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Hervé Poher
Question orale sans débat N° 1498 au Ministère des affaires sociales


Certification des comptes de certains établissements de santé

Question soumise le 21 juillet 2016

M. Hervé Poher appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les difficultés rencontrées dans la certification des comptes de certains établissements de santé.

En effet, l'article 17 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a inscrit dans le code de la santé publique (article L. 6145-16) le principe de la certification des comptes de certains établissements publics de santé.

Des commissaires aux comptes (CAC) demandent, afin de certifier conformes ces établissements, de pouvoir effectuer des rapprochements entre la codification des actes médicaux facturés et les dossiers des patients. Pour cela, ils souhaitent l'accès au contenu des groupes homogènes de séjour (GHS), ce qui nécessiterait la levée du secret médical. Seul le médecin de l'assurance maladie, lors des contrôles liés à la tarification à l'activité (T2A), a la faculté et sait apprécier la pertinence du codage des actes en regard des dossiers médicaux.

Comme le secret médical (art. L. 112-1 du code de la santé publique) s'impose aussi aux personnes tenues au secret professionnel, comme l'a précisé la jurisprudence tant administrative que judiciaire, il conviendrait que les CAC puissent effectuer l'ensemble des contrôles nécessaires, dans l'optique d'une certification conforme, sans avoir à lever ce secret.

Dans les faits, le CAC peut contrôler les procédures d'optimisation de codage (des actes) en ayant accès aux processus de travail des départements d'information médicale (DIM). Il a par ailleurs le résultat de la mission de contrôle T2A du médecin de l'assurance maladie qui lui permet de vérifier l'optimisation du codage des actes. Il peut, comme l'a fait la Cour des comptes dans ses rapports sur la gestion des hôpitaux, se baser sur l'analyse et l'audit du processus « produits de l'activité », tels que décrits par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et la direction générale des finances publiques (DGFIP) dans « les cartographies du type du cycle des recettes ».

Dans la pratique, des CAC ne certifient que partiellement les comptes, s'ils ne peuvent soit avoir accès aux dossiers médicaux, soit appliquer une solution de contournement, élaborée par la compagnie nationale des commissaires aux comptes, via un audit réalisé à partir d'un échantillon de dossiers par des médecins DIM « experts ». Mais cette procédure, très discutable d'un point de vue statistique, ne garantit pas le secret médical. Demander au DIM de procéder à l'anonymisation d'un échantillon représentatif de plusieurs dizaines de milliers de séjours annuels ne serait par ailleurs pas envisageable au regard de la mobilisation et du temps qu'il faudrait pour la réaliser.

Aussi, face à cette impasse, qui conduit in fine des établissements publics de santé à n'être certifiés que partiellement alors qu'ils appliquent la loi, il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui préciser quels sont la règle et le champ des audits de certification des CAC.

Réponse émise le 16 novembre 2016

M. Hervé Poher. L'article 17 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a inscrit dans le code de la santé publique le principe de la certification des comptes de certains établissements publics de santé.

Mais des commissaires aux comptes demandent, en vue de certifier les comptes de ces établissements, de pouvoir effectuer des rapprochements entre la codification des actes médicaux facturés et les dossiers des patients. Pour cela, ils souhaitent obtenir l'accès au contenu des groupes homogènes de séjour, ce qui nécessiterait la levée du secret médical.

Or seul le médecin de l'assurance maladie sait apprécier la pertinence du codage des actes en regard des dossiers médicaux et a la faculté de le faire lors des contrôles liés à la tarification à l'activité, la T2A, qu'il effectue.

Comme le secret médical s'impose aussi à l'égard des personnes tenues au secret professionnel, ainsi que l'a précisé la jurisprudence tant administrative que judiciaire, il conviendrait que les commissaires aux comptes puissent effectuer l'ensemble des contrôles nécessaires dans l'optique d'une certification conforme sans avoir à lever ce secret médical.

Dans les faits, le commissaire aux comptes peut contrôler les procédures d'optimisation de codage en ayant accès aux processus de travail des départements d'information médicale, les DIM. Il dispose par ailleurs du résultat de la mission de contrôle T2A du médecin de l'assurance maladie, qui lui permet de vérifier l'optimisation du codage. Il peut aussi, comme l'a fait la Cour des comptes dans ses rapports sur la gestion des hôpitaux, se fonder sur l'analyse et l'audit du processus « produits de l'activité », tels que décrits par la direction générale de l'offre de soins et la direction générale des finances publiques.

Dans la pratique, cependant, certains commissaires aux comptes ne certifient que partiellement les comptes s'ils ne peuvent soit avoir accès aux dossiers médicaux, soit appliquer une solution de contournement élaborée par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes viaun audit réalisé à partir d'un échantillon de dossiers par des médecins « DIM experts ».

