M. Christian Favier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la difficulté persistante à obtenir un traitement équitable et juste, entre départements, dans la répartition nationale de l'accueil des mineurs isolés étrangers (MIES). En effet, la cellule de répartition nationale des MIES continue de refuser d'orienter vers d'autres départements les jeunes confiés à l'aide sociale du Val-de-Marne par les juges pour enfants, alors que les magistrats seraient, dans leur grande majorité, prêts à étudier les propositions de répartition nationale que le parquet présenterait devant eux dans le cadre de ses réquisitions. Ce faisant, depuis la mise en œuvre de la circulaire du 31 mai 2013, 402 MIE ont été confiés au département du Val-de-Marne, dont 287 à la suite d'une décision des juges des enfants, sans qu'il y ait eu de préconisation d'orientation nationale par la cellule de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ayant déjà interpellé le Gouvernement sur cette délicate question, il rappelle qu'il lui avait été répondu(question n° 0889S avec sa réponse au Journal officiel du 5 novembre 2014 p. 7659), que Mme la garde des sceaux, ministre de la justice maintenait son refus de proposer aux juges des enfants des orientations sur l'ensemble du territoire national mais que le nombre d'accueil par le Val-de-Marne tiendrait compte de cette situation. La cellule nationale de répartition territoriale des MIE fixait, alors, à treize jeunes la capacité d'accueil du Val-de-Marne pour 2015. Force est de constater que le maintien de ce refus de considérer la situation particulière du Val-de-Marne, au regard de la pratique des juges des enfants, a provoqué la poursuite de l'accueil des MIES bien au-delà du chiffre fixé. Quelque 109 jeunes sont, à ce jour, confiés au Val-de-Marne, au lieu des treize jeunes prévus. Mais cette situation est également due, malgré tous les engagements donnés, à une nouvelle pratique de la cellule de répartition territoriale qui, face au refus de certains départements, continue d'orienter vers le Val-de-Marne des jeunes trouvés sur le territoire national. C'est donc toute l'économie du protocole conclu entre l'État et l'assemblée des départements de France qui est remise en cause. Il souhaite donc savoir comment le Gouvernement va compenser au département du Val-de-Marne les frais supplémentaires (soit 21 millions d'euros en 2015) occasionnés par le non-respect de ses engagements contractuels.
M. Christian Favier. Depuis plusieurs années, j'alerte le Gouvernement sur la situation du département du Val-de-Marne s'agissant de l'accueil des mineurs isolés étrangers et des conditions de répartition nationale de ce dispositif.
En effet, si l'accueil relève bien de la compétence départementale, dans le cadre de leur mission d'aide sociale à l'enfance, seuls quelques départements sont massivement confrontés à ce problème. C'est notamment le cas du Val-de-Marne, de Paris, de la Seine-Saint-Denis et de quelques autres.
Aussi, dans le cadre d'un protocole signé avec l'Assemblée des départements de France, une cellule nationale avait été instituée en 2013 par circulaire interministérielle, afin de mieux répartir la prise en charge sur l'ensemble du territoire.
Malheureusement, ces dispositions ne sont plus respectées. Ainsi, en 2015, alors que le Val-de-Marne aurait dû recevoir 13 mineurs isolés, il en a accueilli 185 !
Une telle situation déstabilise et sature les dispositifs d'accueil du département. En l'occurrence, cela a représenté une charge supplémentaire de 21 millions d'euros en 2015, ce qui devient insupportable en ces temps de disette budgétaire.
Depuis le mois d'octobre dernier, la cellule nationale de répartition a cessé de fonctionner, par décision unilatérale du Gouvernement, et les juges du tribunal pour enfants de Créteil ont continué à prendre plusieurs dizaines de décisions de placement chaque mois.
Pour faire face à une telle situation, j'ai à plusieurs reprises déposé des amendements sur divers textes législatifs, afin de mettre en place un fonds national permettant de mutualiser les dépenses nécessaires à l'accueil de ces enfants. Jamais le Gouvernement n'a accepté un tel dispositif, laissant le département seul face à un problème qui dépasse ses capacités techniques et financières et qui relève pourtant, à notre avis, de la solidarité nationale !
