M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Les attentats perpétrés ce matin à Bruxelles nous ont de nouveau plongés dans l'horreur : horreur pour le peuple bruxellois, horreur également pour l'ensemble du peuple européen. Comme bon nombre de mes collègues, mes premières pensées vont aux victimes et à leurs familles.
Face à cette horreur, il est plus que jamais nécessaire de poser les bonnes questions. La plus importante a d'ailleurs déjà été évoquée par certains d'entre nous : il s'agit du dossier du PNR. Ce fichier d'identification doit dresser la liste de toutes les personnes utilisant les transports aériens dans l'espace européen et organise des échanges d'informations avec nos partenaires américains.
Or ce dossier, monsieur le Premier ministre, fait depuis exactement sept ans l'objet de notre travail. Le premier d'entre nous à s'être penché sur cette question n'était d'ailleurs autre que Robert Badinter.
Ce projet a reçu l'assentiment, voilà quelques semaines, de la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen, par 38 voix contre 19 et 2 abstentions. Néanmoins, il n'a malheureusement pas pu être inscrit à l'ordre du jour de la session plénière, tout simplement parce qu'une fraction d'élus, issus tant de l'extrême droite que de l'extrême gauche et de quelques autres tendances politiques, a refusé cette inscription. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Ce n'est pas acceptable !
Mme Éliane Assassi. C'est la démocratie !
M. Jean Bizet. Une majorité d'États membres ont élaboré des PNR nationaux, mais cela se révèle insuffisant : il faut que ces différents registres soient connectés entre eux.
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !
M. Jean Bizet. Voici ma question : monsieur le Premier ministre, quand allez-vous entamer un dialogue avec les élus qui refusent l'inscription du PNR à l'ordre du jour du Parlement européen ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je profiterai tout d'abord de l'occasion qui m'est offerte par votre question pour apporter une information au Sénat : l'OFPRA a tout à fait l'intention d'appliquer l'accord avec la Turquie, et ce qui a été dit à ce sujet aujourd'hui dans cet hémicycle n'est pas exact. Je tiens d'ores et déjà à remettre les choses au clair ; le directeur de l'OFPRA aura par ailleurs l'occasion de s'exprimer pour rappeler la position de l'Office. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
En ce qui concerne le PNR, il nous faut être très précis. En février 2015, c'est-à-dire un mois après les premières attaques de Paris, j'ai rencontré les membres de la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen. Depuis des mois, cette commission refusait d'avancer sur ce sujet, en raison notamment de sa légitime préoccupation quant à la compatibilité du PNR avec la protection des libertés publiques.
J'ai alors engagé, de concert avec les autres ministres de l'intérieur de l'Union européenne, notamment avec mon collègue allemand Thomas de Maizière, un travail approfondi et de longue haleine, consistant à rencontrer l'ensemble des parlementaires européens, afin de les convaincre. Les ministres des affaires européennes se sont également mobilisés, et nous avons ainsi obtenu un accord, qui a été acté au mois de décembre dernier dans le trilogue entre la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen.
Cet accord, outre la création d'un PNR européen, entérinait la prise en compte des vols charters, ce qui est très important pour lutter contre le terrorisme, et des vols intraeuropéens. Il devait permettre une conservation de cinq ans des données en question. Enfin, il instaurait une durée de masquage de six mois ; notre demande était d'un an, mais nous avons accepté ce compromis. Cet accord devait conduire à l'adoption définitive de ce dispositif vers la fin de l'année 2016.
Or, quand nous avions obtenu un accord sur ces points dans le trilogue, le Parlement européen n'a pas accepté d'inscrire ce texte à l'ordre du jour de la session en cours.
Cette position pose un réel et sérieux problème compte tenu du niveau de risque terroriste auquel nous sommes confrontés. En effet, le PNR constitue la seule possibilité d'établir la traçabilité du retour sur le sol européen des terroristes qui empruntent des vols en provenance de la Turquie à destination de l'Europe.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ne pas mettre en place cette mesure, c'est nous condamner à demeurer longtemps encore aveugles face au terrorisme : ce n'est pas responsable au vu de la menace à laquelle nous faisons face.
M. Éric Doligé. C'est sûr !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Voilà la raison pour laquelle nous reprenons notre bâton de pèlerin, afin de convaincre les députés européens.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean Bizet. Très bien !
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