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Stéphanie Riocreux
Question écrite N° 25187 au Ministère de l'agriculture


Classement en zone défavorisée et diversité des productions agricoles

Question soumise le 23 février 2017

Mme Stéphanie Riocreux appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les réflexions en cours pour établir des critères d'identification des « zones soumises à contraintes spécifiques » (ZSCS) qui, avec ceux des « zones soumises à contraintes naturelles » (ZSCN), permettent de définir des zones défavorisées ouvrant droit, dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), au versement de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). L'enjeu suscite à la fois espoirs et inquiétudes. Les espoirs résident dans le montant de l'indemnité compensatoire qui a été considérablement revalorisé ces dernières années, les montants affectés à d'autres aides basculant en quelque sorte en faveur de cette indemnité. Mais, parallèlement, le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, relatif au développement rural, impose de revoir les critères d'éligibilité et beaucoup d'agriculteurs risquent de perdre cette indemnité s'ils ne se trouvent plus dans une zone sensible. Il y a deux sortes de critères, ceux, essentiellement biophysiques, qui concernent les contraintes naturelles et pour lesquels il y a peu de marge de manœuvre, et ceux qui concernent les contraintes spécifiques sur lesquelles il peut y avoir discussion. Bien conscient de l'enjeu, c'est-à-dire que de ces critères peut ressortir soit une forte diminution, soit une forte augmentation du nombre d'agriculteurs éligibles, le Gouvernement envisage de prendre en compte la notion d'élevage extensif à l'herbe, l'exclusion de certaines productions dans le calcul de la production brute standard, avec l'accord de la Commission européenne, la présence de forêts ou de zones humides ou encore l'activité agricole comme support d'une activité touristique. Le Gouvernement s'est dit ouvert à d'autres pistes. Parmi celles-ci, elle souhaite savoir si le Gouvernement envisage de favoriser le maintien de la diversité des productions à l'échelle locale. Cette diversité présente un enjeu fort non seulement économique et social mais aussi culturel et d'aménagement du territoire. La polyculture-élevage contribue au progrès agro-écologique par les synergies entre les élevages et les cultures que ces exploitations développent. En ce sens, en Touraine, zone intermédiaire à dominante céréalière, le dialogue des services déconcentrés de l'État et des organisations agricoles a mis en évidence que le plateau de Sainte-Maure ou la gâtine lochoise, régions d'élevage fragiles, seraient confortés si les contraintes spécifiques étaient identifiées à travers le critère des zones bocagères, des zones laitières fragiles et des zones répondant aux critères biophysiques où l'emploi agricole est surreprésenté. Elle lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement à l'égard de cette approche par la diversité locale et à l'égard de ces critères.

