M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la présence non signalée de nanoparticules dans l'alimentation industrielle.
Une enquête de l'organisation non gouvernementale (ONG) agir pour l'environnement, menée sur quatre produits alimentaires de consommation courante, révèle que chacun d'entre eux contenait des nanoparticules (de dioxyde de titane ou de dioxyde de silice), sans qu'il en soit fait mention clairement sur son étiquette, ce qu'exige pourtant la réglementation européenne. Or, ces substances sont potentiellement toxiques. Comme le précisait déjà l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) dans un avis d'avril 2014 intitulé « évaluation des risques liés aux nanomatériaux » : « chaque nanomatériau présente des caractéristiques physico-chimiques particulières pouvant dépendre de son environnement. De fait, leur toxicité et écotoxicité varient, non seulement selon les familles de nanomatériaux, mais au sein même de ces familles, ainsi qu'au cours de leur cycle de vie en fonction de leur environnement ». De surcroît, il n'existe pas de « définition réglementaire univoque et intersectorielle des nanomatériaux ». Si les effets sur la santé humaine sont encore largement inconnus, on sait néanmoins que ces particules, réduites à des dimensions infinitésimales, peuvent franchir certaines barrières physiologiques pour se retrouver dans le sang ou les poumons, mais aussi se disséminer dans l'environnement.
Sachant que l'intérêt des nanoparticules dans l'alimentation se borne à des modifications de couleur, de goût ou de texture et constatant que le consommateur ne dispose pas de l'information nécessaire à un choix objectif, il lui demande si, comme le suggère l'ONG agir pour l'environnement, le principe de précaution n'impose pas un moratoire tant que l'évaluation des risques ne permet pas de trancher en faveur de l'innocuité.
Les nanomatériaux - substances à l'échelle du milliardième de mètre - présentent des propriétés différentes de celles des substances chimiques « conventionnelles », qui peuvent se traduire par une toxicité potentielle plus importante du fait de leur taille et de leur capacité de pénétration dans l'organisme. Les pouvoirs publics sont très attentifs à l'évaluation des risques sanitaires potentiels liés à l'exposition aux nanomatériaux. En parallèle à l'amélioration des connaissances, la France a souhaité renforcer la traçabilité des nanomatériaux et de leurs usages : elle est le premier pays européen à avoir mis en œuvre une déclaration obligatoire des nanomatériaux. Ce dispositif prévoit que les fabricants, distributeurs ou importateurs de nanomatériaux en déclarent les usages et les quantités annuelles mises sur le marché national. Les résultats issus de cette déclaration sont rendus publics chaque fin d'année depuis 2013. S'agissant de l'échelle européenne, des réglementations sectorielles prévoient d'identifier la présence de nanomatériaux et d'en informer les consommateurs via un étiquetage « nano » sur les produits en contenant (cosmétiques, biocides et denrées alimentaires). La Commission européenne œuvre également à adapter le règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques (règlement REACh) pour une meilleure prise en compte des nanomatériaux. La France quant à elle, sur la base notamment des recommandations de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) de mai 2014, a inscrit dans le 3ème Plan national santé environnement (PNSE3), un objectif d'évaluation de la toxicité des nanomatériaux dans les denrées alimentaires. Une saisine de l'ANSES, en cours de finalisation, a pour objectif de renforcer les connaissances disponibles relatives aux effets potentiels sur la santé des nanomatériaux contenus dans les denrées alimentaires et les matériaux à leur contact. Il est demandé à l'agence de réaliser une étude détaillée de la filière agro-alimentaire au regard de l'utilisation des nanos dans l'alimentation, de prioriser les substances et/ou produits finis d'intérêt en fonction de critères pertinents déterminés au cours de l'expertise ; de réaliser une revue des données disponibles (effets toxicologiques et données d'exposition) et en fonction de leur disponibilité, d'étudier la faisabilité d'une évaluation des risques sanitaires pour certains produits. Les résultats de l'expertise sont attendus pour fin 2017.Dans ce même plan, le Gouvernement prévoit d'agir en faveur de l'élargissement du dispositif d'étiquetage à d'autres produits contenant des nanomatériaux, notamment dans le cadre du règlement européen n° 1272/2008 relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges (CLP). Par ailleurs, la feuille de route de la conférence environnementale 2016 prévoit également la poursuite des travaux du groupe de travail « étiquetage et restriction des produits contenant des nanomatériaux » mis en place suite à la conférence environnementale 2014 et qui vise à proposer à la Commission européenne une « stratégie d'étiquetage » pour les nanomatériaux non couverts par les réglementations sectorielles en vigueur. Les travaux de ce groupe reprendront prochainement. Les conclusions seront transmises par le Gouvernement français à la Commission européenne et aux autres Etats membres. L'ensemble de ces mesures nationales et européennes visent à améliorer les connaissances sur les expositions et les dangers potentiels des nanomatériaux afin de prendre toute mesure de restriction d'usage de ces matériaux qui s'avèrerait nécessaire.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.