M. Vincent Delahaye attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le relèvement du seuil d'audit obligatoire en entreprise.
En novembre 2017, l'inspection générale des finances réalisait une mission relative à l'impact d'obligation de contrôle légal des comptes sur la compétitivité des petites et moyennes entreprises (PME) françaises. Dans son rapport de mars 2018, l'IGF proposait au Gouvernement de relever le seuil d'audit légal au niveau européen, soit au seuil de 8 millions de chiffre d'affaires, de 4 millions de total de bilan et d'effectif moyen de 50 salariés.
Si cette proposition était retenue, elle aurait un effet désastreux ; à savoir la suppression d'au moins 80 % des mandats de la profession dans les entités commerciales, correspondant à 40 % de ses honoraires. Plus encore, elle pourrait supprimer plus de 10 000 emplois dans le secteur.
Par ailleurs, ce relèvement des seuils au niveau européen réduira significativement la prévention des risques dans de nombreuses entreprises et augmentera leur risque de défaillance ou de fraude. Des États européens, dont les seuils d'audit ont été relevés il y a peu, font déjà machine arrière ; c'est le cas de la Suède, du Danemark et de l'Italie.
De surcroît, la profession de commissaire aux comptes a toujours su préserver en France un modèle à la fois spécifique, diversifié et déconcentré. Les cabinets anglo-saxons n'y représentent que 48 % du marché alors qu'ils sont hégémoniques dans de nombreux pays européens. Relever ce seuil pénaliserait prioritairement et essentiellement les cabinets indépendants à taille humaine, porteurs de ce modèle.
Ainsi, il souhaiterait savoir si le Gouvernement accepterait d'envisager que le seuil demeure inférieur au seuil européen. La profession propose un seuil à 4 millions de chiffre d'affaires, 2 millions de total bilan et un effectif de dix salariés.
Enfin, il désire connaître l'opinion du Gouvernement sur la possibilité de mettre en œuvre un relèvement du seuil de façon progressive et concertée avec les professionnels du secteur.
Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises, afin de faciliter leur développement. Parmi les mesures envisagées, à cet effet, le relèvement de certains seuils, réglementaires et fiscaux, constitue une orientation importante pour réduire les charges administratives qui leur sont applicables. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage, en effet, de relever les seuils de certification légale des comptes, par un commissaire aux comptes, au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 M€ de chiffres d'affaires, 4 M€ de bilan et 50 salariés. Une analyse, conduite par l'inspection générale des finances (IGF), a en effet démontré que la pertinence de seuils d'audit légal, plus faibles que ceux fixés par le droit européen, n'est pas établie tant du point de vue de la qualité des comptes des petites entreprises, que de leur accès au financement. Le rapport de l'IGF démontre, en outre, que les coûts supportés par les petites entreprises françaises, qui ne sont pas visées par l'obligation européenne de certification légale des comptes, sont élevés (de l'ordre de 600 M€, soit en moyenne 5 511 € par an pour une entreprise située sous les seuils européens). Pour cette raison, il semble pertinent, au regard des enjeux financiers limités associés, de rendre facultative l'intervention d'un commissaire aux comptes dans les petites entreprises, alors que 75 % d'entre elles recourent, en parallèle, aux services d'un expert-comptable, qui concourt, d'ores et déjà, à la qualité comptable dans ces structures. Cette démarche est conforme à l'objectif fixé par le Premier ministre, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des flux réglementaires et de leur impact, d'identifier et d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national, alors qu'un nombre significatif d'États membres ont fixé des seuils identiques ou supérieurs à ceux prévus par le droit européen. Elle est également pleinement cohérente avec les orientations du Gouvernement visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises, fondé sur la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques, et, ainsi, une diminution du poids des contrôles et une responsabilisation individuelle accrue, comme en témoigne la création d'un droit à l'erreur, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier, de manière précise, les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, l'appui d'une mission présidée par M. Patrick de Cambourg - Président de l'Autorité des normes comptables, a été sollicitée sur l'avenir de la profession. Cette mission aura, notamment, pour objectif d'identifier des missions nouvelles, légales ou non, pouvant être confiées aux commissaires aux comptes ; de rechercher les moyens pour renforcer l'attractivité de cette profession et de permettre le maintien d'un maillage territorial suffisant de la profession dans les territoires ; de proposer des mesures d'aide aux professionnels les plus touchés par la réforme ; enfin, de formuler des propositions visant à favoriser le développement de l'expertise comptable et à enrichir ses missions d'appui et de conseil aux entreprises ne disposant pas d'un commissaire aux comptes. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.
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