M. Claude Bérit-Débat attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'enjeu primordial que constitue la création de réserves en eau pour l'ensemble du monde agricole, comme l'a mis en exergue la période de sécheresse de l'été 2016.
Au-delà de cet épisode ponctuel, le réchauffement climatique, incontestable, va impacter les cultures, les élevages, leurs implantations géographiques et leur qualité. La question de la présence de l'eau pour permettre une irrigation correcte des plantations et un abreuvement satisfaisant des animaux va se poser de façon de plus en plus prononcée. La problématique va s'étendre, à terme, sur de nouvelles régions et il s'agira en même temps de ne pas altérer les nappes phréatiques ni le débit et la qualité des cours d'eau.
Dans ce cadre-là, les protocoles d'accord programmés entre État et chambres d'agriculture sont importants, notamment pour la création de réserves d'eau collectives pour les exploitants agricoles.
Par ailleurs, il convient de développer davantage encore des zones de stockage d'eau pluviale, respectueuses de l'environnement et opérationnelles pour les agriculteurs. Cela nécessite de lourds investissements mais évite les incidences directes sur les cours d'eau. Il sait que le Gouvernement en a pleinement conscience et que ce dossier complexe fait partie de ses priorités.
Il lui demande quels moyens le Gouvernement compte mettre en œuvre pour que le secteur agricole puisse développer ce type de rétention d'eau dans le respect des normes environnementales.
M. Claude Bérit-Débat. L'épisode de sécheresse inédit qu'a connu notre pays cet été a été particulièrement marqué en Dordogne. Les agriculteurs, céréaliers, éleveurs et même trufficulteurs, auront à subir les conséquences d'une forte baisse de production.
Comme je le rappelais avec force lors du débat consacré à la gestion de l'eau qui s'est tenu il y a quelques semaines, l'intensification du réchauffement climatique et ses effets sur les activités agricoles sont une incitation supplémentaire à anticiper les évolutions futures, pour préparer dès aujourd'hui les solutions de demain.
Le bilan de l'application de la LEMA, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, s'il est loin d'être négatif, notamment d'un point de vue environnemental, laisse encore à désirer, particulièrement concernant l'agriculture.
Nombre d'acteurs de terrain que j'ai rencontrés ces derniers mois, responsables d'organisations agricoles, exploitants ou élus locaux, sont demandeurs d'une amélioration de la gestion quantitative de l'eau en matière agricole, ainsi que d'un ajustement de la législation existante, souvent peu lisible et guère adaptée aux spécificités locales.
Cela passe, j'en suis convaincu, par l'augmentation des moyens de stockage grâce à la création d'un nombre de réserves en eau adapté aux besoins locaux. Pour sécuriser l'alimentation en eau des animaux, mais aussi l'irrigation des cultures, les réserves de substitution et retenues collinaires constituent une alternative efficace aux prélèvements en milieu naturel en période de sécheresse, mais leur création, hélas, relève souvent du casse-tête.
Le bon sens et le pragmatisme doivent prévaloir. À mes yeux, l'allégement de la législation, la simplification des démarches, le recalibrage des études d'impact et l'amélioration de la lisibilité des financements ne doivent pas demeurer plus longtemps des sujets tabous.
Ces impératifs ne s'opposent pas à la préservation de l'environnement, priorité que nous partageons tous et qui se classe au même rang que le développement de pratiques agricoles plus économes en eau.
Quelles sont dès lors vos propositions pour résoudre cette équation et améliorer la situation que je viens de décrire ? Votre réponse est attendue par de nombreux agriculteurs, en Dordogne comme ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Mme Ségolène Royal, retenue à Marrakech pour la COP 22, m'a chargée de vous répondre.
La création de plans d'eau est une des options pour améliorer la disponibilité estivale de la ressource en eau. Cependant, elle ne constitue pas la solution complète au problème de déficit structurel que connaissent certains bassins, car les possibilités de stockage ne permettent pas toujours de combler l'écart entre les besoins, exprimés ou réels, et les ressources disponibles. Il s'agit donc d'une solution complémentaire des actions d'économie ou de gestion raisonnée de l'eau, ainsi que de la recherche de pratiques agricoles permettant de faire face aux enjeux du changement climatique.
Ces retenues doivent être réalisées dans des conditions environnementales satisfaisantes, en particulier sans remettre en cause les objectifs de la directive-cadre sur l'eau. Même si ces plans d'eau sont remplis en hiver, ils détournent l'eau de son cycle normal et ont donc un impact potentiel sur les écoulements et les milieux qui en dépendent, ainsi que sur la recharge des nappes d'eau souterraines.
Par ailleurs, ces investissements seront fragilisés si les stockages ne peuvent plus se remplir. La solution du stockage doit donc continuer à être employée au cas par cas et il ne peut y être recouru de façon systématique. À ce titre, en juin 2015, Ségolène Royal a levé le moratoire sur le financement par les agences de l'eau des retenues de substitution. Dorénavant, seules les retenues de stockage d'eau établies dans le cadre de projets de territoire peuvent être subventionnées par les agences de l'eau.
Les agences de l'eau, dans le cadre de la mise en œuvre de la directive-cadre sur l'eau, n'interviendront que pour la substitution à des prélèvements estivaux de prélèvements hivernaux, et non pour la création de volumes supplémentaires.
La ministre de l'environnement a souhaité accorder un bonus aux projets qui viseront également l'amélioration de la qualité de l'eau.
L'octroi de ces aides des agences de l'eau est soumis au respect des règles communautaires, notamment du règlement de développement rural. Les conseils régionaux, autorités de gestion, ont pu insérer des règles supplémentaires pour juger de l'éligibilité des dossiers et prévoir des modalités de financement de retenues hors substitution.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces explications. Je souligne la complexité et la difficulté de la mise en œuvre de telles alternatives, en tenant compte des effets de la création de retenues collinaires sur la nappe phréatique.
Dans cette période où la sécheresse s'inscrit dans la durée en raison du changement climatique, il est nécessaire de permettre à des secteurs entiers de notre agriculture, que ce soit pour l'alimentation du bétail ou l'irrigation de certaines cultures, de mettre en place des outils de stockage de l'eau.
La LEMA prévoyait une clause de revoyure à l'échéance de dix ans. Il est, me semble-t-il, nécessaire de revoir les textes et de permettre aux agriculteurs de mettre en place de tels stockages d'eau, en « toilettant » les procédures, tout en respectant, bien entendu, l'environnement, car c'est une nécessité pour la planète.
Cela été dit par l'intervenant précédent : il faudrait reconsidérer certaines normes pour permettre aux agriculteurs de départements ruraux comme le mien de continuer leur activité malgré les conséquences inéluctables du réchauffement climatique.
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