M. Yvon Collin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Cela fait plus d'un an que le marché du lait est confronté à une crise de surproduction dont on ne parvient pas à sortir. Nous en connaissons les causes : la fin des quotas laitiers, la contraction de la demande mondiale ou encore l'embargo russe. Résultat : les cours se maintiennent à un niveau extrêmement bas et les producteurs de lait sont dans des situations financières de plus en plus insoutenables.
Malgré le plan national de soutien à l'élevage, malgré la tentative européenne de rééquilibrer le marché du lait, les éleveurs perdent confiance et craignent pour l'avenir de leur profession.
Nous connaissons tous ici des éleveurs et nous sommes nombreux à les rencontrer régulièrement. Nous savons les efforts qu'ils ont consentis pour adapter leur outil de production aux nouvelles contraintes du marché. Au bout du compte, pour quel avenir ?
Le prix du lait ne cesse de baisser, si bien qu'il se situe depuis deux ans largement en deçà du seuil de rentabilité. Aujourd'hui, le litre de lait est acheté autour de 26 centimes. À ce prix, il est impossible pour de très nombreux producteurs, non seulement de gagner leur vie, mais aussi de préserver leur outil de travail, leur exploitation, ce qui entraîne, en plus des problèmes humains, des risques de cessation d'activité et de désertification rurale.
Pourtant, des marges se consolident à long terme, mais, hélas ! seulement à l'autre bout de la chaîne, jamais chez le producteur !
Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement cette question, vous savez que cette situation ne peut plus durer. Je reconnais que vous n'avez pas ménagé vos efforts, mais il faut persévérer. De nouvelles mesures sont en préparation et des décisions importantes devront être prises la semaine prochaine, à l'occasion du conseil des ministres européens de l'agriculture.
Quelle est la position de la France et quelles sont les propositions concrètes que vous entendez faire, monsieur le ministre, pour permettre une remontée des cours ? Comment comptez-vous convaincre nos partenaires, notamment ceux du Nord, de jouer le jeu de la solidarité européenne ? Enfin, ne faut-il pas envisager à court ou moyen terme le rétablissement des quotas laitiers ?
(Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la crise laitière, ses conséquences pour les éleveurs laitiers et le niveau de prix du lait, lequel est aujourd'hui celui que vous avez indiqué. De nombreuses exploitations laitières sont en effet en grande difficulté.
Je ne peux pas ne pas rappeler que cette crise est liée à la fin des quotas laitiers, qui a entraîné une explosion de la production laitière à l'échelle européenne, voire mondiale. Ainsi, nous avons déjà dépassé les 220 000 tonnes de poudre de lait stockée depuis le début de l'année, et les stocks continuent de croître.
Dès lors, il importe de maîtriser la production, d'éviter de continuer à produire pour alimenter des stocks qui, un jour, pèseront aussi sur le marché. Puisque la demande n'est pas là, il faut limiter l'offre.
Des points importants ont été marqués. La France avait proposé, dès le début de l'année, que soit appliqué l'article 222 du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, sur la maîtrise de la production volontaire. La Commission européenne en a accepté le principe, sans toutefois engager des mesures pour en permettre la mise en œuvre.
Un « triangle de Weimar », c'est-à-dire une rencontre entre la France, l'Allemagne et la Pologne, a débouché sur un texte où les trois pays - c'est très important, l'Allemagne ayant évolué sur le sujet - s'engagent maintenant à demander à la Commission européenne des moyens permettant de mettre en œuvre cette maîtrise de la production.
Ce matin, j'ai rencontré - à sa demande, et je voulais en faire l'annonce devant votre assemblée - le ministre de l'agriculture de Bavière. Cela peut paraître anecdotique, mais c'est très important. La Bavière est un Landqui compte en matière de production de lait. Le ministre bavarois m'a confirmé que les ministres de l'agriculture des Länder souhaitaient unanimement la mise en œuvre de la position française. Il m'a donc confirmé ce matin que nous étions sur la même ligne et que l'ensemble des ministres allemands de l'agriculture, avec le ministre fédéral d'ailleurs, rencontreraient la Commission européenne avant le conseil des ministres, le 15 juillet, puisqu'il y aura un conseil des ministres aussi le 18 juillet, de manière que l'Allemagne, forte de tous ses Länder, pèse en faveur de la mise en œuvre d'une maîtrise de la production.
Est-ce un retour aux quotas ? Il sera difficile de le dire, mais si nous gagnons cette étape majeure, nous aurons marqué un point vers le redressement du marché qu'attendent de nous les exploitants agricoles laitiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. - Mme Corinne Bouchoux applaudit également)
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