M. Richard Yung attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la dégradation du climat social au sein de l'Office européen des brevets
(OEB).
Depuis 2010, le programme de réformes mis en œuvre par la direction de l'OEB a entraîné un recul de certains droits fondamentaux (limitation du droit de grève ; remise en cause de la liberté syndicale ; atteinte au droit à la négociation collective etc.). Il semble que l'OEB soit l'organisation qui est le plus souvent mise en cause devant le tribunal administratif de l'Organisation internationale du travail (TAOIT). Dans un arrêt du 17 février 2015, la Cour d'appel de La Haye a jugé illégales plusieurs mesures prises par la direction de l'OEB. Cette dernière s'est pourvue en cassation, invoquant l'immunité d'exécution. Depuis le début de l'année 2016, plusieurs sanctions ont été prononcées à l'encontre de délégués syndicaux
(trois licenciements et une rétrogradation).
De plus, des enquêtes et des procédures disciplinaires sont actuellement en cours. Par ailleurs, le malaise social est amplifié par le fait que quatre salariés de l'OEB ont mis fin à leurs jours au cours des cinq dernières années. Dans une résolution adoptée le 16 mars 2016, le conseil d'administration de l'OEB demande notamment au président de l'OEB de « veiller à ce que les sanctions et procédures disciplinaires soient non seulement équitables, mais aussi considérées comme telles, et d'étudier la possibilité de faire appel à une instance externe de réexamen, d'arbitrage ou de médiation ». Il semble que cette résolution n'ait pas réellement été prise en considération par la direction de l'OEB, qui s'est contentée d'organiser une conférence sociale.
Considérant que le bon fonctionnement de l'OEB est une condition indispensable au succès de la mise en œuvre du futur brevet à effet unitaire, il lui demande quelles solutions le Gouvernement envisage de proposer, par le truchement de la délégation française au conseil d'administration de l'OEB, afin de favoriser la reprise du dialogue social, l'émergence d'un nouveau mode de gouvernance ainsi que le réexamen des sanctions.
M. Richard Yung. Ma question, malheureusement récurrente, porte sur la dégradation du climat social au sein de l'Office européen des brevets, l'OEB.
Depuis 2010, les mesures mises en œuvre par la direction de l'OEB entraînent un recul des droits fondamentaux du personnel : je pense notamment à la limitation du droit de grève, à la remise en cause de la liberté syndicale ou à l'atteinte au droit à la négociation collective.
Il semble que l'OEB soit l'organisation la plus souvent mise en cause devant le tribunal administratif de l'Organisation internationale du travail, instance appelée à se prononcer sur les conflits du personnel dans les organisations internationales.
Dans un arrêt de 2015, la cour d'appel de La Haye a jugé illégales plusieurs mesures prises par la direction de l'OEB. Cette dernière s'est pourvue en cassation, invoquant l'immunité d'exécution, dont bénéficient en effet les organisations internationales.
Depuis le début de l'année 2016, plusieurs sanctions ont été prononcées à l'encontre de délégués syndicaux : trois licenciements et une rétrogradation. De plus, des enquêtes et des procédures disciplinaires sont en cours.
Dans une résolution adoptée le 16 mars 2016, le conseil d'administration de l'OEB, qui est son instance supérieure, demande notamment au président de l'Office de « veiller à ce que les sanctions et procédures disciplinaires soient non seulement équitables, mais aussi considérées comme fortes, et d'étudier la possibilité de faire appel à une instance externe de réexamen, d'arbitrage ou de médiation ».
Cette résolution a été ignorée par la direction de l'OEB, laquelle s'est contentée d'organiser une conférence sociale « à la Potemkine », pourrait-on dire.
Le Parlement de Bavière s'est récemment saisi de la question et en a débattu, même si l'immunité de juridiction et d'exécution dont bénéficie l'OEB rend difficile une action des États.
