M. Jean-Marie Bockel. Alors que le péril djihadiste se diffuse en Méditerranée, la question libyenne est plus que jamais préoccupante. Depuis près d'un an que Daech a pris Syrte, la situation de la population locale est dramatique. La menace, réelle et imminente, se propage à l'ensemble de la Libye.
Nous ne pouvons laisser prospérer un sanctuaire terroriste à quelques centaines de kilomètres des côtes européennes sans faire courir à nos populations un risque majeur. Le chaos libyen suscite, vous le savez, des flots immenses de réfugiés, avec leur lot de djihadistes infiltrés.
C'est une menace pour la France, pour l'Europe, mais aussi, au sud, pour l'Afrique, qui a déjà fort à faire avec AQMI et Boko Haram.
Plus que jamais une telle situation atteste l'importance de l'opération Sophia en Méditerranée, tout en en révélant aussi les limites. La question d'une intervention militaire, aérienne et au sol, est donc clairement posée : elle serait conduite sous l'égide de l'ONU et soutenue par des alliés européens, comme la France et l'Italie, dans le cadre de l'OTAN. Cette question est sur la table.
Depuis Rome, Laurent Fabius laisse entendre que « cette perspective n'est pas d'actualité ».
Je comprends, monsieur le secrétaire d'État, que la France soit en attente d'une demande du gouvernement libyen, en dépit de ses difficultés actuelles, pour prendre l'initiative d'une telle opération ou y participer. Je ne doute pas non plus qu'à ce stade, alors que cette crise est aux confins de la politique, de la défense et de la diplomatie, il soit difficile de donner des précisions.
Malgré tout, plusieurs questions se posent. Comment nous préparons-nous à cette perspective ? Avec qui et avec quels objectifs ? Le cas échéant, comment pourrions-nous nous engager sur un nouveau front, avec nos moyens budgétaires et opérationnels actuels ?
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, la Libye est une priorité pour notre diplomatie, en raison des risques pour la stabilité de la région et la sécurité internationale que vous venez de rappeler. Nous devons donc tout faire pour éviter que ce pays ne devienne une zone refuge pour Daech, qui perd du terrain en Syrie et en Irak.
Nous soutenons le processus politique en cours, qui doit parvenir d'urgence à l'installation d'un gouvernement d'union nationale.
Après la signature de l'accord de Skhirat, au Maroc, en décembre dernier, le Premier ministre désigné, M. el-Sarraj, a présenté un gouvernement. Il est regrettable que la chambre des représentants ait refusé d'accorder sa confiance à ce gouvernement d'union nationale. La Libye ne peut pas se permettre de continuer à avancer sans gouvernement. Une nouvelle liste de membres doit donc être soumise avant le 5 février et il est absolument crucial qu'elle permette un accord entre les Libyens.
De son côté, la communauté internationale doit se mobiliser pour appuyer les efforts du représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Kobler. Laurent Fabius s'est entretenu avec lui aujourd'hui même, à Rome.
Nous nous tenons prêts à adopter des sanctions contre ceux des Libyens qui continueraient de saper le processus politique mené sous l'égide de l'ONU. Nous travaillons sur ce sujet avec nos partenaires européens et américains. Cela passera également par la sécurisation des ressources financières et pétrolières de la Libye, car il faut empêcher que les terroristes ne mettent la main dessus...
Nous continuerons donc d'agir avec beaucoup de fermeté concernant la situation en Libye. C'est indispensable pour la stabilité de la région et la sécurité de l'Europe.
Comme l'a dit Laurent Fabius ce matin, vous l'avez d'ailleurs rappelé, toute autre perspective n'est pas d'actualité. Il faut une solution politique qui, sous l'égide des Nations unies, permette de rassembler l'ensemble des Libyens dans un gouvernement d'union nationale, avec le soutien de la communauté internationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends votre réponse. Vous ne pouviez en donner d'autres, dans le contexte actuel. Le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui évoque une « urgence politique », sait qu'il y aura inéluctablement l'obligation, à un moment ou à un autre, d'aller plus loin. Mais, aujourd'hui, il s'agit d'être prêts, et je ne suis pas sûr que nous le soyons !
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
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