Mme Jacky Deromedi expose à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères que l'aide au développement devrait être un élément important de la lutte contre les migrations irrégulières. La France est l'un des principaux acteurs du développement de pays tiers, par le biais d'actions et de subventions diverses. Or, les financements sont peu ou pas contrôlés sur le terrain et leur impact reste limité. L'aide au développement conçue au travers d'outils comme les FSP (fonds de solidarité prioritaires) ou les FSD (fonds de soutien au développement) ne semble pas efficace. Investir à fonds perdus dans de petites associations locales est très louable mais cela n'aboutit malheureusement à aucun résultat en matière de fixation de migrants potentiels. En conséquence, elle lui demande s'il est envisagé de réorienter l'aide au développement vers des projets gouvernementaux aisément contrôlables : par exemple, la mise à niveau de l'état-civil national, la sécurisation des documents d'identité, la confection de bases de données biométriques nationales. Le contrôle des crédits déployés dans le cadre de ces actions pourrait être facilité par les actions de coopération et de formation que la France pourrait y adjoindre. Des partenariats économiques en découleront, l'aide au développement étant l'un des supports de la diplomatie économique et d'influence.
Les « causes profondes » de la migration irrégulière sont multiples et complexes : elles recouvrent aussi bien les conflits, la pauvreté, la mauvaise gouvernance que l'insécurité. L'aide au développement peut prendre part à la résolution des crises migratoires, notamment par une politique de développement axée sur la création d'emploi et l'inclusion de la jeunesse. Elle ne saurait à elle seule être la réponse à un défi multi-causal et dont les effets se font sentir sur le long terme. Elle ne peut en aucun cas « fixer » les populations sur place mais peut contribuer à offrir un environnement propice au développement. Pour faire face au défi migratoire, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères mobilise tous les opérateurs qui concourent à la mise en œuvre de projets de développement ayant un impact migratoire, au premier chef l'Agence française de développement (AFD), mais aussi Expertise France, Campus France et Civipol. D'un point de vue stratégique, le cadre d'intervention transversal (CIT) de l'AFD de 2013 décrit à la fois comment l'Agence analyse les causes des migrations internes et internationales, mais aussi comment elle prend en compte l'impact migratoire de ces projets de développement. Le Comité interministériel de coopération internationale pour le développement (CICID) de novembre 2016 a par ailleurs enjoint l'AFD de mettre en place un plan d'action « migration et développement », qui actualise le CIT et prenne en compte l'importance de l'enjeu migratoire dans ses politiques sectorielles de développement. Le prochain CICID pourra renforcer ces orientations afin que notre APD contribue davantage à la création d'emplois dans les pays d'origine. À l'échelle européenne, la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière repose sur trois principes : l'approche globale adoptée à La Valette en 2015, dont le Plan d'action constitue une mise en œuvre concrète du partage des responsabilités entre pays d'origine, de transit et de destination ; une approche politique et incitative, incluant la lutte contre les passeurs et les financements des trafics (à cet égard, la stabilisation de la Libye est déterminante pour juguler les flux de migrants irréguliers) ; et, enfin, le principe de solidarité européenne. Le sommet UE-Afrique de La Valette, qui s'est tenu les 11 et 12 novembre 2015, a permis de mettre en place un partenariat global avec les pays d'origine et de transit africains avec l'adoption d'un plan d'action subdivisé en cinq thématiques dont trois renvoient spécifiquement à l'immigration irrégulière : les moyens de maximiser les bénéfices des migrations pour le développement et de lutter contre les causes profondes des déplacements forcés et des migrations irrégulières ; la prévention et la lutte contre la migration irrégulière, le trafic de migrants et la traite des êtres humains ; la question du retour, de la réadmission et de la réintégration. Instrument financier du plan d'action de La Valette, le fonds fiduciaire d'urgence de l'UE (FFU) et de ses États membres a pour objectif de renforcer la stabilité régionale et répondre aux défis de la migration irrégulière et des déplacements forcés, ainsi que de faciliter la gestion de la migration. Ce sont 2,9 Mds€ qui sont ainsi mobilisés. Dans le cadre du FFU, au travers d'une « Task force » ad hoc, la France mobilise résolument ses opérateurs pour porter des projets de développement ayant un impact migratoire. Ce sont près de 211 M€ de financements européens qui ont été mobilisés principalement par l'AFD, Expertise France et Civipol pour porter des projets de soutien à la création d'emploi, de formation professionnelle, mais aussi de création d'état civil et d'amélioration de la gestion transfrontalière au Sahel. Certains projets mis en œuvre portent également sur le retour et la réintégration durable des migrants et une attention de plus en plus forte est accordée à ce volet dans la sélection des projets. L'extension du fonds fiduciaire d'urgence à trois nouveaux pays (Guinée, Ghana, Côte d'Ivoire) ouvre de nouvelles perspectives de coopération avec ces États qui sont à la fois pays d'origine et pays de destination pour une partie des flux régionaux. À l'échelle nationale, un nouveau plan d'action pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires a été lancé le 12 juillet 2017. L'un des objectifs du plan vise à réduire les départs depuis les pays d'origine en s'appuyant sur des actions d'aide au développement en faveur de la création d'emplois dans ces mêmes pays. Même si les efforts interviendront à moyen et long terme, l'accroissement de programmes destinés à soutenir l'investissement productif pourrait ainsi aider à décourager les candidats à la migration. Cette approche a été confortée avec nos partenaires européens lors du sommet du 28 août 2017. À ce sujet, la France dispose déjà d'actions spécifiques en faveur de la création d'entreprises par les diasporas afin de générer des emplois, favoriser la croissance et valoriser l'expérience et le savoir-faire qu'elles ont acquis en France. Dans un cadre bilatéral, le cofinancement de programmes de mobilité, migration et développement offre l'opportunité à la France de collaborer avec des États d'origine (notamment au Sénégal, au Mali ou aux Comores). Ainsi ce sont 9 Mds€ qui chaque année partent de France vers l'Afrique sous forme de transferts de fonds et qui concourent à la réduction de la pauvreté. Par le biais de programmes et d'action spécifiques, notamment le site www.envoidargent.fr, elle facilite l'investissement des diasporas dans leur pays d'origine. La France soutient le renforcement des capacités des nombreuses associations de migrants engagées dans le développement, notamment le Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations (FORIM), plateforme nationale réunissant des réseaux, fédérations et 700 associations engagées dans des actions de développement. Ainsi un programme annuel d'1M€ cofinance des projets de développement portés par les diasporas.
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