M. François Pillet. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
En présentant ses vœux aux corps constitués, le Président de la République a évoqué le problème de la lenteur législative. Certes, chacun doit prendre ses responsabilités. Mais, comme notre collègue Philippe Bas l'a fait observer dans une lettre adressée au chef de l'État, quelques éclaircissements s'imposent sur ce point.
Nous sommes soumis par l'actuel gouvernement à une inflation législative qui nous paraît sans précédent. On nous somme de nous exprimer sur des textes dont la surcharge et la complexité dénoncent la précipitation dans laquelle ils ont été imaginés. Ce fut le cas, par exemple, de la loi de transition énergétique, avec ses 215 articles.
Outre l'inflation législative engendrée par ses initiatives, le Gouvernement engage presque systématiquement la procédure accélérée, qui, paradoxalement, participe de la lenteur législative, dans la mesure où elle laisse parfois s'écouler plus de six mois de délai entre l'examen des textes par les deux assemblées du Parlement. Ce fut le cas de la fameuse loi dite « Macron », qui, nonobstant l'article 49-3 de la Constitution, a occupé toute une année de débats. Le texte, présentant à l'origine 106 articles, en comptait finalement 300.
La lenteur législative vient également du fait que les textes de loi pléthoriques impliquent des décrets d'application pléthoriques. Là encore, les délais dépassent la logique politique. Pour ce qui concerne cette même loi dite « Macron », une très large part des quatre-vingt-quatre décrets d'application est encore en attente de publication.
Monsieur le secrétaire d'État, afin que les parlementaires puissent soutenir au mieux une action gouvernementale qui s'inscrit de plus en plus dans l'urgence, ne croyez-vous pas que des textes plus réfléchis, donc plus aboutis, seraient de nature à accélérer considérablement cet itinéraire législatif ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Bien entendu, nous sommes tous concernés par la réflexion actuelle portant sur l'efficacité des politiques publiques, notamment sur la capacité de notre pays à légiférer dans les meilleures conditions et de manière plus réactive. J'en veux pour preuve le fait que les deux assemblées du Parlement se sont penchées sur ces questions et ont adopté, à ce titre, un certain nombre de mesures. Je tiens à saluer les mesures suggérées par M. le président du Sénat, par exemple pour assurer l'application de l'article 41 de la Constitution, qui n'a jamais été véritablement mis en œuvre. De telles dispositions sont effectivement de nature à alléger le travail parlementaire.
En veillant à ne réduire en rien la qualité du travail parlementaire, nous devons continuer à réfléchir au temps de l'action, même si les résultats que nous avons obtenus en termes de production législative au cours des deux dernières années se révèlent satisfaisants : la plupart des textes de loi ont été adoptés en moins de 150 jours. Cependant, d'autres textes prennent plus de 300 jours, ce qui pose question. À l'opposé, la loi prorogeant l'application de la loi relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions a été adoptée en quelques jours seulement, ce qui était normal compte tenu des attentes de nos concitoyens.
Vous noterez avec moi, monsieur le sénateur, qu'un certain nombre de modes de fonctionnement de nos assemblées ne correspondent plus véritablement à une nécessité, voire peuvent aboutir à une forme d'usure du travail parlementaire. Malgré la révision constitutionnelle de 2008, une redondance persiste entre les travaux en commission et en séance plénière. En résultent de nombreux inconvénients, non seulement pour ce qui concerne le temps que les uns et les autres consacrent à ces discussions, mais aussi pour la qualité et la spontanéité du débat. Cette solennité répétitive n'est pas positive.
Nous devons, ensemble, continuer à réfléchir. C'est ce à quoi nous a invités le Président de la République, tout en fixant un certain nombre de sauvegardes, pour l'intensité de l'action de réforme dans ce pays !
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour la réplique.
M. François Pillet. Sans vouloir faire polémique, je constate que, lorsqu'on compare, d'un côté, la durée d'examen des projets de loi et, de l'autre, la durée d'élaboration des ordonnances et des décrets d'application, le résultat est toujours à l'avantage du Parlement.
J'ajoute que les réformes dites « sociétales », qui ont largement occupé la première moitié du quinquennat du Président de la République, ont toutes connu une application presque immédiate, alors que les dispositions d'ordre économique sont encore un peu à la traîne...
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.