M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre de l'intérieur, depuis quinze jours, la police manifeste, certes, en raison des problèmes d'effectifs – point qui fait d'ailleurs débat entre vous et la Cour des comptes. Mais ces problèmes d'effectifs sont surtout liés au fait que, avec l'état d'urgence, le plan Vigipirate, la mission Sentinelle, de plus en plus de contraintes pèsent sur la police.
M. Jean-Louis Carrère. Vous aviez supprimé beaucoup de postes !
M. Roger Karoutchi. Au-delà des problèmes d'effectifs se posent des problèmes d'équipements, des problèmes de droit.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Roger Karoutchi. Les policiers s'interrogent, notamment sur la légitime défense, lorsque les malfrats, les assassins, les délinquants se permettent d'attaquer au cocktail Molotov des voitures de police.
M. Bruno Sido. Honteux !
M. Roger Karoutchi. Les policiers ont aussi le sentiment que, s'ils ont le soutien de l'opinion publique, ils n'ont pas toujours celui de leur hiérarchie, voire celui des autorités publiques.
Si le malaise est matériel, concerne la capacité à assurer la sécurité, l'équipement, il est aussi d'un autre ordre : eu égard à la mission de service public que rendent les policiers, ils voudraient que cette mission soit reconnue, recentrée, que la chaîne pénale suive. Peut-on continuer d'affirmer qu'il y a une police de la République quand elle n'est pas pleinement soutenue au moment où l'ensemble des Français est confronté à d'aussi grandes difficultés ?
Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez, avec le Président de la République, engagé un dialogue ; pouvez-vous nous dire, au-delà des éléments matériels, comment, à propos de la légitime défense, de l'ensemble des problèmes de considération de la police, vous comptez réagir ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, merci pour votre question.
En effet, vous avez raison, la police, qui est confrontée à des formes de violence de plus en plus radicales et abjectes, souffre de ces violences et a le sentiment de ne pas être considérée à la hauteur de son investissement quotidien.
Je le dis avec gravité : les affiches qui laissent penser que la violence est consubstantielle à la police, les tags comme ceux que j'ai aperçus dans le XIIe arrondissement – « Derrière chaque policier, il y a un cœur, c'est là qu'il faut tirer », pouvait-on lire – m'inspirent un profond dégoût. J'exprime une condamnation absolue de ces écrits et de ceux qui font preuve d'une telle violence verbale, d'une telle irresponsabilité.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Monsieur le sénateur, nous souffrons aujourd'hui de vivre dans une société où la notion de respect, au fil des années et depuis longtemps, s'est progressivement effacée. Qu'il s'agisse du respect que l'on doit à celui qui porte l'uniforme et qui incarne le droit, du respect que l'on doit au maître d'école, du respect que l'on doit aussi à ses aînés, il faut remettre cette notion au cœur de la société.
Sur les questions que vous évoquez – légitime défense, anonymisation, harmonisation des peines en cas d'outrage à agent des forces de l'ordre ou d'outrage à magistrat –, des dispositions législatives seront présentées au Parlement à la fin du mois de novembre, de manière que ces questions soient définitivement réglées. J'en ai pris l'engagement devant les policiers : il sera tenu.
Par ailleurs, des problèmes matériels existent, on ne peut pas les nier. Les véhicules, les armes, les locaux sont souvent trop anciens ou vétustes. Il est donc nécessaire de remettre à niveau les effectifs et les matériels. C'est ce que nous nous employons à faire depuis maintenant quatre ans. Il faut accélérer ce processus, car les missions des policiers sont trop difficiles pour qu'elles ne soient pas accompagnées. C'est la raison pour laquelle, en plus de l'augmentation prévue dans le projet de budget pour 2017 de 843 millions d'euros des crédits du ministère de l'intérieur, il a été décidé, hier, de consentir un effort supplémentaire pour que, sur tous ces sujets, les choses progressent.
En conclusion, monsieur le sénateur, il ne vous a pas échappé qu'une période politique particulière s'ouvre. Pour des raisons qui tiennent au profond respect que j'ai pour les policiers et les gendarmes, dont je sais la charge, je me refuserai totalement, dans les mois qui viennent, à entretenir des polémiques indignes de leur mérite.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu. Rendez-vous fin novembre pour que ces propositions deviennent des actes concrets, car les policiers le méritent.
Je veux enfin exprimer le soutien que mon groupe, et certainement le Sénat tout entier, apporte à l'ensemble des forces de police, sans lesquelles il n'y aurait pas de République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
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