Réponse émise le 11 mai 2017

Les zones défavorisées simples (ZDS) hors montagne ont été définies à la fin des années 70 en se fondant sur des critères socio-économiques mais aussi, parfois, d'opportunité. Un rapport de la Cour des comptes européenne de 2003 pointait l'utilisation de critères non harmonisés conduisant à des situations très disparates au sein de l'Union européenne et à un classement contestable dans un certain nombre de cas. Une révision était donc nécessaire pour pérenniser les soutiens prévus aux agriculteurs de ces zones, en particulier l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN). Le règlement (UE) n° 1305/2013 relatif au développement rural a rendu cette révision obligatoire pour l'ensemble des États membres d'ici 2018. À la demande du ministre chargé de l'agriculture, des discussions ont été engagées dès 2016 avec les professionnels agricoles afin d'établir ce nouveau zonage, qui se composera de deux parties : une première partie, les « zones soumises à contraintes naturelles » (ZSCN), qui découle de l'application stricte de critères européens biophysiques et climatiques, sur laquelle il n'y a pas de marge de discussion ; une deuxième partie, les « zones soumises à contraintes spécifiques » (ZSCS), sur laquelle les travaux sont en cours et où la prise en compte de certaines spécificités de notre territoire est envisageable. S'agissant des ZSCN, deux conditions doivent être remplies pour que les communes soient incluses dans le futur zonage. D'une part, il est nécessaire qu'au moins 60 % de la surface agricole soient concernés par une contrainte liée aux critères biophysiques européens. D'autre part, il doit être vérifié, au regard de données économiques, que l'activité agricole présente dans ces communes n'a pas surmonté le handicap naturel. Une carte faisant apparaître la première partie du zonage a été présentée le 22 septembre 2016 à l'ensemble des partenaires. Il en ressortait que sur les 10 477 communes actuellement classées en ZDS, 4 957 communes (47 %) ne sont pas maintenues dans cette première partie, soit 23 600 agriculteurs (45 %) parmi les actuels bénéficiaires de l'ICHN dans ces zones (hors montagne). Comme annoncé en septembre 2016, la stricte application des critères européens ne saurait suffire pour prendre en compte la diversité des situations en France. C'est pourquoi l'objectif que le ministre chargé de l'agriculture a fixé, et qui est partagé par tous, est de retrouver dans la deuxième partie du zonage (au titre des « zones soumises à des contraintes spécifiques ») les communes dont les spécificités justifient leur maintien, en particulier dans les territoires où l'élevage est une activité significative. Pour cela, le travail engagé par l'administration centrale, avec l'appui des services déconcentrés et en lien avec les organisations professionnelles agricoles, permet d'identifier les enjeux pertinents à mettre en avant et de définir, pour chaque enjeu, des critères nationaux robustes en vue d'inclure dans le futur zonage les communes concernées. Concernant les critères biophysiques, les textes européens sont très précis et ne laissent aucune marge de manœuvre au niveau national. Les données relatives aux sols utilisées pour appliquer ces critères ont fait l'objet d'un travail colossal de recueil et d'analyse, coordonné depuis 2011 par l'unité « InfoSols » de l'institut national de la recherche agronomique. Il existe, suite à ce travail, des situations d'incompréhension, en particulier là où des communes voisines ayant des caractéristiques similaires au regard des critères biophysiques ne sont pas traitées de la même manière. Une expertise au cas par cas a été conduite. Il en ressort que les communes concernées sont effectivement dans des situations proches, mais que certaines sont au-dessus du seuil de classement et les autres juste en-dessous. Cela explique que le ressenti de terrain soit similaire, mais que le classement au regard des critères biophysiques soit pourtant différent. Pour faciliter la compréhension de cet aspect du zonage, un tableau par commune indiquant le niveau de contrainte pour chaque critère biophysique a été établi et diffusé aux services déconcentrés. En complément, toute explication nécessaire sera apportée, au cas par cas, pour que chacun puisse comprendre les singularités résultant de l'application des critères biophysiques. S'agissant des critères économiques qui doivent être mis en place pour établir la première partie du zonage, les textes européens sont également clairs. L'indicateur principal à utiliser est celui de la production brute standard (PBS). Il est établi et utilisé selon des règles statistiques et des lignes directrices européennes qui ne laissent pas de marge d'appréciation. Le seuil maximum de PBS en-dessous duquel l'activité économique agricole est considérée comme ne permettant pas de surmonter le handicap naturel est fixé à 80 % de la moyenne nationale. Le périmètre d'application de ce critère pouvait toutefois être décidé par chaque État membre. En France, les possibilités de choix étaient la commune, le canton ou la petite région agricole. Les travaux conduits montrent très clairement que c'est une approche au niveau de la petite région agricole qui mérite d'être retenue : le zonage en résultant est celui qui permet de maintenir dans le futur zonage le plus de communes actuellement classées. De plus, le choix de cet échelon permet d'éviter le mitage important qui résulterait d'une application à l'échelle de la commune. Au titre des critères reflétant l'activité économique agricole, un autre indicateur est également utilisé : le taux de chargement, qui correspond au nombre moyen d'animaux présents sur un hectare. Dans la carte présentée le 22 septembre 2016, le taux maximum avait été fixé à 1,3 unité de gros bétail (UGB) /ha. Au vu des remontées de terrain sur ce point, et après échanges avec la Commission européenne, il a été acté de porter le taux maximum à 1,4 UGB/ha. Cela permet de classer dans la première partie du zonage plus de 300 communes supplémentaires qui sont actuellement en ZDS. Aller au-delà de 1,4 UGB/ha ne serait en revanche pas opportun car cela conduirait à faire entrer dans le zonage plusieurs centaines de communes qui n'y figurent pas aujourd'hui, tout en ne permettant pas de récupérer un nombre significatif de communes « sortantes » et qui auraient vocation à y rester. Par ailleurs, le taux de 1,4 UGB/ha constitue pour la Commission européenne un maximum qu'il n'est pas envisageable de dépasser. Sur la deuxième partie du zonage, les marges de mise en œuvre laissées aux États membres seront pleinement mobilisées en France. Les ZSCS peuvent en effet représenter jusqu'à 10 % du territoire national (soit 6,7 millions d'hectares), alors que les communes actuellement classées qui ne