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Roland Courteau
Question orale sans débat N° 1517 au Ministère des familles


Dispositif anti-rapprochement DEPAR

Question soumise le 25 août 2016

M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes sur le dispositif électronique anti-rapprochement « DEPAR » qui consiste à contrôler, par le biais d'un matériel technique, l'interdiction faite à une personne, mise en examen pour un crime ou délit commis dans un contexte conjugal, de s'approcher de sa victime en signalant instantanément et à distance aux autorités que l'auteur se rapproche de celle-ci.

Il lui indique que contrairement au TGD (téléphone grave danger), la victime est avertie en amont, dès que l'auteur des violences franchit le périmètre de protection. Ainsi, l'alerte en amont de la victime lui permet de gagner de précieuses minutes pour se mettre à l'abri, en attendant l'arrivée des secours et/ou des autorités.

Il lui fait remarquer qu'alors que le TGD doit être utilisé au moment où la victime est en danger imminent ( elle n'est localisée que lorsqu'elle déclenche l'alerte) le DEPAR permet, au contraire de prévenir, à priori, une éventuelle agression.

En effet, le TGD peut plus difficilement prévenir une agression, car la victime ne reçoit aucune alerte, avant de se retrouver, face à face, avec l'auteur des violences.

Il lui précise par ailleurs, que le DEPAR a fait la preuve de son efficacité dans les pays où il est appliqué : Portugal, Slovaquie, Espagne, Suisse, Grand Bretagne.

Ainsi en Espagne, aucune femme équipée ne décède des suites de violences conjugales, dans ce cas précis.

C'est pourquoi, alors que le nombre de décès par violences ne diminue pas sensiblement, il lui semblerait nécessaire de ne pas se priver, en France, de l'option DEPAR.

Il lui rappelle que l'article 6 III de la loi du 9 juillet 2010, prévoyait une expérimentation du DEPAR sur une période de 3 ans.

Toutefois, le dispositif ne pouvait être proposé à la victime que lorsque son conjoint pouvait être condamné pour violences à au moins 5 ans d'emprisonnement.

Par ailleurs, dans les trois lieux où devait avoir lieu l'expérimentation, aucun bracelet n'a été mis en place car aucune personne n'était condamnable à une telle peine.

Dès lors, et dans le but d'expérimenter réellement le dispositif anti rapprochement, deux possibilités au moins peuvent être envisagées : modifier la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes, afin de prolonger la possibilité d'une expérimentation et réduire le seuil pour lequel ce dispositif s'applique, ou identifier des communes ou des départements fortement touchés par les violences intra-familiales afin de mettre en place un nouveau projet pilote et permettre une réelle expérimentation du DEPAR.

Il lui demande de bien vouloir lui faire connaître, sur cette question, son sentiment et ses intentions.

Réponse émise le 9 décembre 2016

M. Roland Courteau. J'ai souhaité attirer l'attention de Mme la ministre des droits des femmes sur la loi du 9 juillet 2010, qui prévoit, dans l'un de ses articles, l'expérimentation sur une période de trois ans d'un dispositif anti-rapprochement permettant de s'assurer qu'une personne mise en examen ou condamnée dans un contexte de violence conjugale ne s'approche pas de sa victime. Ce dispositif électronique permet en effet de signaler instantanément, à distance et de façon automatisée les autorités si cette personne s'approche de la victime.

Or, dans les trois lieux où devait s'effectuer cette expérimentation, m'a-t-il été indiqué, aucun bracelet n'a été mis en place, car personne n'a jamais atteint, dans la période fixée, le niveau de condamnation pour lequel le dispositif se serait appliqué. Dès lors, faute d'expérimentation, le dispositif anti-rapprochement n'a pu être généralisé.

Je souhaite faire remarquer que le dispositif anti-rapprochement, qui peut être complémentaire du TGD, le téléphone grave danger, permet de traiter certaines situations d'urgence et de danger auxquelles le TGD ne saurait répondre.

