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Michel Mercier
Question d'actualité au gouvernement N° 801 au Premier Ministre


Coopération judiciaire à la suite des attentats de Bruxelles

Question soumise le 23 mars 2016

M. Michel Mercier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Comme tous les Français, aujourd'hui, nous nous sentons Bruxellois, tout comme, voilà quelques mois, les Belges se sentaient Français. En effet, que nous soyons à Bruxelles ou à Paris, nous sommes tous Européens, et c'est notre mode de vie qui a été attaqué.

Nous sommes par ailleurs heureux de constater, à travers les conférences de presse qui se sont déroulées à Bruxelles entre responsables français et belges ces deux derniers jours, que la coopération entre nos deux pays fonctionne et produit des effets.

Néanmoins, armer l'Europe – nous attendons, comme vous tous, les décisions du Parlement européen sur ce point – nécessite aussi que l'on arme notre pays lui-même. Je voudrais de ce point de vue rappeler que le Sénat a été présent à tous les rendez-vous que vous lui avez donnés, monsieur le Premier ministre.

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Michel Mercier. En 2012, nous avons voté la loi de lutte contre le terrorisme. À votre demande, nous avons ensuite adopté, en 2014, une nouvelle loi renforçant les moyens de la lutte antiterroriste. Nous avons enfin voté la loi relative au renseignement.

Nous avons voté ces textes sans éprouver d'autre sentiment que celui de faire notre devoir de Français, que nous appartenions à la majorité ou à l'opposition.

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. Michel Mercier. Nous ne demandions rien, nous n'attendions rien, nous voulions simplement que l'État soit efficace.

Voici quelques semaines, nous avons adopté, sur l'initiative de M. Philippe Bas, une proposition de loi visant à ouvrir les portes pour que la justice soit mieux armée contre le terrorisme. La semaine prochaine, nous commencerons l'étude d'un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, qui reprend certaines des propositions que nous avions formulées alors. Nous souhaitons sur ce point, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement fasse preuve d'ouverture et respecte le Sénat.

Nous ne demandons rien, sinon la possibilité, par notre travail commun, de rendre l'État plus efficace. Toutefois, nous souhaitons très vivement que cessent les attaques contre le Sénat, encore entendues ce matin, et que nous puissions, ensemble, travailler pour la République.
(Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. Roger Karoutchi. Vous avez raison !

Réponse émise le 23 mars 2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, cher Michel Mercier, vous nous demandez au fond si nous aimons le Sénat. Et vous nous en demandez des preuves... (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Gournac. Des preuves d'amour !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous nous demandez également si nous pouvons continuer à travailler ensemble.

Oui, bien sûr ! En l'occurrence, il ne s'agit pas d'amour, même si j'ai beaucoup d'affection et d'amitié pour vous ; il s'agit plutôt de respect de nos institutions. Chacune de nos deux assemblées se voit assigné par la Constitution des responsabilités et des prérogatives propres.

Bernard Cazeneuve et moi-même, quand j'occupais la fonction de ministre de l'intérieur, avons proposé au Parlement des lois de lutte contre le terrorisme, en 2012, puis en 2014. Dans les deux cas, alors que rien dans la Constitution ne nous y obligeait, puisque le vote conforme des deux assemblées n'était pas requis, nous avons ensemble tenu à rassembler autour de ces textes une très large majorité de députés comme de sénateurs. La première de ces lois avait d'ailleurs été examinée d'abord par le Sénat.
(M. Jacques Mézard acquiesce.)

De même, le Sénat a apporté son regard propre et ses propositions, respectueuses du droit, sur la loi relative au renseignement.

Enfin, on peut mentionner la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne, qui donne plus de pouvoir aux forces de sécurité, mais aussi aux magistrats, là encore dans le respect de l'État de droit et de nos libertés. Une très large majorité a été trouvée à l'Assemblée nationale pour soutenir ce texte. En outre, les propositions adoptées en première lecture par le Sénat, notamment sur l'initiative de M. Philippe Bas, ont trouvé à l'Assemblée nationale un écho plus que positif.

Oui, nous pouvons travailler ensemble, et ce tout particulièrement lorsqu'il s'agit de la lutte contre le terrorisme et de la protection de nos concitoyens. Par conséquent, sur tous ces sujets, le Gouvernement se montre disponible pour travailler avec le Sénat et, plus largement, avec la majorité comme avec l'opposition des deux assemblées.

Il reste évidemment la révision constitutionnelle ; j'ai répondu tout à l'heure à Gérard Longuet sur ce sujet. Encore une fois, monsieur le sénateur, j'ai pour ma part la conviction que les Français attendent que nous soyons capables de nous rassembler !
(Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Charles Revet. C'est ce que nous avons fait !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce rassemblement s'impose, à la suite non seulement du discours du Président de la République du 16 novembre dernier, mais aussi du vote de l'Assemblée nationale sur la révision constitutionnelle. Ce vote a vu les familles politiques se diviser, mais il a aussi vu une majorité des trois cinquièmes se constituer sur une proposition.

Vous venez de vous prononcer sur un texte. Sur l'article 2 de ce projet de loi constitutionnelle, même si je crois qu'il existe des possibilités d'accord sur les principaux objectifs, il reste incontestablement du chemin à faire.

Pour trouver un accord, il faut que chacun veuille bien avancer. Le Gouvernement est prêt à le faire, l'Assemblée nationale le devra aussi. Quant au Sénat, même si son vote est tout frais, je ne doute pas qu'il voudra avancer.

Selon moi, nos compatriotes attendent que nous disions clairement si nous considérons que celui qui prend les armes contre ses propres compatriotes et nos valeurs partagées peut rester français ou non, selon des procédures prévues par la Constitution et par la loi. Voilà la réponse qu'ils attendent !

Par cette réponse, nous ferons ensemble la démonstration non seulement de notre volonté de travailler de concert, mais surtout de la volonté d'union qui nous rassemble, monsieur le sénateur.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Alain Bertrand applaudit également.)

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