M. Jean-Noël Guérini appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la crise agricole sans précédent qui frappe la France.
Cette crise concerne tous les pans de l'agriculture : producteurs laitiers, éleveurs bovins, maraîchers, et même céréaliers. En effet, comme le note la revue Agreste Panorama dans sa publication de novembre 2016, la production française de céréales atteindrait seulement 55,1 millions de tonnes en 2016, en baisse de 24 % sur un an, la plus faible production depuis 2003, année de grande sécheresse où les surfaces étaient moins étendues. Selon une étude du cabinet Altares, publiée le 31 janvier 2017, pour les seules activités d'élevage, le nombre de défaillances d'entreprises a doublé entre 2015 et 2016 (de 4 % à 8 %). Plus de la moitié des exploitations a disparu entre 1990 et 2013, passant de 1,02 million à 452 000. En 2015, 20 000 à 25 000 éleveurs étaient au bord du dépôt de bilan et ce nombre est en augmentation constante. Pour une grande majorité des exploitations, les chiffres d'affaires ne parviennent plus à couvrir les charges. À titre de compensation, les agriculteurs tâchent donc de diminuer leurs charges, retardent leurs investissements et se rémunèrent peu ou pas. Les deux tiers des agriculteurs touchent l'équivalent du Smic, un quart des éleveurs a touché moins de 10 000 euros en 2015. Parallèlement, leur dette augmente : l'endettement moyen a bondi de 50 000 euros en 1980 à 171 600 euros en 2012. Agri'écoute, le numéro d'écoute pour les agriculteurs en situation de détresse psychologique mis en place par la Mutualité sociale agricole, a vu ses appels exploser, ce que corrobore malheureusement une surmortalité par suicide significative par rapport à la population générale (+20 % en 2010).
Face à ce tableau extrêmement préoccupant, il lui demande quelles actions sont menées, afin de soutenir les agriculteurs français.
Les filières agricoles, en particulier d'élevage, traversent une période très difficile principalement due à des prix bas qui ne permettent plus une rémunération suffisante d'une partie des éleveurs et grèvent les trésoreries des exploitations, parfois déjà fragilisées depuis plusieurs années. Cette situation s'explique en partie par des tensions sur les marchés européens et mondiaux, mais elle trouve sa source également dans les difficultés structurelles d'organisation des filières et dans des relations commerciales peu équilibrées au détriment des producteurs. Le Gouvernement répond à cette crise, de dimension européenne, à la fois par la mise en place de mesures de soutien d'urgence au plan national, mais aussi par la mise en œuvre de mesures de nature plus structurelle, permettant d'apporter des réponses plus durables aux difficultés rencontrées. La France a formulé des propositions en parallèle, auprès de la Commission européenne et des États membres, afin que l'Union européenne (UE) prenne toute la mesure de la crise agricole et y réponde avec les outils de régulation des marchés qui sont à sa disposition. Au niveau national, le Gouvernement a mis en œuvre un plan de soutien à l'élevage dès l'été 2015, complété et élargi le 26 janvier 2016 pour certaines mesures à d'autres filières, notamment les producteurs de céréales et de fruits et légumes. Comprenant des mesures de soutien d'urgence pour améliorer la trésorerie des exploitations, de nature sociale, fiscale et bancaire, ce soutien a bénéficié de crédits de l'UE à hauteur de près de 63 millions d'euros. Dans ce cadre, les 47 000 éleveurs les plus en difficultés ont bénéficié de près de 210 millions d'euros d'aides nationales et de l'UE. Le plan de soutien à l'élevage a permis également d'activer des mesures conjoncturelles d'allègement et de prise en charge de cotisations sociales ainsi que des mesures fiscales, pour un montant global de près de 200 millions d'euros. En complément, la mesure « année blanche bancaire », permettant la restructuration totale ou partielle de la dette des éleveurs et des agriculteurs en difficultés, a été prolongée et est encore en vigueur pour permettre de traiter l'ensemble des dossiers. Au-delà de ces aides d'urgence, le Gouvernement a mis en place des allègements de charges durables et d'une ampleur sans précédent pour les agriculteurs. Ceux-ci ont bénéficié en 2016 au total d'un allègement de charges de 2,3 milliards d'euros (contre 1 milliard d'euros en 2012), qui vient s'ajouter aux mesures d'urgence mises en place en parallèle. Concernant la production laitière, et constatant que les marchés restaient dans une situation de tension et que la collecte européenne continuait d'augmenter malgré le contexte de déséquilibre offre-demande, la France a demandé au