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Michel Boutant
Question d'actualité au gouvernement N° 1153 au Premier Ministre


Relation franco-allemande

Question soumise le 15 février 2017

M. Michel Boutant. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En ce jour de la Saint-Valentin, je souhaiterais vous parler du couple franco-allemand.
(Exclamations amusées.)

M. Dominique Bailly. Un peu de douceur dans ce monde de brutes !

M. Michel Boutant. Le monde est aujourd'hui rempli d'incertitudes. Quelle politique entend conduire le nouveau président des États-Unis ? Quelles sont les intentions du président Poutine ? Le terrorisme international influe, notamment, sur les politiques intérieures des pays occidentaux, soit en raison des menaces qu'il fait peser, soit en raison des déplacements de populations qu'il provoque. Et je ne parle pas de la Turquie, de la Corée du Nord ou de l'Iran, du réarmement de la Chine ou de la situation dans la bande sahélo-saharienne.

On se dit que l'Europe devrait, pourrait être un pôle de stabilité, d'influence, mais on la sent quelque peu paralysée par ses peurs et le rejet qu'elle pourrait susciter en son sein. Le Brexit est là pour le rappeler.

Or, dans cette Europe, il y a les six pays fondateurs : la France, l'Allemagne, l'Italie et les pays du Benelux. Monsieur le Premier ministre, vous étiez à Berlin il y a quelques heures encore. J'aimerais que vous nous éclairiez sur les relations franco-allemandes, aussi nombreuses qu'étroites : le traité de l'Élysée et l'intelligence politique n'y sont pas étrangers. Cependant, on peut s'interroger sur la solidité de ce couple franco-allemand quand le contexte est au mieux chaotique, au pire hostile. Qu'en est-il des relations entre nos deux pays ? Qu'en est-il de leurs échanges ? Qu'en est-il de leurs relations économiques, sachant que près de 6 000 entreprises sont présentes dans les deux pays et y emploient 650 000 personnes au total ? Qu'en est-il de la politique migratoire et de l'accueil des réfugiés à l'échelon européen, que ce soit sur le sol européen ou à l'extérieur de l'Europe ?

À la suite des attentats survenus en France, mais aussi en Allemagne, la coopération entre les services de sécurité et de renseignement de nos deux pays a-t-elle évolué ? Comment le pacte de sécurité européen se développe-t-il ?

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. Michel Boutant. En matière de défense, les déclarations du président Trump sur la prise en charge par les Européens de leur propre défense conduisent-elles Allemands et Français à réfléchir à des initiatives communes, incitent-elles nos amis Allemands à s'engager davantage pour jeter les bases d'une Europe de la défense ?
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Réponse émise le 15 février 2017

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je rentre effectivement à l'instant d'un déplacement à Berlin, où j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec la Chancelière, le ministre des affaires étrangères et le président du Bundestag, ainsi qu'avec une délégation de parlementaires.

Ces entretiens ont montré que nous avons tous conscience de la gravité du moment historique que nous vivons : la menace terroriste sème l'effroi sur le sol européen et divise les populations, le président des États-Unis se fixe comme objectif de démanteler le projet européen, ce qui crée un nouveau contexte pour les relations transatlantiques, la situation est très préoccupante dans la bande sahélienne, en raison de la dissémination de groupes terroristes et des difficultés que rencontrent les pays de cette zone pour trouver le chemin du développement, de même qu'en Ukraine, nos relations avec la Russie ou avec la Turquie sont délicates.

Bref, les défis auxquels l'Union européenne est confrontée doivent nous conduire à affirmer une volonté commune d'être plus unis et de faire en sorte que le projet européen apparaisse, aux yeux des peuples européens, comme la réponse pertinente pour mettre en œuvre de véritables protections du continent.

Dans cette perspective, nous avons évoqué, avec la Chancelière, quatre protections dont l'Europe a besoin. Leur mise en place doit conduire l'Europe à prendre des initiatives fortes et l'axe franco-allemand à donner l'impulsion nécessaire.

En premier lieu, en matière de protection contre le terrorisme, il faut renforcer le contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne grâce à la montée en puissance de FRONTEX, mener à son terme la réforme du système d'information Schengen, veiller à l'alimentation de ce dernier par l'ensemble des services de renseignement, assurer l'interconnexion des fichiers, de manière à être plus efficaces dans la lutte contre le terrorisme. La protection du continent européen contre le terrorisme constitue la priorité.

En deuxième lieu, nous devons protéger notre modèle social et économique : c'est la question du socle des droits européens, promu par le président Juncker sur l'initiative de la France et de la Commission européenne. Dans cette optique, le détachement des travailleurs, lorsqu'il n'est pas convenablement encadré, conduit à une véritable dérégulation. Nous travaillons à la réforme de la directive de 1996, à la mise en place d'un salaire minimum européen et d'une carte d'étudiant européenne, à la reconnaissance de la mobilité des apprentis. Il s'agit, sur ces sujets importants, de donner de la cohésion et de la force au projet social européen.

En troisième lieu, les États-Unis voulant revoir leur relation à l'OTAN, nous devons faire émerger une défense européenne au travers de la mobilisation du fonds européen de défense. Cela signifie mettre en place une capacité de planification de nos opérations, de projection de nos forces et d'équipement de nos armées.

En quatrième et dernier lieu, nous devons augmenter le financement du plan Juncker, afin de redonner à l'Europe la capacité de mener de grands projets dans les filières d'excellence, la recherche et l'innovation, à l'instar de ce que nous avons déjà accompli avec le programme Erasmus ou Airbus. Il s'agit de redonner aux peuples d'Europe envie de l'Union européenne.

Voilà les sujets que nous avons abordés à Berlin.

Je ne pourrai participer à votre séance de questions d'actualité au Gouvernement de la semaine prochaine, car je serai en déplacement en Chine.

M. Roger Karoutchi. Quel dommage !
(Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. C'est donc ma dernière intervention devant le Sénat – pour cette législature… (M. Roger Karoutchi rit.) Je tiens à vous dire combien j'ai eu plaisir à travailler avec vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit votre sensibilité politique, et combien j'ai apprécié l'esprit de pondération et de respect qui a toujours présidé à nos échanges, ainsi que la qualité de votre travail législatif, qui fait honneur à la Haute Assemblée !
(Applaudissements sur la plupart des travées. – Certains sénateurs du groupe socialiste et républicain se lèvent.)

M. le président. Monsieur le Premier ministre, je tiens à vous dire que ce sentiment est partagé !

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