M. Jean-Claude Lenoir interroge Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les moyens que l'État compte mettre en œuvre pour assurer le déploiement du plan numérique dans l'ensemble des établissements publics locaux d'enseignement
(EPLE).
En effet, beaucoup d'établissements ne disposent pas de ressources en interne. C'est tout particulièrement le cas des petits établissements, où le déploiement du plan numérique repose uniquement sur les bonnes volontés et sur la mobilisation des enseignants volontaires. Or, ces derniers sont peu nombreux, d'autant que cette mission représente une surcharge de travail importante. S'agissant des administrateurs réseaux, il apparaît de surcroît nécessaire de clarifier leurs missions, voire d'envisager un allégement de leur service d'enseignement, notamment dans les établissements importants, afin de leur permettre d'assurer le bon fonctionnement des réseaux pédagogiques.
Des questions se posent également concernant les moyens prévus par l'État pour former les personnels aux nouveaux outils numériques et pour financer les ressources pédagogiques en complément des efforts déployés par les collectivités pour équiper les établissements scolaires. Il lui demande de préciser la position de son ministère sur ce sujet.
M. Jean-Claude Lenoir. Ma question porte sur la mise en œuvre du plan numérique dans les collèges, objectif que le Gouvernement a affiché avec beaucoup de résolution. Au cours d'une première phase d'expérimentation, ce sont 600 établissements qui ont été concernés, avant que ce plan ne soit complètement généralisé, de la rentrée 2016 jusqu'en 2018. Le Gouvernement a annoncé que, grâce à ce plan numérique, les collégiens pourraient disposer à la fois des équipements et des ressources pédagogiques.
Toutefois, il y a un problème de ressources. Certes, les équipements sont financés par les collectivités territoriales, en l'occurrence les départements, qui assurent la maintenance des matériels. Mais les ressources doivent également concerner les manuels. Or les manuels numériques coûtent beaucoup plus cher que les manuels sur papier. Il va falloir les changer en raison de la réforme des programmes, qui s'appliquera dès la rentrée 2016.
Les ressources, ce sont également les personnels. Dans les collèges, on fait appel à des enseignants, à des professeurs particulièrement compétents dans les domaines de l'informatique et du numérique et qui acceptent de donner un « coup de main » en tant qu'administrateurs réseaux. Tout cela repose largement sur le volontariat. Le problème, c'est que les collèges n'ont pas forcément les ressources nécessaires. Si les gros collèges ne rencontrent pas de difficultés particulières, les collèges ruraux n'ont pas toujours les personnels suffisants ou les agents qui disposeraient des compétences requises et du temps nécessaire.
Le Gouvernement a créé récemment des référents numériques avec pour mission d'aider au bon fonctionnement de ces réseaux et d'apporter une assistance pédagogique, notamment en formant les enseignants.
Ma question est la suivante : quels moyens l'éducation nationale va-t-elle mettre en œuvre pour permettre au plan numérique de bien fonctionner ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui m'a priée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Vous l'avez souligné, l'acquisition des connaissances passe aujourd'hui par la pleine intégration du numérique dans les pratiques pédagogiques. Le ministère de l'éducation nationale est pleinement mobilisé en ce sens.
Vous le savez, Mme la ministre de l'éducation nationale a lancé avec le Commissariat général à l'investissement l'appel à projets « collèges numériques et innovation pédagogique », afin de concentrer les efforts de tous les partenaires, mais également d'accélérer l'investissement nécessaire à la généralisation des usages : sans moyen, le numérique ne peut pas se développer.
C'est pourquoi l'État s'est engagé dans un partenariat durable avec les collectivités territoriales pour la période 2016-2018. Ainsi, pour un euro investi dans les équipements individuels mobiles par les collectivités, l'État versera un euro ainsi qu'une dotation de trente euros par élève et par enseignant équipé pour l'acquisition de ressources supplémentaires.
De plus, une subvention spécifique pour les classes mobiles est également prévue, à défaut d'un matériel dévolu à chaque élève.
Enfin, l'État assure 100 % de la prise en charge de l'équipement des enseignants.
Vous le voyez, les efforts financiers sont donc significatifs.
Si les équipements sont essentiels, les ressources le sont également. Une série d'appels d'offres a été lancée pour mettre à la disposition gratuite des enseignants et des élèves des collèges et des écoles les banques de ressources numériques, comme l'a annoncé le Président de la République au mois de mai 2015.
Ces évolutions majeures ne se feront pas sans l'appui des personnels. C'est ainsi qu'un plan exceptionnel de formation a été mis en place. Le dispositif de formation M@gistèrea déjà permis de former 250 000 enseignants en 2014 et en 2015.
Des référents sont en outre présents dans chaque académie en soutien auprès des enseignants et en accompagnement des projets au sein des territoires.
Vous le voyez, le Gouvernement est très actif dans la mise en œuvre du plan numérique, car nous voulons que chaque élève puisse en bénéficier et l'utiliser, au service de sa réussite.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je me permets quand même de souligner le décalage entre les objectifs affichés et les moyens qui seront mis en œuvre.
Les chiffres que vous annoncez sont souvent imprécis, et les rares à être précis ne répondent pas aux vrais besoins. Trente euros par élève ! Mais c'est ce que coûte un manuel numérique ! Or, à la rentrée, il faudra changer l'ensemble des manuels scolaires en raison de la réforme pédagogique annoncée.
J'ajoute que les administrateurs réseau sont la clé du succès. Ce sont des enseignants, des personnels des collèges, qui, en raison de leur compétence, de leur volonté d'apporter quelque chose aux élèves, donnent beaucoup de leur temps. La question est de savoir comment ils seront rémunérés. Un moment, il a été envisagé de les payer en heures supplémentaires - elles sont souvent versées avec beaucoup de retard -, avant que cette solution ne soit abandonnée au profit d'un système d'indemnités, dont le montant varie selon les académies. Ce qu'ils souhaitent avant tout, je crois, ce sont des décharges horaires, afin de pouvoir s'investir complètement dans cette mission.
Madame la ministre, je vous adresse ce message à l'attention de votre collègue de l'éducation nationale : nous sommes parfaitement d'accord avec les objectifs du plan, qui nous convient très bien. Il n'en demeure pas moins que beaucoup d'établissements, notamment en zones rurales - et ce point ne peut pas vous être indifférent -, seront dépourvus de moyens.
Il me reste quelques instants pour ajouter une touche personnelle à mon propos.
Madame la ministre, si j'en crois certaines rumeurs, vous pourriez renoncer à vos responsabilités gouvernementales dans les heures ou les jours qui viennent. Peut-être était-ce d'ailleurs la dernière fois que vous vous adressiez à un représentant du peuple, ici au Sénat.
Qu'il me soit donc permis simplement de vous souhaiter bonne chance dans les missions que vous avez acceptées et que les électeurs vous ont confiées. Je veux aussi vous indiquer combien nous avons apprécié votre courtoisie au cours des nombreux débats et travaux menés par la commission des affaires économiques auxquels vous avez participé. Je vous souhaite de continuer à œuvrer avec la courtoisie qui ne vous a jamais abandonnée.
Mme Sylvia Pinel, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur.
M. le président. Madame la ministre, je m'associe pleinement aux propos de notre collègue Jean-Claude Lenoir.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.