M. Antoine Karam attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le besoin de moyens supplémentaires en Guyane, face à l'augmentation importante des demandes d'asile.
Depuis plusieurs semaines, une réalité dramatique pousse des milliers de victimes de la persécution à prendre la route de l'exode, parfois au péril de leur vie, afin de fuir la terreur installée aussi bien par Daech que Bachar El-Assad. Face à ce drame, de nombreux élus et citoyens se sont mobilisés ici, en France, pour accueillir dans la dignité ces réfugiés.
Cependant, le déploiement de ces moyens ne peut se limiter à l'Europe continentale. En Guyane, où les premiers réfugiés syriens sont d'ailleurs déjà arrivés, les demandes d'asile ont explosé. Depuis le 1er janvier 2015, plus de 1 800 dossiers ont été déposés à la préfecture de Guyane, soit déjà plus du double de l'année précédente, lorsque entre 2013 et 2014, l'augmentation ne s'élevait qu'à 2 %. Selon la préfecture, 75 % des demandeurs sont des ressortissants haïtiens, 13 % viennent de la République Dominicaine et quelques 3 % sont originaires de Syrie ou d'Irak. Les demandeurs venus de zones en guerre obtiennent en général le statut de réfugiés, tandis que la plupart des autres voient leur requête rejetée : en Guyane, 94 % des candidats à l'asile sont déboutés.
Mais l'augmentation rapide du nombre des demandeurs d'asile pose, aujourd'hui, la question des moyens qui restent limités en Guyane. En effet, les demandeurs d'asile sont d'abord confrontés au manque de capacité d'hébergement : aucun centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) n'existe à Cayenne et la majeure partie des cent places d'hébergement d'urgence disponibles sont réservées aux familles.
Certains demandeurs deviennent alors des squatteurs, lorsque les autres se débrouillent comme ils peuvent. Autre problème : aucune antenne de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n'est présente en Guyane pour traiter les demandes d'asile. Les dossiers sont enregistrés par la préfecture, à Cayenne, puis transmis à l'antenne de l'OFPRA aux Antilles, accusant, elle-même, un manque patent de personnel. Résultat : les demandeurs attendent de douze à vingt-quatre mois pour obtenir une réponse de l'OFPRA, alors même que la réforme du droit d'asile, votée ici même, prévoit de réduire à neuf mois cette attente. En définitive, chaque matin, à Cayenne, ce sont des dizaines de demandeurs d'asile qui attendent aussi bien devant la préfecture que devant l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), sans que personne ne sache vraiment qui est responsable de quoi. Il devient urgent de trouver des solutions efficaces, tant sur le plan administratif que matériel.
Il lui demande si des moyens supplémentaires seront déployés, jusque dans les outre-mer, afin d'accueillir avec humanité et dignité tous les demandeurs d'asile mais aussi de permettre un meilleur traitement des demandes légitimes, qui pâtissent aujourd'hui d'un système au bord de l'asphyxie.
M. Antoine Karam. Monsieur le secrétaire d'État, depuis plusieurs mois maintenant, nous sommes les témoins d'une réalité dramatique, qui pousse des milliers de victimes de la persécution à prendre la route de l'exode, parfois au péril de leur vie, afin de fuir la terreur. Face à ce drame, de nombreux élus et citoyens se sont mobilisés pour accueillir dans la dignité ces réfugiés.
Faisant face à cette situation, vous avez contribué à la mise en place de mesures au niveau européen, afin de maîtriser la répartition des réfugiés, mieux identifier les demandeurs d'asile et accueillir dans la dignité l'ensemble de ces populations.
Cependant, le déploiement de ces moyens ne peut se limiter à l'Europe continentale. En Guyane, située en Amérique du Sud, où des réfugiés syriens et irakiens sont aussi arrivés, les demandes d'asile ont explosé.
Au cours de l'année 2015, plus de 2 700 dossiers ont été déposés à la préfecture, soit une augmentation de 159 % par rapport à 2014. Je dis bien 159 % ! En effet, entre 2013 et 2014, celle-ci n'était que de 2 %.
Ainsi, 80 % des demandeurs sont-ils des ressortissants haïtiens, tandis que 10 % d'entre eux viennent de la République dominicaine, quelque 2 % étant originaires de Syrie ou d'Irak. Vous le savez, près de 95 % de ces demandes sont rejetées.
Monsieur le secrétaire d'État, l'augmentation rapide du nombre des demandeurs pose aujourd'hui la question des moyens, qui restent limités en Guyane.
En effet, les demandeurs d'asile sont d'abord confrontés au manque de capacité d'hébergement : aucun centre d'accueil de type CADA - centre d'accueil de demandeurs d'asile - n'existe à Cayenne et la majeure partie des 100 places d'hébergement d'urgence disponibles sont réservées aux familles. Certains demandeurs deviennent des squatteurs, d'autres errent dans les rues.
