M. Jean-Pierre Bosino. Madame la ministre du travail, d'emblée, je vous pose cette question : quand allez-vous renoncer, en matière d'emploi, aux vieilles recettes initiées par Raymond Barre il y a quarante ans ?
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Vous continuez et amplifiez des mesures qui ont montré leur inefficacité. En effet, les aides aux entreprises et les exonérations ne créent aucun emploi. Vous sacralisez des dispositifs inefficaces comme le CICE qui coûtent 20 milliards d'euros aux contribuables et à nos communes, sans résultat.
Vous prétendez résoudre le chômage avec 500 000 formations par an, mais vous ne prévoyez aucune mesure pour créer réellement de l'emploi.
M. Alain Chatillon. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Bosino. Où est la nouvelle politique industrielle, où est la relance du pouvoir d'achat pour la croissance, permettant seules de lutter contre le chômage de masse ?
Ce qui a été annoncé hier est une liste à la Prévert de mesures plus libérales les unes que les autres : casse du code du travail, remise en cause des 35 heures, plafonnement des indemnités prud'homales, mise en danger de l'indemnisation des chômeurs, tout y passe ! En revanche, interdire les licenciements boursiers que la gauche sénatoriale a pourtant votés ici en décembre 2011, vous n'y pensez même plus !
Madame la ministre, je répète ma question : allez-vous renoncer enfin à ces vieilles recettes ?
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que le fait d'investir humainement dans la formation de 500 000 demandeurs d'emploi soit une recette libérale.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Au moment où l'on constate une reprise de l'activité économique et où l'on peut dire que la croissance sera meilleure en 2016 qu'elle ne l'a été en 2015 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), alors que le Président de la République a annoncé la semaine dernière 3 milliards d'euros d'investissements publics, notamment dans la rénovation thermique, l'investissement humain en direction de ces personnes, pour qu'elles ne restent pas au bord du chemin en retrouvant un emploi, est un élément déterminant pour notre pays. Former des demandeurs d'emploi, c'est également bon pour la compétitivité de notre économie.
Nous sommes actuellement en train de parler du compte personnel d'activité, qui est une mesure de progrès social.
M. Didier Guillaume. C'est une grande avancée sociale !
Mme Myriam El Khomri, ministre. En effet, aujourd'hui, on n'entre plus dans une entreprise à l'âge de dix-huit ans pour en sortir à soixante ans. Notre expérience professionnelle sera constituée de ruptures. L'enjeu est aussi d'attacher les droits, non pas seulement aux statuts, mais aux personnes. C'est aussi cela construire un nouveau modèle social : le statu quon'est plus possible dans notre pays.
L'enjeu n'est pas d'idéaliser le passé, c'est d'être capables, tous ensemble, de construire l'avenir.
M. Thierry Foucaud. C'est de la tricherie !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Quand nous prévoyons d'accompagner les demandeurs d'emploi en vue de la création d'entreprises, c'est une chance pour eux, car nous savons que le taux de fragilité, derrière, sera bien moindre.
Les mesures qui ont été prises, à savoir le pacte de responsabilité, le CICE, ne sont pas des cadeaux aux entreprises,...
M. Luc Carvounas. C'est vrai !
Mme Myriam El Khomri, ministre. ... mais un moyen de mettre en œuvre un écosystème.
La loi « Travail » que je porterai visera justement à introduire plus de négociation collective, car je crois au dialogue social et à la force des syndicats pour nouer des compromis au niveau des entreprises.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la ministre, vous ne nous ferez pas dire que l'investissement dans l'humain ne nous intéresse pas. Il ne s'agit pas de cela. Votre plan ne bénéficiera ni aux salariés ni aux chômeurs : il répond à un certain nombre d'exigences du patronat et de l'actionnariat.
Un sondage vient de paraître aujourd'hui même, selon lequel les Français ne sont pas dupes : 75 % d'entre eux estiment que votre politique ne sert pas les intérêts des travailleurs.
M. le président. Il vous faut conclure !
M. Jean-Pierre Bosino. Il est grand temps de mettre en œuvre les promesses qui ont été faites en 2012 par François Hollande.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
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