Le bon fonctionnement de l'OEB est l'une des conditions indispensables au succès du brevet européen, qui est avéré, et à la mise en œuvre du futur brevet à effet unitaire. Je demande donc au Gouvernement quelles solutions il envisage de proposer, notamment par le truchement de la délégation française au conseil d'administration de l'OEB, afin de favoriser la reprise du dialogue social et l'émergence d'un nouveau mode de gouvernance, ainsi que le réexamen des sanctions.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Monsieur le sénateur, l'Office européen des brevets, créé par la convention sur le brevet européen du 5 octobre 1973, est une organisation intergouvernementale opérationnelle depuis 1977. Il emploie près de 7 000 agents issus de trente États différents. Son conseil d'administration, qui réunit les représentants de trente-huit États membres, a décidé de réformer le statut des fonctionnaires de l'OEB afin d'assurer sa viabilité financière à long terme.
Cette réforme, qui couvre l'ensemble du cadre social – pensions, rémunérations, prestations sociale… –, doit être mise en œuvre en concertation avec les représentants du personnel. Voilà le début de l'histoire…
En février 2015, la cour d'appel de La Haye a en effet mis en cause certaines décisions prises en interne à l'OEB. L'Office s'est pourvu auprès de la cour suprême des Pays-Bas, qui, dans une décision du 20 janvier 2017, a annulé les jugements des tribunaux de La Haye et confirmé l'immunité juridictionnelle de l'Office.
En mars 2016, la France a soutenu l'initiative prise par le conseil d'administration de l'OEB, lequel a voté une résolution pour souligner l'urgence de résoudre la problématique sociale agitant cette organisation.
Cette résolution, votée il y a près donc d'un an, prévoyait notamment la réalisation d'un audit social, la présentation au conseil d'administration d'une évolution du règlement du personnel et la suspension des procédures disciplinaires engagées.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
L'étude objective, indépendante, réalisée par le cabinet PricewaterhouseCoopers, présentée en octobre 2016, met en évidence la dégradation du climat social au sein de l'Office. Cette dégradation nuit à l'image de l'organisation ; elle nuit aussi, indirectement, mais certainement, à l'image de la France à l'étranger et au sein des organisations internationales, et ce malgré des conditions de rémunération des agents très favorables par rapport aux autres organisations internationales.
Cette étude préconise des axes d'amélioration des procédures disciplinaires existantes.
La résolution de mars 2016 prévoyait la révision par le conseil d'administration du statut des personnels de l'OEB, pour faire évoluer les lignes directrices sur les investigations internes et les procédures disciplinaires. Les représentants français au conseil d'administration seront très attentifs pour faire en sorte que cette révision soit porteuse d'apaisement du dialogue social au sein de l'établissement. En effet, c'est bien cela qui est en jeu.
Pas moins de cinq ministres se sont mobilisés aux côtés des parlementaires pour expliquer ces enjeux : Emmanuel Macron, Michel Sapin, Christophe Sirugue, moi-même, mais aussi le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. Nous nous sommes fortement impliqués pour que les décisions adoptées lors des conseils d'administration de l'OEB respectent bien les règles et la jurisprudence du droit international.
Le secrétaire d'État chargé de l'industrie, Christophe Sirugue, qui a eu plusieurs échanges avec la direction de l'OEB, continue à être pleinement mobilisé pour réaffirmer la volonté de la France de voir normalisée une situation sociale inacceptable.
Cette normalisation est indispensable pour créer les conditions d'une plus grande efficacité de l'OEB dans le contexte de la mise en place du brevet européen à effet unitaire, qui doit permettre à l'Europe de se démarquer sur le plan de la propriété intellectuelle et industrielle dans le monde de l'innovation.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la secrétaire d'État, je pense, comme vous, que la situation actuelle est préjudiciable au personnel, dont elle affecte la motivation, et à l'Office dans son ensemble. De plus, elle entache la réputation de notre pays, et je crains qu'il n'en reste des séquelles.
Tout en prenant note de l'action déterminée du Gouvernement, je constate que les choses se passent, en réalité, au conseil d'administration de l'OEB, qui est l'instance déterminante. C'est donc là que la France doit faire entendre sa voix.
Une autre possibilité, prévue par la convention de Munich, serait de convoquer un Conseil des ministres chargés de la propriété industrielle. Il pourrait débattre d'un certain nombre de questions : le brevet à effet unitaire, que vous avez évoqué et qui doit bientôt rentrer en vigueur, les brevets de végétaux, ainsi que la gestion du personnel de l'OEB.
C'est une proposition que je livre à votre sagacité, madame la secrétaire d'État.
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