M. Michel Amiel. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la crise qui frappe le Haut-Karabagh. Cette crise réveille les blessures d'un conflit qui, dans les années quatre-vingt-dix, avait fait pas moins de 30 000 morts.
Les affrontements qui ont débuté dans la nuit du vendredi 1er avril opposent les forces azerbaïdjanaises et arméniennes. Les premiers bilans humains laissent craindre une reprise durable du conflit pour le contrôle de cette partie montagneuse du Caucase, à fort enjeu politique, stratégique pour l'acheminement des hydrocarbures, et peuplée par 150 000 personnes environ, majoritairement des Arméniens. L'escalade militaire dans cette région intervient à un moment où la Russie et la Turquie sont en pleine crise diplomatique.
Cela fait près de vingt-deux ans maintenant que, dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, vingt-deux pays au sein du groupe de Minsk, coprésidé par la France, les États-Unis et la Russie, cherchent une issue à ce conflit.
Alors même que sont réunis aujourd'hui à Vienne des médiateurs pour essayer d'arriver à une solution et qu'un cessez-le-feu aurait été trouvé en ce début d'après-midi, je souhaiterais connaître votre sentiment, monsieur le ministre.
Le représentant du Haut-Karabagh en France a déclaré : « Aujourd'hui, nous sommes à une telle escalade qu'il ne suffit plus de se contenter d'appels pour revenir au calme. Il faut absolument prendre des mesures sérieuses et concrètes, pour contraindre le pouvoir du régime azerbaïdjanais à cesser cette attaque, cette offensive et surtout ces bombardements sur les villes. »
Dois-je rappeler le triste bilan de l'Azerbaïdjan dans nos efforts de rapprochement : suspension des négociations pour un accord d'association avec l'Union européenne en 2014, fermeture du bureau de l'OSCE à Bakou en 2015 ?
Ainsi, monsieur le ministre, je me dois de vous demander quelle est, au-delà de la posture convenue d'appel à un cessez-le-feu, la position de la France dans ce conflit. Quelles initiatives concrètes le gouvernement français compte-t-il prendre à travers le groupe de Minsk ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC.)
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison de souligner le caractère extrêmement grave des affrontements qui ont repris vendredi soir au Haut-Karabagh.
La France, vous l'avez rappelé, joue un rôle particulier dans ce conflit. En tant que coprésidente du groupe de Minsk de l'OSCE, aux côtés de la Russie et des États-Unis, elle a en charge la tentative d'une solution de paix entre l'Azerbaïdjan et le Haut-Karabagh. Elle suit donc avec une très grande attention l'évolution de la situation.
Toutes les autorités de l'État sont mobilisées. Dès samedi, le Président de la République a appelé au cessez-le-feu. Jean-Marc Ayrault s'est également entretenu samedi avec son homologue arménien, puis avec son homologue azerbaïdjanais. Il a insisté sur le fait que ce conflit ne pouvait être résolu par la force et qu'un retour rapide à la table des négociations était indispensable.
M. Alain Néri. Et urgent !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Ces démarches ont déjà produit leurs premiers effets. Il était bel et bien urgent que cessent des affrontements meurtriers.
Un cessez-le-feu a été annoncé. La France demande à ce qu'il soit entièrement, intégralement respecté.
M. Alain Néri. Très bien !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Les parties au conflit ont accepté de recevoir les médiateurs du groupe de Minsk, qui se rendent sur place aujourd'hui même. Ils seront à Bakou ce soir, puis ils iront à Stepanakert et à Erevan.
Parallèlement, l'OSCE est saisie à Vienne. Nous sommes en contact étroit avec l'Allemagne, qui préside actuellement cette organisation. Jean-Marc Ayrault s'entretient du reste en ce moment même avec son homologue allemand, qui est en visite à Paris.
Notre mobilisation est la hauteur de la gravité de l'enjeu.
Le Président de la République ne ménagera aucun effort. Il a déjà accueilli le président azerbaïdjanais Aliyev et le président arménien Sarkissian à Paris, et il a indiqué qu'il était disposé à les recevoir de nouveau.
M. Jean-François Husson. Il est sur tous les fronts !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Notre mobilisation est indispensable. On ne peut pas parler de « conflit gelé » à propos d'un affrontement qui a fait des milliers de victimes depuis près de trente ans. On ne peut laisser perdurer indéfiniment un foyer de déstabilisation potentielle dans une région qui est déjà en proie à de graves instabilités.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Notre engagement est constant. Il est clair. Il a pour base les principes dits « de Madrid » : le non-recours à la force, le respect de l'intégrité territoriale des États et le droit à l'autodétermination des peuples. J'insiste sur ce point, car c'est là la condition d'une paix durable dans la région.
(Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Néri. Bravo !
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