Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice à propos de l'état de la loi n° 89-431 du 23 juin 1989 relative à la révision des condamnations pénales. Elle rappelle que la requête en révision Mis et Thiennot a été rejetée pour la sixième fois. Elle précise qu'un élément nouveau s'est produit apportant la preuve que la culpabilité a été obtenue par l'usage de la torture. Elle constate que la loi en l'état ne peut prendre en compte cette réalité. Elle lui demande comment elle pourrait mettre en conformité le code de procédure pénale avec les attendus de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de New-York du 10 décembre 1984 dont notre pays est signataire. Elle demande par quels moyens pourrait être mis en œuvre un amendement de l'article 624-2 du code de procédure pénale qui prévoit le cas de révision, pour que les magistrats puissent se prononcer et s'appuyer sur un nouveau texte.
La révision des condamnations pénales est une procédure indispensable dans une société démocratique en ce qu'elle permet de réparer les erreurs judiciaires ayant pu conduire à la condamnation d'un innocent. Néanmoins, la procédure de révision doit respecter un strict équilibre entre d'une part cette exigence d'équité et de réparation des erreurs judiciaires et d'autre part le respect de l'autorité de la chose jugée, qui interdit la remise en cause de toute décision judiciaire après épuisement des voies de recours ordinaires. Si la procédure de révision correspond à une tradition pluriséculaire, ce n'est que plus récemment que la France a introduit dans le code de procédure pénale une procédure dite de réexamen des condamnations pénales définitives. Cette procédure dite de réexamen d'une décision pénale définitive se distingue de la procédure de révision des condamnations pénales définitives en ce que le réexamen vise à réparer une erreur de droit alors que la révision a pour objet de corriger une erreur de fait. En application de l'article 622-1 du code de procédure pénale, la procédure de réexamen permet à une personne de bénéficier d'un nouveau procès lorsque la Cour européenne des droits de l'homme a jugé qu'elle avait été condamnée à l'issue d'une procédure entachée de manquements aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, en vertu de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Ainsi, à ce jour, si une personne est déclarée coupable sur le fondement d'éléments obtenus par la torture, la décision de condamnation est susceptible de faire l'objet d'une annulation à la suite d'une procédure de réexamen. S'agissant de l'affaire Mis et Thiennot, la cour de révision et de réexamen a rappelé que les violences dénoncées par les personnes condamnées au stade de leur garde-à-vue ne constitue pas un fait nouveau en ce qu'elles avaient déjà été débattues devant la cour d'assises ayant prononcé la condamnation et qu'elles revêtaient déjà à l'époque en application de l'article 186 du code pénal un caractère illégitime. Force est par ailleurs de constater qu'une convention de 1984 ne saurait s'appliquer à des faits commis antérieurement. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que le droit permet d'ores et déjà de sanctionner l'usage de la torture et que l'introduction d'une possibilité de réexamen sur le fondement d'une violation de la convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de New-York du 10 décembre 1984 ne serait pas de nature à renforcer le droit des justiciables.
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