figurent pas dans la première partie du zonage représentent environ la moitié de cette surface (3,6 millions d'hectares). Comme annoncé en septembre 2016, une première piste a été travaillée, qui s'appuie sur la notion d'élevage extensif à l'herbe. Cette première étape dans la constitution de la deuxième partie du zonage consiste à classer les petites régions agricoles remplissant les critères suivants : la part d'herbe est importante (la surface toujours en herbe représente au moins 30 % de la surface agricole utile (SAU), ou bien la surface toujours en herbe et les prairies temporaires représentent au moins 40 % de la SAU), le chargement est inférieur à 1,4 UGB/ha et la PBS est inférieure à 90 % de la moyenne nationale. Il s'agit d'une avancée significative dans la constitution de la deuxième partie du zonage, qui permet d'intégrer les communes avec une forte proportion d'élevage à l'herbe extensif et de récupérer 1 500 communes « sortantes ». Une nouvelle carte intégrant ces nouveautés a ainsi pu être présentée le 23 novembre 2016. Les concertations conduites depuis septembre 2016 ont également permis de travailler sur un paramètre mesurant le niveau économique de la production agricole moyenne, alternatif à celui appliqué pour la première partie du zonage. Il consiste à exclure certaines productions présentant des niveaux de résultat économique plus élevés que la moyenne nationale, qui biaisent la moyenne dans certains territoires. Les différents scénarios étudiés ont conduit à retirer de la PBS les productions suivantes : viticulture, arboriculture, maraîchage, horticulture, cultures permanentes, volailles, élevage porcin, tabac et semences. Cette PBS « restreinte » peut être retenue dès lors que ces productions à plus forte valeur ajoutée représentent plus de 50 % de la valeur de la PBS d'une petite région agricole, et que la valeur des productions résiduelles reste significative, soit supérieure à 15 % de la valeur de la PBS. Elle peut alors se substituer à la PBS classique pour être comparée avec la PBS restreinte moyenne au niveau national. Cette approche a été appliquée à la fois aux communes présentant les critères biophysiques requis dans la première partie du zonage (avec un seuil maximum de 80 %) et aux zones avec une forte proportion d'élevage à l'herbe extensif (avec un seuil maximum de 90 %). La réflexion portant sur les zones humides a également été approfondie. Les communes comportant des zones humides d'importance internationale reconnue par le classement RAMSAR et celles du marais poitevin ont été retenues de cette manière, ce qui améliore encore le zonage. Il s'agit d'une avancée supplémentaire dans la constitution de la deuxième partie du zonage, qui a été l'objet d'un point d'étape avec la présentation d'une nouvelle carte le 19 décembre 2016. Ces critères permettent de réduire de moitié le nombre de communes sortantes par rapport à la première carte publiée. Au total, elle permet de classer 12 551 communes avec 4 585 communes nouvelles, soit plus que le zonage actuellement en vigueur, et 52 175 agriculteurs. Sur cette nouvelle base et nourris des concertations en cours, des travaux complémentaires ont été menés et ont permis de nouvelles avancées en prenant en compte la qualité des surfaces considérées, avec la notion de surfaces peu productives et d'implantation ou d'entretien de haies, les critères utilisés jusqu'à présent étant strictement surfaciques ou économiques. La contribution de l'agriculture à l'emploi sur les territoires a également été valorisée à travers le classement présenté dans une quatrième carte le 7 mars dernier. Cette nouvelle version du zonage réduit encore de 500 le nombre de communes sortantes, qui est désormais de 1 741 communes, soit 17 % du nombre de communes actuellement classées, correspondant à 12 % des bénéficiaires actuels de l'ICHN. Par ailleurs 5 084 communes nouvelles entreraient dans le zonage qui classerait désormais 13 754 communes au total et représenterait 10,4 millions d'hectares, contre 8,1 actuellement classés. Lors d'une réunion le 7 mars avec les représentants des organisations professionnelles, le ministre chargé de l'agriculture a tenu à rappeler les enjeux de financement de la réforme. En effet, sauf à augmenter l'enveloppe budgétaire consacrée à la compensation des handicaps naturels par transfert du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) vers le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), l'extension du zonage (ZSCS) aura des conséquences sur le niveau des aides : le coût à critères d'éligibilité à l'aide constants est de 347 M€, soit 109 % des 317 M€ actuellement disponibles. Par ailleurs, s'il était décidé d'étendre les critères d'accès à l'ICHN aux productions végétales, ce montant serait porté à plus de 442 M€ soit 140 % du coût actuel. Pour la suite des travaux et dans la lignée des échanges du 7 mars, le ministre chargé de l'agriculture a demandé à ses services de tester en priorité les points suivants : d'une part, la prise en compte des rendements céréaliers pour l'application du réglage fin, d'autre part, l'inclusion des exploitations de polyculture-élevage et du niveau d'autonomie fourragère dans les critères de classement. Il souhaite en effet que différentes options puissent être mises sur la table, avec leurs budgets correspondants, afin que la décision finale sur ce zonage soit pleinement éclairée et qu'elle puisse répondre à l'objectif d'intégrer les territoires dont les spécificités justifient le maintien. À l'instar des étapes précédentes, d'autres pistes pourront encore émerger ou remonter du terrain via les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt et être examinées dans les prochaines semaines. En tout état de cause, une nouvelle réunion nationale d'échanges avec les organisations professionnelles agricoles avec la présentation des nouvelles cartes correspondant à plusieurs scénarios est prévue au mois d'avril. Elle permettra de faire le point sur ces différents sujets et, si possible, d'acter de nouvelles avancées dans la consolidation de la deuxième partie du zonage. Les propositions de la France sur le nouveau zonage devront être transmises à la Commission européenne au plus tard en septembre 2017, pour une mise en œuvre pour la campagne 2018. Selon l'option qui sera retenue par la France quant au périmètre final du nouveau zonage et selon le résultat de la négociation avec la Commission européenne sur les critères d'accès à l'aide dans les nouvelles zones défavorisées hors montagne, des décisions budgétaires devront être arrêtées selon le calendrier applicable à la politique agricole commune (PAC) 2018 soit avant le 31 juillet 2017, délai de rigueur pour opérer un éventuel transfert financier entre les piliers de la PAC.

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