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Nicole Duranton
Question d'actualité au gouvernement N° 1020 au Premier Ministre


Démantèlement de la Lande de Calais

Question soumise le 4 novembre 2016

Mme Nicole Duranton. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Le démantèlement de la « jungle » de Calais, annoncée comme une réussite, peut parfois laisser perplexe. C'est le cas dans mon département de l'Eure. Plus de cent migrants ont été déployés la semaine dernière dans différentes communes, ce qui a provoqué délires et hystéries à Perriers-la-Campagne, commune rurale de 400 habitants.

Mme Éliane Assassi. Il fallait les prévenir !

Mme Nicole Duranton. Le maire a été mis devant le fait accompli en quarante-huit heures par la préfecture, sans aucune concertation et dans une improvisation totale. Il aurait apprécié un peu plus de considération ! Pas le temps pour lui de s'organiser et d'informer sa population. Il a été pris à partie et menacé de mort par certains de ses concitoyens.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Le lieu d'accueil, sommaire, s'est avéré incompatible avec l'hébergement des migrants. Ils ont été déplacés vers d'autres communes, qui rencontrent évidemment les mêmes problèmes. Certains migrants se sont volatilisés dans la nature sans qu'aucune action ait été engagée pour les rechercher.

Monsieur le ministre, avez-vous conscience des conséquences d'une telle improvisation, tant auprès des élus locaux, de la population que des migrants eux-mêmes ? Quel sort comptez-vous réserver aux migrants qui, à peine installés, sont déjà repartis ? N'y a-t-il pas le risque de voir se constituer de nouvelles jungles, comme dans le quartier de Stalingrad, à Paris ?
(Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

Réponse émise le 4 novembre 2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je comprends vos préoccupations, madame la sénatrice.

Hier, lorsque j'ai reçu le président de l'ADF, Laurence Rossignol le rappelait à l'instant, et le premier vice-président délégué de l'AMF, nous avons fait le point avec les ministres concernés, Bernard Cazeneuve, Jean-Jacques Urvoas, Emmanuelle Cosse et Laurence Rossignol, concernant l'organisation de l'accueil des familles, des majeurs et des mineurs.

Mais enfin, reprenons objectivement les choses ! L'Allemagne, c'est son choix, a accueilli dans des conditions particulières 1,5 million de migrants. La France, cinquième puissance mondiale, peuplée de 66 millions d'habitants, ne serait pas capable de régler le problème insupportable de Calais, insupportable pour les réfugiés eux-mêmes, qui y vivaient dans des conditions indignes, comme pour les populations du Pas-de-Calais ou du Nord, qui en subissaient les conséquences ? Elle ne serait pas capable de répartir sur son territoire 5 000, 6 000 ou 7 000 personnes dans des conditions dignes de ce nom et conformément à ses valeurs ?

Ce campement, cette « jungle » comme on l'appelle, nous devions y mettre fin. Cette opération a été menée avec professionnalisme par les services de l'État – l'OFII, l'OFPRA, la préfecture –, avec le soutien la plupart du temps des associations et des ONG et grâce à l'accueil des maires, que j'ai salués hier. Certes, il y a pu y avoir ici ou là un problème d'information, mais tout de même ! Quel visage la France doit-elle montrer au monde ? Nous devons montrer notre capacité à remplir notre devoir, celui d'accueillir ceux qui fuient la guerre, la torture, les persécutions.

Les discussions avec nos amis britanniques sont parfois tendues, mais ils ont enfin décidé d'accueillir plusieurs centaines de mineurs présents à Calais. C'est un engagement qu'il faudra suivre de près.

La situation que connaît Paris n'est pas liée à celle de Calais. Elle découle de la situation migratoire en Europe. Regardez ce qui se passe en Italie, où 25 000 à 30 000 personnes arrivent chaque semaine, ou en Grèce.

Regardez ce qui se passe aussi de l'autre côté de la Méditerranée. J'ai eu l'occasion de le faire au cours de mon parcours en Afrique de l'Ouest : la situation migratoire en Europe se joue en partie là-bas.

Nous devons, c'est évident, assurer la protection de nos frontières extérieures.

Pour ma part, je m'honore d'être chef d'un gouvernement qui agit pour faire vivre le droit d'asile, car 80 % des migrants de Calais, originaires de Syrie ou de la Corne de l'Afrique, y auront droit. C'est l'honneur de la France d'accomplir cette mission dans les meilleures conditions possible.

Enfin, je le dis pour répondre à votre attente, madame la sénatrice, nous ne permettrons pas que certaines personnes attisent les colères de la population, s'en prennent aux élus, aux structures d'accueil ou aux migrants eux-mêmes.

On fait souvent appel sur ces travées à l'autorité de l'État. L'autorité de l'État, elle passe à Calais, elle passera dans le quartier de Stalingrad à Paris…

Mme Sophie Primas. Elle passe aussi par le respect des maires !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … et elle passera pour faire appliquer non seulement les lois de la République, mais aussi ce droit international qu'est le droit d'asile. C'est à l'honneur de la France que d'intégrer ce droit dans sa législation et de le respecter.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour la réplique.

Mme Nicole Duranton. J'entends bien votre réponse, monsieur le Premier ministre. Le démantèlement de la jungle de Calais est certes une nécessité, mais pas à n'importe quel prix !
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. N'exagérons rien ! De quel prix parlez-vous ?

Mme Nicole Duranton. Il faut respecter les élus locaux et éviter de déplacer le problème dans d'autres villes et villages avant d'avoir réglé le dossier sur le fond. Il est d'une nécessité absolue de renégocier les accords, caducs, du Touquet ainsi que la convention Schengen. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

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