Mme Colette Giudicelli attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les émanations aérotoxiques pouvant survenir dans les cabines d'avions.
En juillet 2012, elle avait adressé une question écrite n° 778 (Journal officiel « questions » du Sénat du 19 juillet 2012, p. 1606 ; réponse publiée dans le cahier du 13 septembre 2012, p. 1995) au ministère de la santé sur l'intoxication des cabines d'avions du fait d'émanations de particules d'huiles pour moteurs. Aujourd'hui, ce problème a pris de l'ampleur puisque plusieurs associations et syndicats professionnels de personnels navigants dans le monde entier projettent de porter les conséquences de ces intoxications en justice. Il s'agit d'un sujet potentiellement très grave, porteur d'un vrai défi de santé publique. Pour rappel, jusqu'aux années 1950, l'air respiré par le personnel navigant et les passagers à l'intérieur des avions provenait du système appelé « ram air », c'est-à-dire de l'air provenant de l'extérieur de l'appareil et passant dans un groupe de climatisation situé dans la soute. Aujourd'hui, la plupart des appareils utilisent le système du « bleed air », où l'air respiré est amené de l'extérieur jusque dans la cabine par les moteurs principaux de l'avion, en utilisant les compresseurs de ces moteurs. L'industrie aéronautique est passée à ce système essentiellement pour des raisons de coûts en carburant, un groupe de climatisation en soute étant très lourd. S'intéressant de près à ce système, une circulaire de 2015 de l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI) indique que, potentiellement, des émanations dangereuses provenant d'huiles de moteur peuvent contaminer le système d'alimentation en air de la cabine et du poste de pilotage. En effet, les moteurs de l'avion sont lubrifiés avec des huiles synthétiques comprenant différents additifs chimiques, lesquels peuvent fuir dans l'air de ventilation de l'avion, notamment lorsque les joints d'étanchéité du moteur sont usés ou lorsqu'ils laissent passer un jour dans les phases de changement de régime des moteurs. Ce qui est en jeu c'est la santé des millions de personnes qui prennent l'avion tous les jours. L'OACI reconnaît l'extrême toxicité de ces huiles : elles contiennent notamment du tricrésyl phosphate et d'autres éléments chimiques extrêmement dangereux. Soumises à pyrolyse, leurs particules passent alors facilement, en cas de mauvaise étanchéité des joints en carbone, dans les canalisations d'air conditionné, puisqu'aucun filtre n'est prévu entre celles-ci et le moteur. Une exposition régulière à ces composés organophosphorés a pour conséquences de graves perturbations neurologiques à long terme, accompagnées d'une destruction des neurones cérébraux. En d'autres termes, il s'agit là de l'inhalation possible d'agents neurotoxiques directement apparentés aux agents de guerre chimiques. Des études signalent que les incidents les plus dangereux de ce type concernent environ cinq vols par semaine dans le monde. À l'heure actuelle, aucun avion utilisant le système de prélèvement de l'air à partir des moteurs principaux ne possède donc de filtres entre ceux-ci et le système de climatisation, ni aucun détecteur d'émanations dangereuses. Aucun équipage n'est en outre réellement formé pour détecter avec certitude une intoxication de la cabine. L'utilisation des masques à oxygène en cas d'incident ne résout pas le problème, ceux-ci distribuant de l'air provenant de la cabine, à 50 %, enrichi en oxygène.
Aussi, elle lui demande son avis sur cette question et, afin d'avoir des certitudes sur cette problématique, s'il ne lui semble pas nécessaire de commander une étude épidémiologique indépendante et à grande échelle.
Mme Colette Giudicelli. Madame la secrétaire d'État, en juillet 2012, par le biais d'une question écrite, j'avais déjà alerté le ministère dont vous relevez sur un problème qui a pris de l'ampleur dans le monde entier : l'intoxication des cabines d'avions.
Plusieurs associations et syndicats professionnels de personnels navigants, s'appuyant sur des études médicales, envisagent de porter en justice les conséquences de ces intoxications. Il s'agit en effet d'un sujet très grave soulevant un véritable défi de santé publique.
Actuellement, la plupart des avions utilisent un système où l'air respiré est dirigé de l'extérieur de l'appareil dans la cabine par les compresseurs des moteurs principaux. Il faut savoir que, si l'industrie aéronautique est passée à ce système, c'est essentiellement pour des raisons de coûts.
Plusieurs documents officiels, dont une circulaire établie par l'Organisation de l'aviation civile internationale en 2015, indiquent que des émanations dangereuses provenant d'huiles de moteur peuvent contaminer le système d'alimentation en air de la cabine et du poste de pilotage.
Ces huiles contiennent notamment du trichlorophénol, ou TCP, et d'autres éléments chimiques extrêmement dangereux.
Ces inhalations peuvent entraîner de graves symptômes neurologiques. Or il n'existe aucun détecteur d'émanations dangereuses dans les avions.
De plus, les équipages ne sont absolument pas formés pour détecter avec certitude une intoxication de la cabine.
En cas d'incident, l'utilisation des masques à oxygène ne sert pas à grand-chose : seule la moitié de l'air distribué par ces masques est composé d'oxygène pur, l'autre moitié provenant directement de la cabine.
Diverses études signalent que les incidents les plus dangereux concernent environ cinq vols par semaine dans le monde.
Je vous demande votre avis sur cette question, et je vous remercie par avance de votre réponse. À mon sens, il serait bon que le ministère de la santé obtienne une étude épidémiologique indépendante et à grande échelle.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la question des émanations aérotoxiques pouvant survenir dans les cabines d'avions.
Le sujet de la qualité de l'air dans les cabines d'avions fait l'objet d'un suivi attentif de la part de l'Agence européenne de la sécurité aérienne, l'AESA.
Pour mémoire, cette instance a été créée par l'Union européenne en 2003. Son objectif est de promouvoir et maintenir un niveau élevé et uniforme de sécurité dans le domaine de l'aviation civile en Europe.
En 2009, cette Agence a lancé un processus visant à déterminer si des exigences devaient être édictées quant à la qualité de l'air dans les cabines d'avions. Après examen des études publiées disponibles et de l'information recueillie au cours de ce processus, elle a conclu qu'une intervention immédiate et générale ne se justifiait pas, dans la mesure où aucune relation de cause à effet n'avait été établie entre les symptômes parfois ressentis et une contamination par l'huile ou des fluides hydrauliques.
Néanmoins, en 2015, l'AESA a souhaité mettre à jour les connaissances dans ce domaine. Une étude est en cours. Elle prévoit la réalisation de mesures de la qualité de l'air à l'intérieur d'avions en vol, au niveau de la cabine et du poste de pilotage.
Dès que ces données seront disponibles, le lancement d'une étude épidémiologique pourra, le cas échéant, être envisagé.
M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.
Mme Colette Giudicelli. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. La sensibilisation et la formation des équipages me semblent absolument essentielles. J'insiste sur le fait qu'il s'agit là d'une question très préoccupante : ce qui est en jeu – ne l'oublions pas –, ce n'est rien de moins que la santé des millions de personnes qui prennent l'avion tous les jours !
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