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Roger Karoutchi
Question écrite N° 16207 au Ministère du travail


Travailleurs détachés de l'Est de l'Europe

Question soumise le 7 mai 2015

M. Roger Karoutchi attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le détachement des travailleurs européens en France. Le phénomène n'est pas nouveau mais tend à prendre de l'ampleur depuis quelques années, notamment en raison de la souplesse des règlementations européennes en la matière. Il n'en demeure pas moins qu'il s'alarme de l'impact négatif de la présence des travailleurs détachés en France, notamment dans le secteur de la construction et des travaux publics. Etant de facto plus compétitifs que les Français, les travailleurs détachés arrivent par cars entiers sur les chantiers français pour repartir une fois leur mission réalisée. Il ne peut accepter une telle concurrence déloyale et préjudiciable. Il rappelle que ces travailleurs sont certes soumis aux dispositions du code du travail français en ce qui concerne, par exemple, leur rémunération ou le nombre d'heures réalisées, mais que les cotisations sociales sont payées à un montant qui est fixé par le pays d'origine. Il demande la position qu'il entend prendre à l'égard des pays d'où proviennent les travailleurs détachés et, le cas échéant, les mesures applicables pour équilibrer la balance entre le coût de nos travailleurs et celui des autres ressortissants de l'Union européenne.

Réponse émise le 11 juin 2015

Pour la bonne application des règles relatives au détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union Européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit notamment différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement a fait le choix de devancer la transposition de cette directive en soutenant avant même la fin des négociations, l'initiative législative du député M. Savary. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a donc notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter la réglementation en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Elle instaure un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants s'il ne respecte pas, ou pas intégralement, l'obligation de verser aux salariés - notamment détachés - une rémunération au moins égale au salaire minimum légal ou conventionnel. Elle transpose ainsi la directive d'application en garantissant à tous les salariés, et notamment aux salariés détachés, la possibilité de faire valoir leur droit au paiement d'un salaire conforme au minimum légal ou conventionnel. Mais elle va aussi plus loin que le dispositif prévu dans la directive. D'une part, la responsabilité solidaire mise en place n'est pas limitée au seul secteur du bâtiment mais s'applique à tous les secteurs professionnels. D'autre part, cette responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et n'est pas limitée au seul cocontractant. Le décret n° 2015-364 du 30 mars 2015 a précisé les obligations des employeurs établis hors de France détachant des salariés en France en matière de déclaration préalable de ce détachement, de désignation d'un représentant en France et de conservation des documents à présenter en cas de contrôle. Ce décret détermine les conditions de mise en œuvre de la responsabilité du cocontractant en cas de manquement à l'obligation de déclaration préalable ou de désignation d'un représentant et les sanctions encourues dans cette hypothèse. Il définit également les modalités de mise en œuvre de l'obligation de vigilance et de la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants et cocontractants. Il précise en outre les modalités selon lesquelles les organisations syndicales représentatives de travailleurs informent les salariés des actions en justice formées en leur nom. Le décret définissant les modalités de la peine complémentaire de diffusion de la décision pénale des personnes ayant recouru au travail illégal sur le site internet du ministère du travail est en cours de rédaction et devrait paraître dans les prochaines semaines. Enfin, la loi précitée contient des dispositions qui renforcent les sanctions applicables en cas de travail illégal, qui peut souvent être constaté dans les cas de fraude au régime du détachement. Mais il faut amplifier l'action et traduire les sanctions dans les faits. C'est pourquoi figurent dans le projet de loi croissance et activité trois mesures importantes : premièrement l'augmentation de l'amende administrative pour non respect de la déclaration de détachement, avec un passage du plafonnement du cumul d'amendes de 10 000 € à 500 000 €. Deuxièmement la possibilité pour l'autorité administrative de suspendre une prestation de service internationale. Enfin la généralisation d'une carte d'identité professionnelle obligatoire sur tous les chantiers du BTP. Par ailleurs, les contrôles seront considérablement renforcés en 2015. 30 000 contrôles conjoints avec l'URSSAF seront opérés notamment dans les secteurs prioritaires, soit 8 000 de plus avec une action ciblée sur 500 grands chantiers. De plus, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'inspection du travail, pour accentuer les contrôles, ont été créés un groupe national chargé des affaires les plus sensibles et des unités régionales. Le Gouvernement est totalement engagé dans la lutte contre le travail détaché illégal. Il le fait pour les salariés employés dans des conditions indignes, pour les entreprises victimes du dumping social mais aussi pour l'emploi.

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