commissaire européen à l'agriculture, en lien avec d'autres États membres, d'étudier de nouvelles mesures qui permettent de réguler davantage les marchés. Le Gouvernement a obtenu, lors du conseil des ministres de l'agriculture du 18 juillet 2016, la mise en œuvre de mesures d'aide aux producteurs ayant un effet sur l'offre, pour un total de 500 millions d'euros au niveau de l'UE. Une enveloppe européenne de 150 millions d'euros a permis d'indemniser les éleveurs choisissant de diminuer volontairement leur production laitière sur trois mois, à hauteur de 140 euros par tonne de lait non produit par rapport à l'année précédente. Pour inciter les producteurs à s'engager dans le dispositif, la France a décidé d'apporter un soutien supplémentaire de 100 euros par tonne, soit au total 240 euros par tonne de lait non produite durant les trois derniers mois de l'année 2016, dans la limite de 5 % de la production du dernier trimestre 2015. Pour les producteurs s'engageant à une réduction de production en novembre, décembre 2016 et janvier 2017, un dispositif similaire a été mis en place et a permis à ces derniers d'obtenir un soutien au même niveau que les producteurs engagés sur la première période. Au total, environ 13 000 producteurs français se sont engagés dans ce programme, pour des volumes de réduction individuels limités, ce qui a permis de rééquilibrer le marché du lait sans provoquer de diminution brutale du cheptel de vaches laitières. Cette mesure a rencontré un succès au niveau européen car tous les pays producteurs ont contribué à la réduction de la production, ce qui a concouru à une remontée des cours du lait depuis le point bas de l'été 2016. Le succès de ce dispositif démontre l'utilité des mesures de gestion de marché pour amortir les effets des aléas économiques sur les exploitations agricoles. En complément de ces mesures de crise, une réflexion a été engagée fin 2016 afin d'améliorer le repérage et l'accompagnement des exploitants en difficultés. Ce travail aboutira notamment à une évolution du dispositif d'aide aux exploitations agricoles en difficultés et ce, afin de mieux répondre au contexte actuel des agriculteurs. Par ailleurs, le Gouvernement a formulé des propositions concrètes reprises dans la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin 2) pour aboutir à des relations commerciales plus transparentes avec les producteurs. Le texte comporte des dispositions permettant des avancées importantes pour les agriculteurs. Elles visent à assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière alimentaire grâce à des relations commerciales plus transparentes, à un renforcement du poids des producteurs dans la négociation et à une contractualisation rénovée entre, d'une part, les producteurs agricoles et les entreprises agroalimentaires et, d'autre part, les entreprises agroalimentaires et les distributeurs. Afin de mieux répondre aux enjeux liés au contexte de forte volatilité des prix mais aussi aux conséquences économiques des aléas climatiques, sanitaires et environnementaux ou bien encore diplomatiques, le ministère chargé de l'agriculture a initié à l'automne 2016 une réflexion large sur la gestion des risques qui a vocation à alimenter les propositions françaises sur la future politique agricole commune post 2020. Les premières recommandations font apparaître la nécessité d'élaborer une stratégie globale de gestion des risques, assise sur la palette des outils disponibles éventuellement adaptés. Un accord doit notamment être trouvé sur les risques relevant de la responsabilité des acteurs des filières et sur ceux relevant de l'État, en distinguant mieux les risques liés aux aléas de faible ampleur et les risques majeurs. Les réflexions sur un instrument de stabilisation des revenus (ou un outil similaire) doivent se poursuivre, en veillant à la bonne articulation de cet outil avec la constitution d'une épargne de précaution sur l'exploitation d'une part, et avec les aides du premier pilier de la PAC et les mesures de crise du règlement organisation commune des marchés d'autre part. En dernier lieu, le Gouvernement a décidé de lancer des états généraux de l'alimentation. Sous l'égide du ministère chargé de l'agriculture, ils ont débuté le 20 juillet 2017. Ils permettront de réunir l'ensemble des acteurs concernés (filières alimentaires, producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs) afin de réfléchir à la création de valeur et à sa meilleure répartition. La prise en compte des demandes évolutives des consommateurs, des impératifs environnementaux et de santé publique constitue également un axe de travail.
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