M. Philippe Esnol. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne les difficultés d'accès aux documents relatifs au TAFTA, le traité de libre-échange transatlantique, en cours de négociation entre l'Union européenne et les États-Unis.
Je dois le dire, l'opacité régnant dans la négociation de cet accord commercial majeur, qui promet d'avoir des conséquences importantes sur de nombreux secteurs de notre économie et dont on sait qu'il inquiète l'opinion publique, me paraît proprement scandaleuse.
Trouvez-vous normal que tout parlementaire souhaitant prendre connaissance de l'avancée de la négociation, et consulter les documents afférents, soit contraint d'accomplir ce qui s'apparente à un véritable parcours du combattant ?
En effet, il faut tout d'abord prendre rendez-vous auprès du secrétariat d'État aux affaires européennes pour espérer être conduit, seul, dans la salle spéciale où sont précieusement conservés les documents.
Puis les choses se corsent. On apprend qu'aucune prise de notes n'est autorisée. Pire, si vous ne maîtrisez pas l'anglais comme si vous pouviez l'enseigner, passez votre chemin, car aucune traduction n'est proposée et il est impossible de se faire assister !
Je ne doute pas que bon nombre de mes collègues affectionnent et pratiquent la langue de Shakespeare, mais il s'agit ici d'un anglais technique, dont il faut saisir toutes les subtilités.
Aussi, monsieur le ministre, les mauvais esprits pourraient voir dans cet état de fait une volonté manifeste de décourager et de maintenir le secret. Que comptez-vous faire pour y remédier et restaurer la transparence que les Français sont en droit d'attendre sur un sujet de cette importance ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC. – MM. Jacques Legendre et Philippe Bas applaudissent également.)
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie. Monsieur le sénateur, je vous prie d'abord d'excuser l'absence de mon collègue Matthias Fekl, en déplacement en Russie.
Vous avez raison, l'opacité dans laquelle se déroulent ces négociations ne correspond pas à notre conception de la démocratie ni aux temps que nous vivons. En effet, la transparence dans les négociations commerciales est indispensable pour garantir la légitimité d'accords éventuels.
C'est pourquoi le gouvernement français n'a pas cessé de dénoncer cette opacité et a fait de la transparence une des priorités dans la négociation.
Depuis le début de l'année, une salle de lecture des documents relatifs au Transatlantic Trade and Investment Partnership, ou TTIP, est ouverte au Secrétariat général des affaires européennes et les parlementaires ont accès aux comptes rendus exhaustifs mais aussi aux documents consolidés.
Initialement, les États-Unis refusaient qu'un accès soit ouvert aux parlementaires à Paris, dans une administration nationale et ils voulaient contraindre les membres du Gouvernement comme les parlementaires à se rendre à l'ambassade américaine pour consulter les documents. C'était évidemment inacceptable, et nous l'avons refusé.
Nous avons conscience que les conditions d'accès au secrétariat général des affaires européennes ne sont pas encore idéales et restent contraignantes. Nous travaillons à les améliorer, mais elles sont identiques pour tous les parlementaires des pays d'Europe.
J'ajoute que de nombreuses informations relatives aux négociations ont été mises en ligne sur le site du ministère des affaires étrangères et du développement international, qui a été totalement rénové dans sa partie consacrée aux négociations commerciales.
Enfin, le Gouvernement a mis en place en 2013 un comité de suivi stratégique de la politique commerciale, pour associer les parties prenantes. À l'origine, il s'agissait des élus de la Nation et des fédérations professionnelles ; désormais, les représentants de la société civile, les syndicats et les ONG sont également concernés.
Tous ces efforts resteront vains, pour autant, si nos partenaires américains ne s'engagent pas, eux aussi, dans cette démarche de transparence. Or les premiers résultats du treizième cycle de négociations, qui s'est achevé à New York le 29 avril, indiquent que le changement d'état d'esprit des Américains n'est pas à l'ordre du jour.
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, la position de la France est claire et constante : il n'est pas question, sous prétexte d'accélérer les négociations, de signer n'importe quel accord dans n'importe quelles conditions pour signer à tout prix.
C'est la raison pour laquelle la France ne soutiendra pas un accord qui se ferait au détriment de notre économie et de nos principes.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol, pour la réplique.
M. Philippe Esnol. We're lost in translation! Such is life!
(Sourires. - Applaudissement sur plusieurs travées.)
M. Jean-Jacques Lasserre. Et la traduction ?
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