Vous le comprendrez, au vu des chiffres que je viens d'indiquer, le département ne saurait continuer à assumer seul l'explosion de l'accueil des mineurs si le rythme actuel des placements judiciaires ne faiblit pas et si la répartition nationale ne reprend pas.
Ma question sera donc simple : que compte faire le Gouvernement pour assurer sans délai une juste répartition territoriale de cette mission, mais aussi pour prendre sa part des dépenses d'accueil, dont la portée nationale ne vous aura pas échappé ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le garde des sceaux, qui est retenu à l'Assemblée nationale ce matin.
Vous appelez à juste titre l'attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par le Val-de-Marne, dont vous présidez le conseil départemental, s'agissant de l'accueil d'un grand nombre de mineurs isolés étrangers, ou MIE. Vous souhaitez des décisions permettant une répartition plus équilibrée sur le territoire des mineurs.
À l'instar des autres États membres de l'Union européenne, la France accueille sur son sol de très nombreux jeunes se présentant comme mineurs isolés étrangers.
Ainsi, le 31 décembre 2014, la mission MIE identifiait 213 mineurs isolés étrangers confiés au département du Val-de-Marne, dans le cadre du premier exercice du dispositif, qui a été mis en place à partir du 1erjuin 2013.
Pour l'année 2015, cette mission a eu à connaître de 343 MIE évalués par le Val-de-Marne : 174 ont été réorientés vers d'autres départements, et 169 ont été confiés au Val-de-Marne.
Vous évoquez la dette de l'État à l'égard des départements. Je souhaite vous préciser que cette dette a été soldée au mois de septembre 2015 par un versement de 9,5 millions d'euros. Par ailleurs, une ligne de crédit de 14 millions d'euros a été inscrite en loi de finances pour 2016, afin de financer la contribution de l'État.
Pour répondre à vos inquiétudes, deux articles ont été introduits, sur l'initiative du Gouvernement, dans la proposition de loi relative à la protection de l'enfant, que le Sénat examinera en nouvelle lecture le 18 février prochain.
Selon ces deux articles, le Gouvernement fixera des objectifs de répartition des mineurs sur le territoire, et l'autorité judiciaire transmettra les informations nécessaires à une orientation des mineurs garantissant l'intérêt de l'enfant.
Au-delà, une circulaire interministérielle a été transmise aux préfets, recteurs et directeurs d'agence régionale de santé le 16 décembre dernier. Elle doit permettre une meilleure coordination des services de l'État dans la prise en charge des mineurs isolés étrangers.
Enfin, je salue votre initiative de développer des infrastructures associatives aux fins d'évaluation, dans le délai de cinq jours, des personnes qui se présentent comme MIE, puis de leur prise en charge éducative.
Soyez donc assuré que le Gouvernement est pleinement investi auprès des départements dans la prise en charge des mineurs isolés étrangers.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de votre réponse. Mais je souhaite rappeler que l'accueil des étrangers en France relève en premier lieu d'une responsabilité régalienne de l'État !
Par conséquent, en la matière, il appartient d'abord à l'État de prendre toutes les mesures pour s'assurer que les personnes accueillies relèvent bien des engagements de la France au regard de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Malheureusement, ce travail n'est pas fait complètement aujourd'hui. Des personnes arrivent par centaines en France, par l'intermédiaire de réseaux souvent mafieux, qui les rackettent en leur fournissant de faux papiers d'identité. L'État laisse faire, malgré tous les discours sécuritaires actuels sur l'état d'urgence...
Ce n'est pas aux collectivités locales, sur lesquelles vous vous déchargez, de réaliser les contrôles documentaires !
J'ai donc pris une décision. À compter de ce jour, je renverrai systématiquement vers les services de la préfecture toute personne qui ne serait pas en mesure de présenter une pièce d'identité dont l'authenticité m'aura été garantie par les services de l'État. Je rétablirai ainsi l'État dans ses missions régaliennes.
En outre, je vous informe que je vais engager une assignation en référé contre l'État devant le tribunal administratif pour la reprise immédiate de la répartition nationale des mineurs isolés étrangers.
Enfin, je réitère notre demande de mise en place d'un véritable fonds national permettant la prise en charge des dépenses indues engagées par les départements pour faire face au flot de ces mineurs accueillis bien au-delà de la répartition nationale qui avait été prévue en 2013.
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