Cependant, cette procédure, très discutable d'un point de vue statistique, ne garantit pas le secret médical. Demander au DIM de procéder à l'anonymisation d'un échantillon représentatif de plusieurs dizaines de milliers de séjours annuels est difficilement envisageable, au regard de la mobilisation de moyens et du temps qu'il faudrait pour réaliser une telle opération.

Aussi, madame la secrétaire d'État, certains établissements ne sont-ils, de fait, que partiellement certifiés. Comment faire pour résoudre ce problème sans égratigner le secret médical ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Marisol Touraine, qui ne pouvait être présente ce matin.

Pour les comptes de l'exercice 2015, plus de la moitié des hôpitaux audités ont été certifiés sans réserve, ce qui constitue un résultat très positif, s'agissant d'une démarche engagée depuis 2014.

L'objectif de cette certification est de s'assurer de la sécurisation des flux comptables et financiers des recettes, notamment en analysant la revue des contrôles de codage des actes effectués aux différents niveaux du processus, en particulier à celui du département d'information médicale.

Pour ce faire, le commissaire aux comptes fonde principalement son audit sur le contrôle interne aux établissements, afin de s'assurer que l'activité facturable est justifiée, prise en compte exhaustivement et correctement valorisée.

Dans ce but, il ne peut pas se contenter d'entretiens ou d'analyses de procédures. Il doit collecter des éléments probants, en se fondant sur un échantillon de dossiers.

Le commissaire aux comptes ne pouvant pas accéder aux données nominatives des patients, l'accès au dossier patient ne peut se faire que viades documents préalablement anonymisés. Cette solution d'anonymisation des dossiers a été mise en œuvre lors des deux dernières campagnes de certification des comptes, sans difficulté particulière.

Par ailleurs, un guide d'auditabilité des recettes T2A sur le champ médecine-chirurgie-obstétrique, ou MCO, a été élaboré sous l'égide la direction générale de l'offre de soins, de la Société francophone de l'information médicale et de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Il sera très prochainement publié et permettra de clarifier, pour les différents acteurs, l'ensemble des difficultés que vous soulevez, ce qui contribuera au bon déroulement de la campagne 2017 de certification des comptes.

J'ajoute que les constats faits par les commissaires aux comptes, les fragilités qu'ils ont pu identifier, constituent pour les hôpitaux autant d'occasions à saisir pour améliorer la chaîne de facturation, et donc le niveau des recettes de l'établissement.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher.

M. Hervé Poher. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d'État, même si je ne suis pas sûr que, dans la pratique, cette solution puisse convenir à tous nos gestionnaires d'hôpitaux et que le principe du secret médical soit complètement respecté. Cela dit, vous nous avez donné un peu d'espoir.

Je veux bien reconnaître que le secret médical est quelque chose de spécifique. Le problème est qu'il ne se coupe pas en tranches : il est global et absolu.

De plus, dans le code de déontologie, dans le code de la santé publique, dans le code pénal et dans les multiples jurisprudences, il s'impose même à d'autres médecins quand ceux-ci ne participent pas à l'acte de soin.

Alors, qu'il faille l'intervention d'un commissaire aux comptes pour vérifier la balance globale – fonctionnement, investissements, recettes, dépenses, amortissements, emprunts – des hôpitaux, c'est normal. Mais pourquoi aller vérifier le codage dans les dossiers ? Peut-être parce les commissaires aux comptes ne sont pas toujours convaincus de l'exactitude de certaines démarches. Dans la terminologie officielle, on ne dit d'ailleurs pas « exactitude », « inexactitude » ou « mauvais codage » ; on dit « procédure d'optimisation du codage ».

Mais je ne vois pas des hôpitaux facturer des appendicites virtuelles, inventer des antécédents ou surcoder des critères. Oublier des actes, en revanche, cela peut arriver, et je ne suis pas sûr que les vérificateurs de l'assurance maladie le signalent systématiquement.

En résumé, madame la secrétaire d'État, l'idéal serait de trouver un expert-comptable qui aurait fait des études de médecine et qui, de surcroît, accepterait de travailler pour l'assurance maladie… Ce type de personnage appartient à une espèce extrêmement rare, d'autant qu'il y a des inadaptations génétiques évidentes entre les deux professions !

Voilà quelques années, un haut cadre de l'assurance maladie, auditionné par la commission des affaires sociales, nous disait, parlant des hôpitaux, que « les médecins feraient bien d'apprendre un peu la finance : ça nous aiderait à gérer »… Ce à quoi j'avais répondu que les financiers et les comptables feraient bien d'apprendre un peu la médecine : ça les aiderait à comprendre.

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