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Jean-Noël Guérini
Question écrite N° 18135 au Ministère des affaires


Tablettes numériques et petite enfance

Question soumise le 8 octobre 2015

M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les dangers d'un usage intensif et précoce des tablettes numériques.

Une tribune, publiée le 16 septembre 2015 dans le supplément « Science & médecine » du Monde sous le titre « Les tablettes, à éloigner des enfants » et signée par de nombreux spécialistes de l'enfance (pédopsychiatres, psychologues, enseignants, orthophonistes…), dresse un constat alarmant : de la naissance à la fin de la maternelle, alors que les prémices de la communication, du langage et du rapport à l'autre se mettent en place, l'usage intensif des tablettes numériques constitue une source de troubles sérieux. Lorsque ces tablettes s'avèrent le principal outil de stimulation, elles entravent la capacité d'attention, retardent l'émergence du langage en l'absence d'une interaction verbale indispensable, nuisent à une socialisation adaptée et à l'intégration des concepts de causalité et de temporalité, altèrent le développement de la motricité.

En conséquence, s'il ne s'agit nullement de bannir l'usage des écrans de la vie des jeunes enfants, il lui demande s'il ne conviendrait pas d'établir des recommandations de limitation.

Réponse émise le 21 janvier 2016

En janvier 2013, l'Académie des sciences a publié un avis sur « l'enfant et les écrans », à la suite d'un travail de plusieurs mois mené par des chercheurs qui se sont interrogés sur la construction des fonctions cérébrales au regard des sollicitations extérieures sensorielles, affectives et culturelles, dont l'exposition aux écrans numériques. Cet avisintègre les données scientifiques les plus récentes de la neurobiologie, de la psychologie et des sciences cognitives, de la psychiatrie et de la médecine ainsi que la réalité rapidement évolutive des technologies et de leur utilisation. L'avis met en garde contre une utilisation trop précoce et une sur-utilisation des écrans qui ont des conséquences délétères durables sur la santé. Cet avis est assorti de 26 recommandations sur les effets de l'utilisation des technologies par les enfants. Ces recommandations esquissent les bonnes pratiques d'une éducation progressive, adaptée à chaque âge (avant 2 ans, entre 2 et 6 ans, entre 6 et 12 ans), pour préparer les adolescents (après 12 ans) à autoréguler leur rapport au monde numérique. Toutes les études montrent que les écrans non interactifs (télévision et DVD) devant lesquels le bébé est passif n'ont aucun effet positif mais qu'ils peuvent avoir des effets négatifs. Les tablettes visuelles et tactiles peuvent être utiles au développement sensori-moteur du jeune enfant, même si elles présentent aussi le risque de l'écarter d'autres activités physiques et socio-émotionnelles indispensables à cet âge. De 2 à 3 ans, l'exposition passive et prolongée des enfants à la télévision, sans présence humaine, interactive et éducative, est déconseillée. À partir de 3 ans, le développement des diverses formes de jeux symboliques invitant l'enfant à « faire semblant » l'éduque à distinguer le réel du virtuel. Et à partir de 4 ans, les ordinateurs et consoles de salon peuvent être un support occasionnel de jeu en famille, voire d'apprentissages accompagnés. Les recommandations d'utilisation rendues récemment par l'Académie des sciences incitent donc à une pédagogie différenciée selon les âges et selon les différents types d'écrans. L'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) a soutenu l'action d'e-enfance (www.e-enfance.org), association reconnue d'utilité publique créée en 2005. E-enfance, tout en ayant un rôle de sensibilisation sur les risques d'Internet vis-à-vis des enfants, a aussi pour vocation de conseiller les parents afin de leur permettre d'exercer une autorité en tant que « cyber parent ».

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