Dans les situations les plus graves, c'est-à-dire lorsque le risque de récidive demeure extrêmement élevé et que la vie de la victime peut être menacée, je considère que le dispositif anti-rapprochement constitue l'outil le plus adapté. En effet, dans ce cas, la victime est avertie en amont d'un danger imminent dès que l'auteur des violences franchit le périmètre prédéfini.

Je le reconnais, le TGD a, certes, son utilité – il a déjà sauvé des vies –, mais il peut plus difficilement prévenir une agression dès lors que la victime ne reçoit aucune alerte avant de se retrouver presque face à face avec l'auteur des violences. Or, avec le dispositif anti-rapprochement, je le répète, l'alerte est faite très en amont, ce qui permet à la victime de gagner de précieuses minutes pour se mettre à l'abri, en attendant l'arrivée des forces de police ou de gendarmerie.

Je veux également indiquer que ce dispositif a été mis en œuvre dans certains pays, comme le Portugal, la Slovaquie, l'Espagne, la Suisse ou la Grande-Bretagne. Il me semble donc nécessaire de ne pas se priver, en France, d'un tel instrument de surveillance et de protection électronique dans la lutte contre les violences conjugales.

Dans ces conditions, convient-il d'identifier d'autres communes ou départements plus fortement touchés par les violences intrafamiliales, ou de réduire les conditions fixées par la loi en vertu desquelles le dispositif doit s'appliquer ? Y a-t-il une autre solution ? Quel est le sentiment de Mme la ministre sur ce sujet ? Quelles sont ses intentions, ses propositions ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le dispositif électronique anti-rapprochement est effectivement une expérimentation intéressante, et vous avez bien fait d'en souligner l'aspect novateur. Vous avez également relevé les exigences cumulatives très strictes de la mise en place de ce dispositif en termes de situation pénale de l'auteur des violences, d'infractions concernées et de seuil d'emprisonnement.

La loi du 9 juillet 2010 avait prévu l'expérimentation de ce dispositif entre février 2012 et juillet 2013 dans le ressort des tribunaux de grande instance d'Amiens, d'Aix-en-Provence et de Strasbourg. Cette expérimentation a conduit à montrer l'inefficacité de ce dispositif, qui n'a pu être prononcé à l'encontre d'aucun auteur de violences. Il est inadapté pour les violences au sein du couple, compte tenu des seuils de peine retenus, bien que ceux-ci aient été abaissés de sept à cinq ans.

Il paraît alors difficilement concevable, comme vous le suggérez, monsieur le sénateur, d'abaisser de nouveau le quantum de la peine pour faciliter la mise en œuvre de ce dispositif.

En effet, au regard des principes du droit français et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM, ne peut être conçu comme une simple mesure de sûreté, mais il doit être rattaché à la notion de peine. Afin de garantir la proportionnalité de la peine par rapport à l'infraction, une certaine gravité est également requise pour justifier le recours à ce dispositif.

Le Gouvernement a donc fait le choix de la généralisation du dispositif du TGD, le téléphone grave danger, dans le cadre de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Aucune femme équipée de ce dispositif n'est décédée des coups de son conjoint ou de son ex-conjoint depuis le début de l'expérimentation en Seine-Saint-Denis, il y a déjà neuf ans. Le dispositif a donc prouvé son efficacité. À ce jour, 530 TGD ont été déployés et affectés à plus de 600 femmes.

Le bracelet électronique anti-rapprochement peut menacer la liberté de circulation des femmes. Or la démarche du Gouvernement est non pas d'infantiliser les femmes victimes, mais de les accompagner vers la sortie des violences et de les aider à se reconstruire.

Aussi le dispositif du TGD s'inscrit-il dans un maillage partenarial bien plus dense : les partenaires – conseils départementaux, magistrats, associations – apprennent à travailler ensemble à la protection des femmes battues. Ils accompagnent la victime vers une sécurisation durable et une sortie du dispositif.

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