M. Guy-Dominique Kennel interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la qualité d'accueil et de soins dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le 30 janvier 2018, les personnels des EHPAD se sont mobilisés pour dénoncer leurs conditions de travail mais aussi le traitement des personnes âgées isolées dans ces établissements. Cette mobilisation du personnel des quelque 6 900 EHPAD publics, privés non lucratifs et privés commerciaux qui hébergent près de 728 000 personnes âgées (10 % des plus de 75 ans et plus d'un tiers des plus de 90 ans) est inédite : les entrants sont toujours plus nombreux et plus dépendants alors que le taux d'encadrement moyen dans les EHPAD français est de 0,57 soignant pour un résident (moins de 60 agents pour 100 résidents). Par ailleurs, un tiers des établissements seraient dépourvus d'un médecin coordonnateur, ne respectant pas ainsi la réglementation en vigueur, selon un rapport d'une mission d'information « flash » de l'Assemblée nationale publié le 13 septembre 2017. Les établissements n'arrivent plus non plus à recruter d'aides-soignants. Ce sous-effectif nuit non seulement au bien-être des personnes âgées, mais est aussi une source de coûts pour la collectivité. Faute de personnel, les EHPAD envoient trop souvent leurs résidents aux urgences sans justification. Un seul poste d'infirmière pour trois EHPAD avec une permanence téléphonique de nuit permettrait d'éviter quatre nuits d'hospitalisation par patient et par an, a calculé l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France.
Ce déséquilibre conduit les personnels à accomplir les tâches quotidiennes de base à la chaîne, reléguant le lien humain à l'accessoire. La dégradation des conditions de travail génère des taux d'accidents du travail et d'absentéisme aberrants par rapport aux autres métiers de la santé : 9,4 %. C'est plus que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) où le taux d'accidents du travail est de 6 %. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir prendre en mesure la situation catastrophique et de lancer au plus vite une réforme pour mieux répondre aux besoins de notre société. Il lui demande aussi de bien vouloir replacer l'humain au sein du système.
Conscient de la priorité en matière de prise en charge des personnes âgées ainsi que des enjeux liés au vieillissement de la population, le Gouvernement travaille, au-delà de la mise en œuvre de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, à adapter les réponses aux besoins des personnes âgées, et à améliorer la qualité de la prise en charge dans une approche prospective. À cette fin, le haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et le haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) ont été missionnés pour réaliser une évaluation prospective des besoins en termes quantitatifs et qualitatifs de prise en charge médico-sociale et sanitaire des personnes âgées à horizon 2030. Afin de répondre aux problématiques entourant la pratique professionnelle dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), tant en termes de sinistralité que de turnover, un groupe de travail relatif à la qualité de vie au travail est installé sous l'égide de la direction générale de cohésion sociale. Il s'efforcera de mobiliser les branches professionnelles et aura pour objectif d'envisager toutes les possibilités d'agir sur la question de la pénibilité des métiers, par exemple au travers de la prévention des troubles musculo-squelettiques ou du stress lié à la prise en charge de personnes âgées très dépendantes. Les travaux du groupe de travail visent in fine à apporter des solutions concrètes aux établissements pour améliorer la situation des personnels, en abordant notamment les questions liées au mangement en EHPAD. Avec la réforme de la tarification, 397,9 millions d'euros de financements supplémentaires seront alloués aux EHPAD sur la période de 2017-2023. Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, ce sont d'ores et déjà 100 millions d'euros qui sont consacrés à l'amélioration du taux d'encadrement, de la qualité des accompagnements et des conditions de travail des personnels (185 millions d'euros en 2017). La majeure partie des personnels sont dévoués et consciencieux, loin de la maltraitance quotidienne évoquée lors de faits très regrettables. Ce problème correspond toutefois à une réalité qui doit être combattue. Un programme national de contrôle préventif des établissements médico-sociaux au titre des repérages et des risques de maltraitance a à ce titre été mis en œuvre. La lutte contre la maltraitance s'appuie également sur les dispositions récentes mises en place, telles que la déclaration des évènements indésirables graves associés à des soins et les structures régionales d'appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients qui impose le signalement des situations de maltraitance à l'agence régionale de santé (ARS). Ce dispositif s'intègre dans un cadre plus large de politique de lutte contre la maltraitance, qui comprend la diffusion d'un numéro vert national, le 3977, un renforcement des procédures de suivi et de traitement des signalements de maltraitance en institution par les autorités administratives et les acteurs compétents et la promotion d'une culture de la bientraitance des personnes âgées par l'élaboration collégiale de recommandations de bonnes pratiques par l'agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). Cet effort a d'ailleurs vocation à se poursuivre et à s'amplifier dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale de lutte contre la maltraitance qui doit être présentée au deuxième semestre 2018, qui s'appuiera notamment sur les pistes de réflexions issues des travaux du HCFEA.
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