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Yannick Botrel
Question orale sans débat N° 1198 au Secrétariat d'État


Situation des conciliateurs de justice

Question soumise le 9 juillet 2015

M. Yannick Botrel appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation des conciliateurs de justice.

Le plan « J.21, la justice du 21ème siècle » prévoit, en sa septième action, de favoriser les recours aux modes alternatifs de règlement des litiges et donc de renforcer le recours aux médiateurs et aux conciliateurs de justice.

Or, il apparaît, dans la pratique, qu'il est très difficile de recruter des conciliateurs de justice supplémentaires et que leur nombre sur le territoire national est nettement insuffisant. Ainsi, il l'interroge sur les pistes qu'elle entend mettre en œuvre pour accroître le nombre de conciliateurs de justice en France.

Au surplus, le caractère bénévole des activités des conciliateurs de justice est fondamental mais il ne doit pas générer des coûts pour ces derniers. À ce jour, la prise en charge des frais de fonctionnement s'élève, approximativement, à 232 euros par an et par conciliateur. Pour permettre aux conciliateurs de justice d'effectuer convenablement leur mission, il est donc nécessaire d'augmenter ce plafond de remboursement des dépenses inhérentes à leur fonction. Il l'interroge, en ce sens, sur sa volonté en la matière.

Réponse émise le 28 octobre 2015

M. Yannick Botrel. Monsieur le secrétaire d'État, j'évoquerai la question des conciliateurs de justice et de leur situation. Mon intérêt pour cette question découle d'un double constat.

Par la rapidité et la simplicité de leur action, les conciliateurs de justice évitent souvent le déroulement de contentieux longs et coûteux, tant d'ailleurs pour l'État que pour les justiciables eux-mêmes. En ce sens, leur rôle est tout à fait intéressant et utile.

Je soulignerai ensuite la place grandissante prise par ces conciliateurs dans nos territoires. Leurs compétences, notamment en matière de troubles de voisinage, de conflits entre un propriétaire et un locataire, de créances impayées ou de malfaçons, ou encore, pour ne retenir que les cas les plus fréquents, de difficultés à faire exécuter un contrat, en font des interlocuteurs privilégiés pour nos concitoyens et, parfois aussi, pour les maires.

Si les affaires qu'ils traitent ne défraient pas la chronique, elles contribuent néanmoins, si vous me permettez l'expression, à « pourrir la vie » d'un nombre important de particuliers.

En ce sens, l'intérêt de l'existence d'une procédure de conciliation gratuite, plus rapide qu'une action juridictionnelle, ne me semble faire l'objet d'aucun doute.

Dans cette optique, les conciliateurs ont en quelque sorte pris la place des juges de paix d'antan et endossé le rôle qui leur était dévolu.

Cela est d'autant plus remarquable que l'exercice de ces fonctions est bénévole. Et c'est là, parfois, que le bât blesse.

En moyenne, un conciliateur de justice perçoit 232 euros par an de remboursement au titre de ses frais de fonctionnement. Soyons clairs, cela ne couvre même pas l'essence qu'ils utilisent pour aller à la rencontre des personnes qui les sollicitent, singulièrement dans les territoires ruraux.

Depuis de nombreuses années, rapport après rapport, les experts insistent sur l'utilité qu'il y aurait à développer les modes alternatifs de règlement des litiges.

Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, s'est approprié cette analyse, comme en témoigne, notamment, la septième action de son plan « Justice 21 ».

Toutefois, et sans renoncer pour autant au principe du bénévolat des activités de conciliation, ne serait-il pas envisageable de redéfinir les règles de prise en charge des frais de fonctionnement, afin qu'elles soient mieux adaptées à la réalité que je viens de décrire ?

Pour conclure, je suis convaincu qu'il ne s'agirait pas d'une véritable dépense publique supplémentaire, car ces moyens renforcés entraîneraient par ailleurs une diminution des actions juridictionnelles engagées par nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de Mme Taubira, retenue en raison d'obligations liées à ses fonctions.

Je voudrais également préciser que, dans le cadre de la réforme judiciaire portée par la garde des sceaux, la proximité de la justice est une priorité. La conciliation est un outil essentiel afin de rendre la justice plus proche - vous l'avez souligné, monsieur le sénateur -, plus accessible et plus lisible. C'est pourquoi il est proposé de développer la conciliation en la rendant obligatoire pour les petits litiges du quotidien avant d'accéder au juge.

Il conviendra alors d'augmenter le nombre des conciliateurs, qui exercent une vraie mission de service public aux côtés des professionnels de la justice. À l'heure actuelle, près de 1 800 conciliateurs actifs sont recensés sur le territoire. Le besoin supplémentaire est estimé à un tiers, soit 600 conciliateurs.

Une évolution de leur statut est par ailleurs à l'étude à la Chancellerie.

Afin d'affermir leur place au sein de l'institution, il est prévu de leur donner l'opportunité de participer aux conseils de juridiction, au plan local, et de siéger au Conseil national de l'accès au droit et à la justice, au plan national. Le processus de leur recrutement sera confié à des magistrats coordonnateurs des tribunaux d'instance afin de raccourcir les délais d'instruction des candidatures.

La qualité de la mission des conciliateurs est d'autant plus louable que ce sont des bénévoles qui consacrent du temps à l'œuvre de justice. Comme vous le soulignez avec raison, ce bénévolat ne doit pas pour autant générer de frais pour les conciliateurs. C'est pourquoi, outre leurs dépenses de fonctionnement, sont également pris en charge leurs frais de déplacement. Il est envisagé un doublement des dépenses de fonctionnement - frais de téléphone, d'affranchissement postal, etc. -, actuellement forfaitisées à 232 euros par an.

S'agissant des frais de déplacement, remboursés selon le régime des personnels civils de l'État, une enquête effectuée auprès de plusieurs cours d'appel a révélé que le montant moyen remboursé s'élevait à 449 euros par an.

Enfin, une subvention de 40 000 euros a été attribuée pour l'année 2015 à la Fédération des associations des conciliateurs de justice.

Le Gouvernement entend donc donner toute leur place, y compris financièrement, aux modes alternatifs de règlement des différends, notamment la conciliation, comme en témoigne le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIesiècle, en cours d'examen par la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse très complète et je partage un certain nombre des arguments que vous avez avancés. Il est évident, en particulier, que les conciliateurs exercent une mission de service public.

Le rôle des conciliateurs est à ce point reconnu que leur nombre va être considérablement réévalué, comme vous venez de l'indiquer.

Je note aussi avec satisfaction que le statut des conciliateurs sera amené à évoluer, et qu'ils seront mieux reconnus dans les missions qu'ils accomplissent.

Enfin, j'ai relevé que les frais seront pris en charge de façon plus réaliste qu'ils ne le sont actuellement, avec notamment un doublement des frais liés à l'exercice de la fonction.

Compte tenu du nombre de conciliateurs en exercice sur le territoire national, la dépense ne devrait pas être trop importante. Quoi qu'il en soit, elle sera sans rapport avec la qualité du service rendu par ces personnes.

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