Eure et a pu également bénéficier d'un statut de PTMG.
Nous devons aujourd'hui poursuivre dans cette voie et conforter ces résultats. C'est pourquoi Marisol Touraine a souhaité que le pacte territoire-santé fasse l'objet d'une disposition spécifique au sein du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
À quelques semaines de l'examen de ce texte par votre assemblée, je sais, monsieur le sénateur, que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable que vous présidez porte un regard attentif sur la question spécifique de l'accès aux soins dans les territoires.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. J'ai entendu, comme souvent de la part de ce gouvernement, un exercice d'autosatisfaction malheureusement très éloigné de la réalité du terrain !
Quand Mme la secrétaire d'État parle« de dynamique dans l'Eure », comme j'aimerais qu'elle ait raison ! Comme j'aimerais constater la dynamique qu'elle nous annonce en matière de démographie médicale !
Les chiffres sont pourtant là pour confirmer que nous sommes les derniers en matière de démographie médicale. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'ordre des médecins, et ce dernier montre que la situation ne fait que s'aggraver. Malheureusement, on ne peut pas parler de dynamique ! Malheureusement, il ne suffit pas non plus de construire des maisons de santé pour que les médecins acceptent de venir y travailler ! Nous connaissons de très nombreux exemples de maisons de santé, parfois construites à des coûts très élevés, dépourvues de médecin.
Sans doute Mme la secrétaire d'État a-t-elle manqué de temps pour établir un bilan très précis et complet de la situation. Un tel document serait très utile à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui s'est saisie pour avis du projet de loi de modernisation de notre système de santé. En effet, aujourd'hui, nous avons plutôt le sentiment que les mesures mises en place ont été inefficaces
En février 2013, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté à l'unanimité un rapport intituléDéserts médicaux, agir vraiment.Il proposait de faire évoluer les études de médecine, de mettre en œuvre à l'échelle des territoires une véritable politique des soins que nous attendons encore, d'évaluer et de clarifier les mesures incitatives existantes, pour la plupart très chères et très inefficaces, et de mieux réguler l'installation des professionnels de santé.
Mme la secrétaire d'État a dit son hostilité à tout dispositif autre qu'incitatif. J'observe qu'elle a évolué : quand Mme Touraine était dans l'opposition, elle avait fait des propositions différentes !
Dans le cadre du débat que nous aurons à la rentrée à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable aura à cœur de faire des propositions pour mettre un terme à la désertification médicale qui pèse sur les territoires ruraux et périurbains.
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