M. Jean-Noël Cardoux attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'insécurité juridique des conseils départementaux qui doivent se prononcer sur le retrait d'agrément des assistants maternels et familiaux, lorsque ceux-ci font l'objet d'une enquête pénale dans le cadre d'une suspicion de mauvais traitement sur les mineurs qu'ils accueillent.
En effet, le code de l'action sociale des familles prévoit, en son article R. 421-24, que « la décision de suspension d'agrément fixe la durée pour laquelle elle est prise qui ne peut en aucun cas excéder une période de quatre mois ».
Ce délai de quatre mois est généralement insuffisant pour permettre à l'enquête pénale d'aboutir, or le département se voit contraint, à l'échéance de ce délai, de se prononcer sur des faits qui n'ont pas été qualifiés par le juge pénal, afin de retirer ou de restituer l'agrément. Les conséquences d'un retrait d'agrément sont lourdes et immédiates pour les assistants maternels et familiaux, puisqu'il les prive de la possibilité d'exercer leur métier, et donc de leurs ressources.
Le cadre juridique actuel rend extrêmement complexe le rôle du département. Celui-ci est chargé tout à la fois de respecter la présomption d'innocence des assistants maternels et familiaux, d'assurer la santé et la sécurité des mineurs accueillis ou confiés, de motiver ses décisions de suspension et de retrait. Les moyens dont disposent les services départementaux de protection maternelle et infantile, des moyens d'enquête administrative, sont extrêmement limités pour pouvoir se prononcer, à partir d'éléments de fait et de droit, sur le risque qu'il y aurait à maintenir ou à retirer l'agrément de tel professionnel agréé. Du point de vue pratique, il apparaît également, localement, que les enquêtes administratives de la protection maternelle et infantile (PMI) peuvent heurter, voire compromettre, le bon déroulement de l'enquête pénale et la protection de l'identité du signalant.
Au moins deux intérêts supérieurs s'affrontent ici : celui du respect de la présomption d'innocence, garanti par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et celui de la protection de l'enfance, qui engage la responsabilité pénale du président du conseil général. En outre, l'insécurité juridique est totale pour les départements, qui peuvent être condamné par les tribunaux administratifs à indemniser les assistants maternels et familiaux ayant fait l'objet d'une enquête pénale sans condamnation.
Il demande donc si des réponses législatives et réglementaires sont envisagées pour ces situations, afin que la protection de l'enfance soit assurée dans un cadre garantissant l'effectivité de la présomption d'innocence reconnue aux assistants maternels et familiaux et permettant à ces derniers de ne pas subir une perte de ressources dramatique à l'expiration du délai de quatre mois.
Les professions d'assistant maternel et d'assistant familial ont en commun de concerner l'accueil d'enfants dès leur plus jeune âge et pour des périodes parfois de longue durée au domicile de ces professionnels et pour les assistants maternels également au sein d'une maison d'assistants maternels. Il s'agit de professions réglementées par le législateur, lequel a en effet prévu de conditionner cette activité professionnelle à l'octroi d'un agrément accordé par une personne publique. L'agrément dispensé aux assistants familiaux permet de vérifier que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé, et l'épanouissement de l'enfant en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Le cadre d'exercice professionnel des assistants familiaux situé dans la sphère privée peut dans certains cas soulever des problèmes en cas de suspicion de maltraitance de l'assistant maternel ou familial sur les enfants accueillis. Dans certaines situations le principe de précaution et de protection amène l'employeur à retirer les enfants confiés à l'assistant familial dès que des accusations surviennent. La suspension de l'agrément peut être décidée par le président du conseil départemental en cas d'urgence (art. L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles), notamment s'il existe une suspicion de maltraitance ou de danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité des enfants accueillis. La décision de suspension s'accompagne dans ce cas de garanties pour l'assistant familial. Elle doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés (art. L. 421-6). La commission consultative paritaire départementale est obligatoirement informée et la durée de la suspension est de quatre mois (art. R. 421-24). La décision de suspension peut être contestée selon les voies de recours de droit commun (recours gracieux, recours contentieux). En application des articles L. 423-8 et D. 423-3 du code de l'action sociale et des familles, l'assistant familial employé par une personne morale de droit privé perçoit une indemnité compensatrice qui ne peut être inférieure par mois, au montant minimum de la part correspondant à la fonction globale d'accueil définie au 1° de l'article D. 423-23. Enfin, à sa demande, l'assistant familial peut parfois bénéficier d'un accompagnement psychologique même si celui-ci ne concerne juridiquement que les assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé. Si au terme des quatre mois de suspension, au regard notamment de l'enquête administrative qu'il aura provoquée, le président du conseil départemental estime qu'un risque de maltraitance est avéré, il doit, indépendamment de l'enquête pénale le cas échéant toujours pendante, retirer l'agrément dans la mesure où le principe de protection de l'enfant prime. La question de l'éventuelle réparation du préjudice subi par un assistant familial ayant fait l'objet d'une suspension d'agrément, notamment suite à des suspicions de maltraitance, considérées postérieurement comme non fondées par la justice pénale, peut se poser. Dès lors qu'une décision administrative lui fait grief, l'assistant familial rétabli dans ses droits par le juge, comme tout justiciable se trouvant dans cette situation, peut demander réparation du préjudice causé par la décision dans les conditions de droit commun. En cas de refus d'indemnisation par le département, l'assistant familial concerné peut saisir le juge administratif d'un recours contre cette décision. Les conseils départementaux et les syndicats et fédérations d'assistants familiaux interpellent depuis plusieurs années les pouvoirs publics sur la conciliation des deux principes d'intérêt supérieur de l'enfant qui impose de le protéger et de le retirer de la famille d'accueil dès lors qu'il existe une suspicion de maltraitance et le principe de présomption d'innocence. Afin d'apporter des réponses à ces interpellations, d'homogénéiser les pratiques des décideurs sur le territoire et de de ne pas fragiliser la situation professionnelle de l'assistant familial ou maternel et de respecter ses droits, le ministère en charge des affaires sociales avait travaillé en 2016 avec un groupe d'experts et de représentants des départements et des professionnels pour permettre de concilier au mieux ces deux principes. Un guide doit désormais être publié en septembre 2018 suite à ces travaux. Il permettra de venir en appui des assistants familiaux, de leurs employeurs et des conseils départementaux par un rappel du cadre réglementaire et des procédures à suivre, ainsi qu'en partageant les recommandations et les bonnes pratiques qui ont été soulevées par le groupe d'experts, de praticiens et de représentants des départements. Les travaux n'ont pas mis en avant de nécessité d'évolutions législatives par rapport au cadre actuel
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