Mme Marie-Noëlle Lienemann interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur les initiatives que la France compte prendre sur le terrain diplomatique, au sein des instances européennes, et à l'Organisation des Nations Unies (ONU) pour faire cesser la réduction en esclavage de migrants sur le territoire libyen.
Depuis de nombreuses années, des organisations non gouvernementales dénoncent des violations sévères des droits de l'Homme et des cas multiples de traites d'êtres humains en Libye. Récemment, les médias ont présenté des reportages dramatiques sur la vente d'êtres humains, en l'occurrence de migrants, dans diverses communes de ce même pays.
Au-delà des protestations légitimes, la France doit intervenir avec la plus grande vigueur pour exiger que la Commission européenne arrête le financement de la formation des garde-côtes libyens. Cette formation, qui a pour but d'empêcher les migrants d'arriver en Europe, a été mise en place, en opposition à l'avis des organisations des droits de l'Homme qui ont constaté que les programmes de coopération de l'Union ont des conséquences, sur place, qui aggravent, au lieu de l'améliorer, la situation des personnes ayant besoin d'une protection internationale.
En août 2017, les autorités italiennes ont signé un accord avec la Libye « contre l'immigration illégale et le trafic d'êtres humains ». Hélas, nous pouvons constater que les dispositions de cet accord n'ont pas permis d'atteindre les objectifs fixés et placent des milliers de personnes vulnérables dans des conditions déplorables, en Libye.
L'expérience italienne nous prouve que la plus grande fermeté et l'arrêt des financements européens sont d'autant plus nécessaires.
Il apparaît aussi indispensable d'accélérer des décisions européennes en soutien d'un système permanent et harmonisé pour la réinstallation dans l'Union de 250 000 personnes sur deux ans.
C'est pourquoi elle demande au Gouvernement s'il ne juge pas urgent d'instaurer des voies légales et sûres pour les migrants-ce qui est non seulement la meilleure façon de lutter contre la traite et le trafic des êtres humains mais aussi de garantir les droits fondamentaux de chacun.
Si un coup d'arrêt immédiat n'est pas porté, ces atteintes risquent de se multiplier au regard des mouvements de migrations accrus, en particulier aux frontières de l'Europe.
En tout état de cause, elle demande que la France mène une stratégie diplomatique offensive pour que cesse cette traite d'êtres humains.
La France condamne les violences et traitements inhumains ou dégradants dont sont victimes les migrants et les réfugiés, particulièrement en Libye où certains sont susceptibles d'être constitutifs de crimes contre l'humanité. La France et ses partenaires européens et africains avaient pris des mesures pour renforcer la coopération dans la lutte contre les trafics de migrants et la traite des êtres humains dès le Sommet de Paris du 28 août 2017 qui a donné lieu à l'adoption d'une déclaration conjointe intitulée « Relever le défi de la migration et de l'asile ». Cette déclaration associant l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie, la Libye, le Niger, le Tchad et l'UE vise expressément à lutter contre les « réseaux de passeurs », à « améliorer la surveillance [de leurs] réseaux financiers et [à] les démanteler », ainsi qu'à renforcer « les mesures de sécurité et de lutte contre la traite des êtres humains ». La France a pris l'initiative de mettre en œuvre des missions de protection de l'OFPRA au Niger et au Tchad en vue de la réinstallation de réfugiés en Europe, y compris pour des réfugiés évacués depuis la Libye vers le Niger. Elle s'est en outre engagée à réinstaller 10 000 réfugiés, dont 3000 depuis le Niger et le Tchad d'ici 2019 et à augmenter sa contribution au HCR et à l'OIM de 10 millions d'euros. Après la diffusion d'un reportage de la chaîne CNN, qui a suscité une réprobation générale, notamment en Afrique et en Europe, la France a pris l'initiative d'appeler, à la demande du Président de la République, à une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies le 28 novembre 2017, permettant ainsi de faire le point sur la manière d'apporter une réponse globale à cette crise. La France plaide pour que l'impunité en Libye cesse et soutient le recours aux sanctions individuelles à l'ONU et au sein de l'UE et à la justice pénale internationale contre les individus coupables de traite d'êtres humains et de trafics de migrants. Dans le prolongement de cette réunion, le Conseil de sécurité a adopté, le 7 décembre 2017, une déclaration présidentielle dans laquelle les quinze États membres du Conseil de sécurité ont condamné le trafic de migrants et la traite des êtres humains auxquels ils sont soumis. La déclaration condamne ces violations des droits de l'Homme susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité, et appelle en particulier les autorités compétentes à poursuivre en justice les responsables de ces actes, encourage la coopération entre les autorités libyennes, l'ONU, l'UE et l'UA pour sauver les vies des migrants et des réfugiés en Libye et en route vers la Libye et rappelle que les coupables sont passibles de sanctions internationales. Elle se réfère également à la résolution 1970 de 2011 qui permet l'adoption de sanctions contre les individus responsables de graves violations des droits de l'Homme. La France a aussi pris l'initiative d'organiser une rencontre en marge du sommet UE-UA à Abidjan fin novembre 2017, avec des représentants de l'ONU, de l'UE, de l'UA, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, du Niger, du Tchad, de la Libye, du Congo et du Maroc, qui a permis la création d'un groupe de travail (« task force ») ONU-UA-UE et l'adoption d'un plan d'action en neuf points pour lutter contre les trafiquants et faciliter les retours dans leurs pays d'origine des migrants retenus en Libye. Ce plan prévoit notamment une coopération améliorée avec les autorités libyennes, une coordination policière et de renseignement renforcée pour démanteler les réseaux et leurs financements et, en lien étroit avec l'OIM et le HCR, le soutien à l'évacuation des migrants et réfugiés les plus vulnérables de Libye, en vue de leur rapatriement dans leurs pays d'origine ou de leur réinstallation dans des pays tiers pour ceux pouvant obtenir une protection internationale. La France est également mobilisée dans le cadre de l'Union européenne. Les chefs d'État et de gouvernement européens et africains se sont accordés, lors du sommet de La Valette en novembre 2015, sur un plan d'action conjoint sur la migration, dont l'un des piliers a pour objet la lutte contre les trafics de migrants et la traite des êtres humains. Les États membres de l'Union européenne ont lancé en 2015 l'opération militaire EUNAVFOR-MED SOPHIA, qui contribue au démantèlement des réseaux de trafiquants, ainsi qu'à la sélection et à la formation des garde-côtes libyens, notamment dans le domaine des droits de l'Homme. Cette opération effectue également des sauvetages en mer. En plus d'une aide humanitaire et bilatérale, l'Union européenne soutient des programmes d'appui aux communautés hôtes de migrants en Libye dans le cadre du Fonds fiduciaire d'urgence de l'UE. En Libye, ce fonds a engagé 162 millions d'euros en 2016-2017. Par ailleurs, le Conseil des ministres des affaires étrangères de l'UE a adopté en juillet 2017 un régime spécial d'autorisation pour exporter du matériel de type zodiaque vers la Libye, afin d'éviter qu'il ne soit utilisé à des fins de trafic. Un accord de gestion des frontières entre l'UE et la Libye n'est pas envisagé. La France est ainsi pleinement mobilisée pour mettre fin à ces agissements qui choquent la conscience de l'humanité.
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