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Stéphanie Riocreux
Question d'actualité au gouvernement N° 955 au Premier Ministre


Démantèlement du camp de Calais et accueil des réfugiés

Question soumise le 30 septembre 2016

Mme Stéphanie Riocreux. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République s'est rendu à Calais lundi dernier. Conformément à l'engagement qu'il avait pris au début de l'été, il y est venu avec une solution à la situation dramatique qu'y connaissent les réfugiés, les habitants et les acteurs économiques, mais aussi les personnels des services de l'État et les membres des associations, que je tiens à saluer, comme, je pense, chacun d'entre nous, car ils œuvrent dans des conditions humainement très éprouvantes face à une urgence unique sur notre territoire.

Pour autant, ne commettons pas l'erreur consistant à amalgamer toutes les informations dramatiques : à Calais, il n'y a pas des millions d'immigrés économiques ou de djihadistes fanatiques venus détruire notre pays ! Au contraire, il y a à Calais 7 000 personnes, dont près d'un millier de mineurs isolés, qui fuient justement des zones de conflits où elles sont exposées directement au fanatisme.

Je me souviens d'un slogan de campagne : « La France forte ». Pour moi, la France forte n'est pas celle qui tremble, oublie ses engagements et se cache des réalités, mais celle, fraternelle et responsable, qui sait faire face, réfléchir et se mobiliser !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Didier Guillaume. Bravo !

Mme Stéphanie Riocreux. Ceux qui, au mépris des solutions qu'appelle la France humaniste et responsable, exploitent politiquement le problème que représente la concentration des migrants sur un espace réduit ne représentent pas tout leur bord politique.

Le Président de la République a promis la seule solution possible : le démantèlement rapide des campements.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Il ne s'agit pas de déplacer le problème, comme on le fit avec Sangatte, en des temps du reste moins difficiles. Il y a un rapport de cinq communes pour un migrant pour être solidaire avec Calais. Je ne doute pas des bonnes volontés des élus et des habitants des collectivités territoriales pour accueillir.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Stéphanie Riocreux. Le Président de la République a pu le constater, notamment lors de sa venue en Indre-et-Loire, au cours de laquelle il a rencontré de jeunes demandeurs d'asile, pour la plupart étudiants dans leur pays d'origine.
(Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

J'en viens à ma question. (Ah ! sur les mêmes travées.) Chacun se demande comment le Gouvernement entend procéder, selon quelles modalités, avec quelle participation de l'État et quelles perspectives à long terme.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Réponse émise le 30 septembre 2016

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme vous l'avez rappelé, madame Riocreux, le Président de la République s'est déplacé à Calais lundi dernier. Il a non seulement confirmé ce que le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, avait déjà annoncé, mais aussi rappelé, fort justement, à quel point le règlement de ce dossier complexe requiert de la maîtrise, de la responsabilité et du sang-froid.

Le campement de Calais sera définitivement démantelé d'ici à la fin de l'année. Il est hors de question de laisser perdurer ce qu'on appelle la jungle, qui place près de 9 000 réfugiés, hommes, femmes et enfants, dans une situation de précarité extrême et de grande détresse, les exposant aussi à la violence. C'est une nécessité d'un point de vue sanitaire et humain. C'est également notre responsabilité vis-à-vis des habitants de Calais et de la région, mais aussi des entreprises et des commerçants, que le Président de la République a rencontrés et dont les élus de la ville et de la région se font régulièrement l'écho ; eux aussi subissent une situation inacceptable.

Le Gouvernement mobilisera toutes ses forces pour parvenir à ce résultat en bon ordre, en bonne intelligence, avec détermination et sans précipitation.

Rien ne serait pire que de disperser les réfugiés de Calais en laissant le hasard décider de leur sort. Ce sont alors, vous le savez, les réseaux de passeurs qui auraient la main. Je le dis clairement : ce ne peut pas être le choix de l'État, du Gouvernement et de tous ceux qui suivent avec intelligence ce dossier.

L'alternative que nous mettrons en œuvre est claire. Les migrants qui ne relèvent pas de l'asile seront placés en centre de rétention en vue d'être reconduits à la frontière. Je rappelle que, par ailleurs, 40 000 personnes se sont vu refuser l'entrée sur notre territoire depuis que nous avons rétabli le contrôle des frontières. Quant aux réfugiés qui relèvent de l'asile – ils représentent 80 % des personnes présentes à Calais, telle est la réalité –, ils seront répartis dans les 160 centres d'accueil et d'orientation ouverts en France, afin que leur demande soit traitée.

M. Ladislas Poniatowski. Ils retourneront tous à Calais !

Mme Stéphanie Riocreux. C'est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J'ai visité ce matin à Épernay, en compagnie du maire, un centre d'accueil et d'orientation qui a déjà accueilli et accueille des réfugiés de Calais. Nombre d'entre eux ont déjà bénéficié de l'asile et, munis d'un titre de séjour, entrent dans un processus d'intégration et, bien sûr, d'apprentissage du français. J'ai notamment rencontré une famille érythréenne, qui a bénéficié de ces dispositifs.

Il y a là la démonstration que, avec une politique différente de celle de l'Allemagne – j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer –, nous mettons en œuvre le droit d'asile, droit universel qui est à l'honneur de notre pays et qu'il faut appliquer. Que ceux qui ne sont pas d'accord pour mettre en œuvre ce droit universel le disent ! En ce qui me concerne, j'affirme que le droit d'asile sera appliqué, parce que c'est l'honneur de la France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai ressenti une très grande émotion en voyant ces familles bénéficiaires du droit d'asile qui seront intégrées dans notre pays, comme d'autres depuis des décennies.

M. Didier Guillaume. C'est la France fraternelle !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut prêter une attention particulière aux mineurs isolés, qui sont aujourd'hui entre 900 et 1 000. Il y a dans cet hémicycle des présidents de conseil départemental, qui connaissent bien ce problème source de tensions. Sur ce sujet comme sur d'autres, il appartient aussi au Royaume-Uni d'assumer pleinement ses responsabilités ; le ministre de l'intérieur l'a dit à son homologue britannique.

Enfin, je sais pouvoir compter sur le sens des responsabilités et l'esprit de solidarité de nombreux maires de toutes les familles politiques et de tous les territoires, comme depuis le début de cette crise migratoire. Bien entendu, nous tiendrons compte des efforts déjà réalisés, afin que ceux qui font preuve de solidarité et qui s'engagent ne soient pas concernés par les arrivées supplémentaires.

Nous devons être attentifs à la concertation et à l'information pour que les réfugiés puissent être accueillis dans des centres tels que celui que j'ai visité ce matin : des centres à taille humaine, qui permettent aux travailleurs sociaux, aux associations et à tous les opérateurs, parmi lesquels Adoma, d'accomplir leur travail dans les meilleures conditions possibles. C'est ainsi que nous serons à la hauteur de la tradition de la France !

Le nombre annuel des demandes d'asile est passé en cinq ans de 60 000 à 90 000, peut-être 100 000 d'ici à la fin de cette année. Malgré la crise des réfugiés, l'augmentation est donc de 30 %, soit un pic d'une ampleur que nous avons déjà connue. En Allemagne, les demandeurs d'asile sont 1,5 million !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que nous sommes capables de faire face à ce défi avec fermeté et humanité, avec intelligence et sans céder au populisme. Soyons fiers d'être français et républicains en accomplissant ce travail !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

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