Autre problème, aucune antenne de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, n'est présente en Guyane pour traiter les demandes d'asile. Les dossiers sont enregistrés par la préfecture, à Cayenne, puis transmis à l'antenne de l'OFPRA aux Antilles, qui accuse elle-même un manque patent de personnel. Ainsi les demandeurs attendent-ils en moyenne un an et demi pour obtenir une réponse, alors même que la réforme du droit d'asile prévoit de réduire à neuf mois ce délai.
Finalement, chaque matin, à Cayenne, ce sont des dizaines et des dizaines de demandeurs d'asile qui attendent aussi bien devant la préfecture que devant l'OFII, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sans que personne sache vraiment qui est responsable de quoi.
Il devient urgent de trouver des solutions efficaces sur le plan tant administratif que matériel. Pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'État, si des moyens supplémentaires seront déployés jusque dans nos outre-mer, pour accueillir avec humanité et dignité tous les demandeurs d'asile, mais aussi pour permettre un meilleur traitement de demandes légitimes, qui pâtissent aujourd'hui d'un système au bord de l'asphyxie ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur Antoine Karam, l'augmentation de la demande d'asile enregistrée en Guyane, principalement portée par la progression de la demande haïtienne, est un phénomène bien pris en compte par les services du ministère de l'intérieur et l'OFPRA.
Une augmentation de 70 % a en effet été constatée au cours des neuf premiers mois de l'année 2015, avec un point culminant en août. La demande semble toutefois décroître ces dernières semaines. L'antenne de l'OFPRA dans les départements français d'Amérique est installée en Guadeloupe, d'où elle instruit les demandes déposées en Martinique et en Guyane. Ces dernières années, la part des demandes enregistrées dans chacun des trois départements a varié, pour s'équilibrer en 2014 entre la Guyane, à hauteur de 45 %, la Guadeloupe, pour 41 %, et la Martinique, qui représente 14 % de la demande.
En Guyane, l'Office met actuellement en œuvre plusieurs mesures, qui permettront de prendre en compte l'augmentation des flux et d'instruire prochainement l'ensemble des demandes en instance. Les effectifs de l'antenne ont été renforcés depuis le mois de septembre 2015, notamment par l'affectation à l'année d'un officier de protection supplémentaire. L'antenne sera ainsi en capacité d'instruire un volume plus important de demandes.
Par ailleurs, une équipe de l'Office s'est rendue en Guyane du 16 au 27 novembre dernier pour conduire une mission foraine d'instruction qui a permis de résorber les demandes en attente et de réduire sensiblement les délais d'instruction.
Ces mesures, ainsi que la poursuite de missions d'instruction à un rythme soutenu par l'antenne de Basse-Terre, devraient permettre de traiter dans les délais réglementaires les demandes d'asile déposées dans ce département.
Concernant l'hébergement des demandeurs d'asile présents en Guyane, un appel à projets a été lancé en 2010, pour pallier l'absence de centre d'accueil pour demandeurs d'asile dans le département.
Sur ce fondement, un dispositif géré par la Croix-Rouge française a vu le jour au second semestre de 2011 et connaîtra en 2016 une extension de capacité et une hausse de l'ordre de 20 % des crédits qui lui sont consacrés.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes tout à fait conscients de l'urgence, que vous avez évoquée, de la situation guyanaise. L'État a décidé de renforcer les moyens destinés au traitement des demandes d'asile, ainsi qu'à l'accueil et à l'hébergement des réfugiés.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.
Permettez-moi de vous inviter, au même titre que M. le ministre de l'intérieur, à visiter la Guyane, afin de constater par vous-même l'urgence, que vous avez évoquée, de la situation.
Si la Guyane fait institutionnellement partie des pays du Nord, elle se situe géographiquement au cœur des pays du Sud. Outre les problèmes que je vous ai exposés, il s'agit également de lutter contre les trafiquants et d'éviter des drames humains.
Ce dimanche encore, une embarcation transportant une trentaine de clandestins brésiliens a été interceptée par les gendarmes sur nos plages. Quatre trafiquants ont été arrêtés, tandis que les clandestins étaient renvoyés au Brésil. Pour combien de temps ? On le sait, 700 kilomètres de frontière séparent le Brésil de la Guyane. Tous les jours arrivent en Guyane par la mer, les fleuves ou la forêt des dizaines de clandestins. Certains disparaissent dans la nature, d'autres meurent. On retrouve leurs squelettes quelques années plus tard.
Je ne veux aucunement comparer ou opposer notre situation aux drames survenus en Méditerranée. Nous craignons simplement de voir un jour notre Guyane touchée par une vraie tragédie humaine.
Monsieur le secrétaire d'État, en avril dernier, Bernard Cazeneuve affirmait la nécessité « de faire en sorte que les frontières extérieures de l'Union européenne soient protégées ».
Je me permets donc de le souligner, la France a aussi besoin de protéger et de sécuriser ses frontières sur le continent sud-américain.
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