M. Hervé Maurey. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
(Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la nuit du 19 au 20 décembre, Julien Tesquet et Élise Fauvel ont été assassinés dans l'appartement de la jeune femme, à Rouen. Julien était le fils de mon ami Thierry Plouvier, maire de Lyons-la-Forêt. L'enquête a révélé que la jeune femme avait été violée.
À la douleur et à l'abattement s'ajoutent la colère et l'incompréhension. Le suspect a été interpellé. Il s'avère qu'il était en situation irrégulière en France depuis 2001, qu'il avait été condamné à huit ans de réclusion criminelle en 2011 pour un viol commis en 2009, qu'il est sorti de prison quelques jours seulement avant les faits, et non en 2019 comme prévu, qu'il n'a pas été reconduit à la frontière alors que le jugement avait fixé une peine complémentaire d'interdiction du territoire français.
De toute évidence, ce double crime aurait pu être évité si l'arrêt de la cour d'assises avait été exécuté.
Madame la garde des sceaux, ma question est donc très simple : comment un tel dysfonctionnement est-il possible ? Comment des condamnés pour de tels crimes peuvent-ils voir leur peine réduite de moitié et être remis en liberté sans contrôle ? Comment une personne condamnée à une peine d'interdiction du territoire français peut-elle bénéficier d'une réduction de peine, alors que les moyens de procéder à sa reconduite à la frontière ne sont pas assurés ?
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Hervé Maurey, les faits que vous évoquez sont extrêmement douloureux, pour les familles, pour les proches des victimes, pour nous tous qui sommes profondément attachés à la vie et à la justice.
Il y a quelque cruauté à ajouter le doute à la souffrance infinie des familles et des proches. Les crimes irréparables perpétrés le 20 décembre ont donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire le 31 décembre. Celle-ci a permis de confondre un individu à partir de son profil ADN. Il a été aussitôt placé sous mandat de dépôt et incarcéré.
Il est inexact de dire qu'il n'avait exécuté que la moitié de sa peine. Condamné par la cour d'assises de Seine-Maritime en février 2011, il était incarcéré depuis août 2009. Une partie seulement des réductions de peine fondées sur la loi du 9 mars 2004, qui n'a pas été modifiée depuis lors, lui a été accordée. Le juge de l'application des peines lui a refusé tout aménagement de peine. Il a donc exécuté sa peine d'août 2009 à novembre 2015.
L'autorité judiciaire avait effectivement prononcé une peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire français. Il se trouve que la préfecture de police a eu des difficultés à établir la nationalité de cet individu (Murmures sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) et n'a pu faire exécuter dans l'immédiat cette décision de l'autorité judiciaire.
M. Charles Revet. Il fallait le maintenir enfermé, dans ce cas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C'est un drame atroce pour les familles. Nous leur devons l'exactitude des faits. Je trouve infiniment douloureux, infiniment triste surtout, qu'il y ait des polémiques sur les conditions dans lesquelles cette personne a exécuté sa peine (Protestations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.), compte tenu du fait que les juges de l'application des peines ont pris des décisions d'une grande sévérité à son égard, en lui refusant tout aménagement de peine.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je suis assez choqué par votre réponse, car vous niez l'évidence.
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Vous niez que la peine de ce personnage ait été abrégée et vous essayez de justifier le fait qu'il n'ait pas été reconduit à la frontière. Dès lors que cela n'était pas matériellement possible, la moindre des choses aurait été que ce criminel ne soit pas libéré. C'est aussi simple que cela !
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
J'aimerais que ce drame atroce vous conduise au moins, pour l'avenir, à veiller à l'application des peines prononcées par la justice de notre pays. On ne saurait abréger des peines prononcées quand on n'est pas à même de mettre en application une interdiction du territoire !
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. - M. Gilbert Barbier applaudit également.)
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