M. Alain Houpert. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la situation économique de la France la place, comme l'a rappelé récemment l'un de vos ministres, dans le groupe des quatre pays européens qui ont détruit des emplois. Triste bilan !
Votre annonce du projet de loi sur le travail témoignait d'une réelle prise de conscience, celle de la nécessité de faire du travail le cœur du mérite républicain, de la nécessité de faire de la formation des apprentis une voie d'avenir. Vous avez aussi fait le constat de l'erreur des 35 heures.
Votre détermination paraissait sans faille. « J'irai jusqu'au bout ! » déclariez-vous il y a quelques jours sur les ondes. La promesse n'aura tenu que quatre jours…
Malgré une situation économique catastrophique, sous les pressions des syndicats et de la gauche conservatrice, vous n'avez fait qu'un pas en avant, avant d'en faire deux en arrière…
L'un de vos ministres, que vous identifierez peut-être, a fait la déclaration suivante dans le Journal du dimanche de ce week-end : « La France a l'habitude des projets lancés sur des enjeux réels, mais qui, mal emmanchés, finissent dans la crispation et l'omerta politique. »
Monsieur le Premier ministre, assisterons-nous, une fois de plus, à une reculade consistant à annoncer une réforme que vous prendrez soin de vider de son contenu ?
Si la loi Macron se résume à trois bus, deux dimanches et une attaque en règle contre les notaires, pour reprendre la formule d'un quotidien du soir, la loi El Khomri se résumera-t-elle à un compte Twitter ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. Didier Guillaume. Au Sénat, nous ne sommes pas là pour commenter les journaux, mais pour faire des propositions !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur Houpert, je vois que vous lisez les journaux du soir et du dimanche et que vous savez les commenter de manière circonstanciée... (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Emmanuel Macron, que vous avez cité sans le nommer, a eu raison d'insister sur le fait que nous n'avons pas encore tout essayé. Quand on fait face à un tel niveau de chômage, il faut agir sur tous les leviers.
Le chômage touche 3,5 millions de travailleurs, soit 10 % de la population active. Dans notre pays, il présente des caractéristiques très particulières et inquiétantes : son taux est deux fois plus élevé chez les jeunes - il atteint 24 % ; il n'est jamais descendu en dessous de 8 % depuis trente ans, même en période de forte croissance ; sa durée moyenne ne cesse de s'allonger, pour s'établir aujourd'hui à 540 jours.
Devant ce constat, plutôt que de s'invectiver et de se renvoyer les responsabilités, il faut agir sur tous les paramètres.
Il convient d'abord d'améliorer la compétitivité. Tel est le sens du CICE et du pacte de responsabilité et de solidarité, qui faisaient suite aux préconisations du rapport Gallois. Le différentiel avec l'Allemagne, en particulier depuis une quinzaine d'années, s'explique avant tout par un écart de compétitivité.
Il convient ensuite de conforter la formation et l'apprentissage. Hier, la ministre du travail a rencontré les présidents de région, qui auront davantage de responsabilités dans ce domaine. Il importe de mobiliser l'ensemble des acteurs afin d'accroître l'offre de formation, en particulier à destination des jeunes et des chômeurs de longue durée.
Enfin, il convient d'agir sur le marché du travail, pour prendre en compte les changements économiques que nous connaissons et donner plus de liberté, de souplesse, d'agilité aux entreprises, notamment petites et moyennes. J'observe d'ailleurs que celles-ci, où travaille l'immense majorité de nos concitoyens et qui sont le plus susceptibles de créer des emplois, n'ont pas nécessairement d'actionnaires, madame David ! Nous devons entendre les attentes des chefs d'entreprise.
Parallèlement, il nous faut aussi assurer aux salariés de nouvelles protections et de nouveaux droits à la formation tout au long de la vie. Les mesures figurant dans le projet de loi méritent d'être approfondies, à la suite des discussions qui ont eu lieu entre les partenaires sociaux sur le compte personnel d'activité.
Vous parlez de reculade, monsieur le sénateur, alors que je n'ai fait que me donner quelques jours de plus avant la présentation du texte en conseil des ministres, en particulier pour approfondir les échanges avec les partenaires sociaux !
Un sénateur du groupe Les Républicains. Pas sûr que ce soit la raison...
M. Manuel Valls, Premier ministre. À quelques jours près, le calendrier parlementaire prévu sera respecté. Nous souhaitons que la loi puisse être adoptée avant l'été, mais il ne s'agit ni de passer en force, ni de reculer.
Au fond, que certains demandent le retrait du texte et que d'autres invoquent à tort une reculade montre bien l'ampleur des blocages et des conservatismes qui existent dans notre pays, à gauche comme à droite !
Nous devons agir et avancer ensemble, en concertation avec les partenaires sociaux. Plus nos entreprises seront en mesure de recruter, mieux les salariés seront formés, plus il y aura de négociations au sein des entreprises - on voit bien que les négociations interprofessionnelles ou de branche ne suffisent pas -, meilleure sera la situation de l'emploi.
Je vous demande, monsieur le sénateur, de juger notre action sur les faits et sur le texte qui sortira du conseil des ministres et sera soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat. C'est en fonction de la réalité de ce que proposera le Gouvernement que chacun devra prendre ses responsabilités, et non pas sur la base de je ne sais quels procès d'intention !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour la réplique.
M. Alain Houpert. Monsieur le Premier ministre, vous venez de faire l'aveu de l'échec de votre politique ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Le bilan est simple : depuis quatre ans, vous n'avez engendré que du désespoir, qu'il s'agisse des agriculteurs, des médecins, des notaires, des gardiens de prison, des enseignants, des indépendants, et maintenant des salariés !
(Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
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