M. Jean Desessard. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
(Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mardi 24 janvier, le conseil d'administration d'EDF a adopté un mécanisme d'indemnisation, en contrepartie de l'arrêt de la centrale de Fessenheim.
Le groupe écologiste salue ce premier pas vers la fermeture de la centrale nucléaire la plus vieille, mais aussi la plus dangereuse de France (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Catherine Procaccia. C'est faux !
M. Jean Desessard. … qui présente un risque plus grand que toutes les autres.
(Mme Catherine Troendlé s'exclame.)
En effet, cette centrale est construite sur une faille sismique et à proximité immédiate du Rhin, en zone inondable. Les deux réacteurs de Fessenheim sont posés sur une dalle en béton armé d'une épaisseur d'un mètre, soit une épaisseur plus faible que pour tous les autres réacteurs français et jugée, depuis le drame de Fukushima, insuffisante pour maintenir la centrale en exploitation. De surcroît, la centrale surplombe la plus grosse nappe phréatique d'Europe, qui, de Bâle à Francfort, alimente 6 millions d'Européens en eau.
En contrepartie de la fermeture de Fessenheim, EDF recevra la somme importante de 490 millions d'euros, aura l'autorisation de poursuivre la construction du très contesté EPR de Flamanville et obtiendra une dérogation à la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour relancer le deuxième réacteur de la centrale de Paluel, en Seine-Maritime, à l'arrêt depuis l'effondrement d'un générateur de vapeur de 465 tonnes…
Par ailleurs, la décision est suspendue à l'accord de la Commission européenne à une recapitalisation d'EDF par l'État à hauteur de 3 milliards d'euros.
Ces concessions ne sont pas minces. De telles mesures nécessitent un temps d'application long, ce qui risque de repousser au-delà de l'élection présidentielle l'apposition de la signature mettant fin à l'exploitation de la centrale.
Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il s'assurer que le processus engagé mardi ira à son terme, quel que soit le résultat de l'élection présidentielle ?
(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Monsieur le sénateur, la décision du conseil d'administration d'EDF à laquelle vous faites référence présente trois avantages.
D'abord, elle entérine la fermeture de la centrale de Fessenheim, qui fonctionne encore grâce à une dérogation et dont l'autorisation arrive de toute manière à échéance au mois de décembre 2022. Les centrales plus récentes n'ont plus l'autorisation de procéder à leur refroidissement en pompant directement l'eau d'un fleuve, en l'occurrence le Rhin. En outre, la centrale de Fessenheim est située sur une faille sismique, et l'un de ses réacteurs est actuellement à l'arrêt. EDF doit rationaliser ses investissements : un certain nombre de réacteurs arrivant au terme de leur durée de vie, il est très important de faire les choix les plus judicieux.
Ensuite, cette décision permettra de débloquer les stratégies d'investissement. Je pense notamment aux investissements franco-allemands. Cela fait longtemps que nous avions promis aux Allemands de fermer Fessenheim. Le processus est donc en cours. J'ai interpellé dès hier le ministre allemand de l'industrie, avec lequel nous avions commencé à poser les bases de la construction sur ce secteur d'une usine de voitures électriques du groupe Tesla : l'idée est de mettre en place une commission mixte franco-allemande pour défendre la candidature du territoire d'implantation de la centrale. Nous avons également, sur ce même territoire, un projet de production de batteries électriques de troisième génération avec des industriels allemands.
Enfin, il s'agit de faire en sorte que le démantèlement de Fessenheim soit exemplaire, afin de déboucher sur la création d'une filière industrielle de tout premier plan. En effet, il y a 400 centrales nucléaires à démanteler à travers le monde. C'est un marché planétaire rentable. Les ingénieurs et les techniciens d'EDF doivent être les meilleurs au monde dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
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